Rabat, Nouakchott, Tindouf, Alger, les quatre étapes de Christopher Ross, n'auront servi à rien. De l'aveu même de l'émissaire onusien: le dossier du Sahara est dans l'impasse. Accolade entre le Président Bouteflika et Christopher Ross à Alger, le 22 mars 2010. Le pouvoir algérien veut le Sahara par Polisario interposé. Où en sommes-nous par rapport à la question du Sahara marocain? Pour être sur les pas du factuel, nous en sommes au dernier périple, dans la région, de Christopher Ross, représentant personnel du secrétaire général de l'ONU pour cette affaire. Depuis la capitale mauritanienne, Nouakchott, où il est arrivé, dimanche 21 mars 2010 après un passage par le Maroc et les camps de Tindouf, M. Ross a déclaré que les voies qui mènent à des négociations productives entre les parties sont bloquées. Un aveu d'échec attendu, mais néanmoins surprenant car il est tombé avant même l'arrivée de M. Ross en Algérie, lundi 22 mars 2010. Etait-il convaincu d'avance de la réponse qu'il devait obtenir à Alger, où il a été effectivement reçu le lendemain par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika? Toujours est-il que cette annonce prématurée n'augure rien de bon quant au rapport que M. Ross doit remettre au secrétaire général des Nations unies, Ban ki-moon et que celui-ci devra présenter au Conseil de sécurité fin avril 2010. Un rapport qui sera placé, à n'en pas douter, sous le signe du blocage. Position légitime Il faut rappeler que Christopher Ross a été reçu, jeudi 18 mars 2010, par S.M le Roi Mohammed VI au palais royal de Tétouan. Que s'est-il passé lors de cette entrevue? Ce litige préfabriqué a tellement vécu que la question peut paraître superflue. Evidemment, le Souverain a réitéré l'objectivité implacable des droits historiques et territoriaux du Maroc sur des provinces sahariennes qui ont toujours été les siennes, hormis la parenthèse de la colonisation espagnole. L'émissaire onusien a écouté la position légitime du Maroc, au plus haut niveau de la représentation de l'Etat. C'est son rôle. C'est aussi sa personnalité, sa culture et son parcours de diplomate. M. Ross est un polyglotte, arabophone à l'envi, maîtrisant la langue de Molière et slalomant, avec une aisance toute diplomatique, entre les nuances linguistiques du parler british et de l'anglo-américain maternel. Impassible, il n'a ni intonation de voix perceptible, ni états d'âme irrépressibles et, pourquoi pas compréhensibles. Bref, un glaçon insensible à toutes les latitudes politiques du globe, particulièrement à celles d'un “Maghreb compliqué”, pour utiliser une formule gaullienne. Conflit factice Peut-on, pour autant, le soupçonner d'être d'une imperméabilité totale à nos arguments? Rien n'est moins sûr. Son professionnalisme n'exclut pas une certaine distance de jugement. D'autant plus qu'il est dans l'obligation de recadrer sa mission en fonction du temps qui passe, des attitudes des parties prenantes dans ce conflit factice, en particulier la posture d'une Algérie commandataire attitrée du Polisario. Sans être d'un pessimisme absolu, on peut penser que ce genre de tournées, au gré de la longue file d'envoyés spéciaux de l'ONU, ne servent à rien. Tellement l'embourbement est pesant et le surplace désarmant, sans jeu de mots et sans jurer d'un futur incertain. À moins que l'ONU, son émissaire et la communauté internationale ne prennent la peine de voir d'où vient le blocage! Un rappel rapide. Depuis 2007, les parties concernées ou intéressées (Maroc, Polisario, Algérie et Mauritanie) se sont retrouvés, à quatre reprises, à Manhassett, dans la banlieue de New York, sous l'égide de l'ONU. Sans résultat. L'ancien monsieur Sahara pour le compte des Nations Unies, Peter Van Walsun, avait fini par jeter l'éponge. Mais, avant de rendre son tablier, il a livré ses conclusions au Conseil de sécurité, à savoir que «l'indépendance du Sahara occidental n'est pas une option réaliste». Par contre, il invitait à mettre l'accent sur la nécessité du respect de la réalité géo-politique. En gros, il appelait de ses vœux au réalisme et au compromis. Une manière de dire que le référendum d'autodétermination est une procédure qui est devenue caduque, parce que l'expérience a prouvé qu'elle n'est ni techniquement faisable, ni politiquement acceptable. Le message-testament de M. Van Walsun a été entendu par son successeur. Christopher Ross a estimé qu'il fallait prendre une sorte de tangente préparatoire en invitant “les parties” à des réunions informelles. Il y en a eu deux, la première en août 2009 à Vienne (Autriche); et la toute récente les 10 et 11 février 2010 à Westchester, dans les environs de New York. Il n'en est rien sorti. Où se situe donc l'obstruction? Guerre d'un autre temps Pour en avoir le cœur net, il importe de s'arrêter sur la date référence de 2007. C'est, précisément, le moment où le Maroc a présenté son plan d'autonomie élargie pour les provinces sahariennes. Une initiative qui avait d'ailleurs conduit au processus de négociations de Manhassett. Le Conseil de sécurité ne s'y est pas trompé. Sur plusieurs de ses sessions où la question du Sahara était à l'ordre du jour, l'offre