Le Maroc vient d'amender une partie de son arsenal réglementaire en matière de sécurité routière, en introduisant une série de mesures visant, selon le gouvernement, à rendre les procédures « plus claires et plus justes« . Si ces ajustements apportent une certaine souplesse administrative pour les conducteurs en infraction, ils soulèvent une nouvelle fois la question lancinante du laxisme qui entoure, au Royaume, la gestion des drames routiers, trop souvent relégués au rang de simples formalités. Depuis leur publication au Bulletin officiel, les nouvelles dispositions modifient profondément la manière dont les automobilistes récupèrent leurs documents après une amende. Désormais, fini le va-et-vient contraignant vers le lieu précis de l'infraction, souvent éloigné de plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres. Les conducteurs pourront dorénavant récupérer leur permis de conduire, leur carte grise ou leur justificatif de propriété auprès de la police du lieu de leur résidence ou là où ils ont payé l'amende. Une mesure saluée par certains automobilistes, pour qui les anciennes procédures étaient kafkaïennes. Dans le même mouvement, la durée de rétention des documents confisqués a été étendue à 30 jours, contre 15 auparavant. La police, de son côté, est désormais autorisée à saisir temporairement les preuves de propriété des véhicules, une sanction qui était jusqu'ici limitée au permis et à la carte grise. Ces changements traduisent également une montée en puissance institutionnelle de l'Agence Nationale de la Sécurité Routière (NARSA), qui se substitue désormais au ministère des Transports dans la gestion des infractions. Une clarification de la chaîne administrative, certes, mais qui ne règle en rien la question de fond : celle de l'impunité routière. Lire aussi : La Société Nationale des Autoroutes du Maroc informe sur l'avancement de ses projets autoroutiers Interrogé en conférence de presse, le porte-parole du gouvernement, M. Mustapha Baitas, a rappelé l'existence de deux catégories d'infractions : celles relatives au comportement au volant, et celles liées à la situation administrative du véhicule. Dans le premier cas, le permis peut être retiré ; dans le second, c'est la carte grise ou le certificat de propriété qui est saisi. Une distinction juridique qui, dans les faits, masque mal la faiblesse récurrente des sanctions face à des comportements dangereux. Car au-delà des amendes et des procédures administratives, c'est bien la culture de l'impunité qui mine la sécurité routière au Maroc. Chaque année, les accidents de la route font des milliers de morts et de blessés graves, mais rares sont les conducteurs à faire face à des sanctions à la hauteur des drames causés. Excès de vitesse, conduites en état d'ivresse, usage du téléphone au volant, franchissements dangereux… les comportements à risque restent insuffisamment sanctionnés, alimentant un sentiment d'impunité généralisée. Si le gouvernement s'est félicité de la « modernisation » des procédures, il reste muet sur les statistiques alarmantes des décès sur les routes marocaines, qui figurent parmi les plus élevés du continent. Les familles des victimes, elles, dénoncent régulièrement une justice qui privilégie les amendes forfaitaires au détriment de peines réellement dissuasives. À ce titre, la réforme annoncée ressemble davantage à une simplification administrative qu'à une révolution sécuritaire. Elle facilite la vie des conducteurs en infraction, mais ne modifie en rien l'arsenal répressif, déjà jugé insuffisant par les associations de victimes. Une réforme de surface, donc, qui risque fort de ne pas enrayer l'hémorragie routière.