Chaque année possède son lot de moments de joie et de plaisir, mais aussi, de tristesse et de chagrin, bref, des moments d'émotions plus ou moins contradictoires qui mettent à dure épreuve aussi bien notre esprit que notre corps et notre cœur. Pour ma part, je ne vais pas vous faire de grandes confidences, mais tout ce que je pourrais vous dire c'est que cette année a été particulièrement mouvementée, mais, Dieu, merci, je m'en suis plutôt bien sorti. Voilà. J'avais envie de vous dire tout cela, mais, en fait, tout cela n'a pas beaucoup de rapport, ou très peu, avec le sujet que j'ai choisi pour vous, à savoir le problème de la lecture, ou plutôt de la non-lecture dans notre pays. Je suis sûr qu'en voyant le titre de cette chronique, vous avez fait tout de suite le rapprochement avec ce merveilleux livre scolaire de notre enfance et qui portait le nom très approprié de «Bien lire et comprendre». Ce n'est pas la première fois que j'aborde cette question dans mes billets - parce que ça me tient vraiment à cœur - mais si j'ai décidé de vous en reparler, c'est que, justement, c'est pendant les vacances que je constate l'étendue de cette véritable catastrophe nationale. Je vais vous donner quelques exemples. Dans la station touristique où je me trouve actuellement – mais en fait, ce n'est pas exceptionnel car je l'avais déjà constaté partout au Maroc – il n'y a pratiquement aucune librairie ni kiosque où l'on pourrait acheter un livre, que ce soit un roman, un essai ou autre. Il faut se déplacer jusqu'à l'une des villes principales de la région pour avoir la chance d'accéder à la culture. Idem pour les journaux. L'année dernière, par exemple, j'étais obligé de faire pratiquement 20 km chaque matin pour m'approvisionner en quotidiens nationaux. Et quand je voulais lire un journal ou un magazine étranger, il fallait que je me déplace beaucoup plus loin, et, encore, je n'étais pas toujours sûr de trouver ce que je voulais car, me disait-on, le stock qui arrivait chaque jour était si petit qu'il suffisait à peine aux 10 ou 20 lecteurs fous parmi les milliers de vacanciers. Et dire que cette région est réputée recevoir tous les étés la «crème» de nos décideurs politiques et économiques qui sont censés être toujours à la page, ne serait-ce que pour continuer de suivre l'évolution de leurs propres affaires. Quant aux nôtres, ça, c'est une autre affaire… Autre exemple: il m'est déjà arrivé de passer mes vacances estivales dans d'autres pays, on va dire «développés», et la première des choses que je remarque, que ce soit à la plage ou bien au bord d'une piscine, c'est que de nombreuses personnes, étendues sur une serviette à l'air libre, ou détendues sur un transat sous un parasol, tiennent dans leurs mains un livre, un magazine ou un journal. Et bien, hier, je me trouvais dans une plage que je ne vais pas nommer parce qu'elle n'est pas la seule à être en cause, et après avoir avalé pratiquement la moitié d'un roman, j'ai fait le tour de toute la plage - histoire de me dégourdir un peu les jambes, et tant qu'à faire, de me rincer l'œil loin de ma douce moitié laissée sur sa chaise pliante – et je vous jure que je n'ai pas vu un seul individu, homme ou femme, qui tient ne serait-ce qu'un carnet de recettes de cuisine, un magazine de bandes dessinées ou juste un truc de mots croisés. Rien du tout ! En d'autres termes, j'étais le seul martien sur cette planète d'analphabètes heureux et d'incultes qui bronzent idiots. Oui, je m'énerve et peut-être aussi que j'exagère, mais, franchement, je pense qu'il est temps qu'on fasse quelque chose, au moins pour les générations à venir. Comme je ne compte pas beaucoup sur nos responsables qui confondent souvent scolarité et instruction, folklore et culture, je fais plutôt appel à nos intellectuels pour les supplier de laisser de côté leur nombril qu'ils n'ont que trop vu, et de s'atteler sérieusement et sincèrement à cette tâche si lourde mais si envoûtante : donner l'envie de lire pour avoir plus de jugeote mais aussi pour le plaisir. En attendant, je souhaite à tous les lecteurs et à toutes les lectrices une très bonne rentrée et un très bon week-end. Quant aux autres… Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : pourquoi les menaces d'une rentrée très chaude que font les syndicats laissent quand même notre gouvernement très froid ?