marocaine a été explicitement jugée «sérieuse et crédible». Tous les espoirs étaient alors permis. On a cru possible le dégel d'une situation figée, depuis trois décennies et demi. C'était sans compter avec la persistance des gouvernants d'Alger à vouloir perpétuer une guerre diplomatique de tranchées, une guerre des nerfs, une guerre d'un autre temps. Au pire comme la guerre de cent ans; au mieux comme la guerre de Troie, une guerre entre le Maroc et l'Algérie qui, espère-t-on, n'aura pas lieu. Au final, les positionnements sont clairs. L'Algérie veut le Sahara, par Polisario interposé et pour mettre le Maroc totalement face à ses ouvertures maritimes, sans recul continental, tout en établissant son hégémonie anachronique et déstabilisatrice sur toute la région du nord-ouest africain. Supercherie algérienne Le Maroc, lui, n'entend pas se laisser amputer d'une partie de son territoire par une supercherie algérienne manifeste et révoltante. L'Union européenne, mais surtout les Etats-Unis d'Amérique, ont fini par réagir à une situation limite dans une partie de l'Afrique où se joue leur propre sécurité de proximité ou à distance. L'Europe n'est qu'à quelques encablures des lieux de départ de l'émigration clandestine et de tout autre trafic nuisible et répréhensible. Depuis la mondialisation du terrorisme et les attentats du 11 septembre 2001, l'Amérique n'est plus aussi loin qu'on l'imaginait. Elle s'est réveillée un jour en s'apercevant qu'elle n'était pas hors d'atteinte à partir de contrées lointaines. L'Afghanistan ou le Pakistan ne sont pas aussi décalés que le Sahel africain. Il se trouve que dans ce nouveau triangle de l'islamisme terroriste, entre le Mauritanie, le Niger, le Mali et l'Algérie, Al Qaïda a installé ses bases de redéploiement et de repli à l'échelle régionale pour des projets funestes au plan mondial. La question du Sahara est en corrélation directe avec cet abcès menaçant, à propension métastasiante, qui ne cesse de s'infecter. L'Amérique a appris à relativiser la distance et à évaluer la relation de cause à effet d'un même mal, où qu'il se situe. Pour preuve, sa toute récente réaction à propos du conflit fomenté et entretenu par l'Algérie autour du Sahara marocain. Pas moins de 54 sénateurs américains, démocrates et républicains confondus, ont adressé une lettre à la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, appelant à une solution au conflit algéro-marocain autour du Sahara, à partir du principe d'autonomie qui ne porte pas atteinte à la souveraineté du Maroc sur ses territoires. Les signataires de cette lettre ne sont pas d'illustres inconnus de la Chambre haute américaine. Ils sont, pour la moitié d'entre eux, soit présidents ou numéro deux des commissions sénatoriales. Diane Feinstein, présidente de la toute puissante commission du renseignement, dont la voix est déterminante pour la définition de la politique anti-terroriste des Etats-Unis. Contrées lontaines Carl Levin, président de la commission de défense. Max Baucus, président de la commission des finances. Sans oublier des personnalités de poids comme John Mc Cain, ancien compétiteur de Barack Obama; et Joseph Lieberman, qui faisait partie du ticket Al Gore lors des présidentielles de 2000. Il faut rappeler qu'en avril 2009, une démarche similaire avait été entreprise par 229 membres de la Chambre basse; ce qui traduit une convergence de vues au Congrès entre les deux instances législatives américaines que sont le Sénat et la Chambre des représentants. À moins d'être frappé d'un tropisme profond de géostratégie, il faut bien reconnaître que l'Amérique s'est enfin sérieusement intéressé à ce conflit monté de toute pièces par l'Algérie, avec toutes ses implications réellement et potentiellement meurtrières et aventureuses pour toute la région. Quant au déficit d'intégration régionale et au retard accumulé à ce niveau, ils sont à mettre au compteur retro des caciques anti-datés qui gouvernent l'Algérie. Retour à Tétouan. Que se sont dit S.M le Roi Mohammed VI et Christopher Ross? Pouvons-nous reprendre un dialogue sans issue visible, type Manhassett. Cela vaut-il une transatlantique pour rien? C'est toute la question. Tayeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, qui a assisté à l'audience royale, en a donné la quintessence à la presse. Le Souverain a rappelé à l'envoyé de l'ONU que l'initiative marocaine d'une autonomie des provinces sahariennes répond parfaitement aux paramètres et directives des résolutions du Conseil de sécurité. Autrement dit, il est impensable que le Maroc puisse faire une toute autre concession qui ne pourrait qu'être au détriment de son intégrité territoriale et de son unité nationale. Implications meurtrières Nous avons coutume de dire que le Sahara, nous y sommes; et que l'Algérie peut le convoiter jusqu'au jour du jugement dernier. Un sentiment patriotique, compréhensible et louable. Sauf que nos concitoyens sahraouis croupissent toujours dans les camps de Tindouf, en territoire algérien. Une génération et demi de damnés du désert dont l'Algérie porte la responsabilité et endosse les malheurs devant l'Histoire. Alors, quel dialogue!