Qui a dit que les censeurs étaient des gens insensés ? Ailleurs, c'est possible, mais pas chez nous. Qui croyait que les redresseurs de torts avaient toujours tort ? Ceux d'autres contrées, peut-être, mais pas les nôtres. Qui pense encore que les moralisateurs ne changeaient jamais d'avis ? Les étrangers, sans doute, mais pas nos compatriotes. En tout cas, c'est ce que j'ai déduit de la décision historique inattendue qui a été prise dernièrement par les protecteurs bénévoles de notre virginité originelle, les garants de notre moralité sociale et culturelle, bref, nos guides confirmés du bon chemin vers le paradis les yeux fermés. Cette décision sous forme de profession de foi est passée presque inaperçue. Pourtant, moi, je l'ai vue de mes propres yeux ouverts que d'ailleurs je n'ai pas crus. Du jamais vu ! Franchement, je croyais que c'était une blague. De plus, par un curieux hasard,cette déclaration empreinte d'un ton nouveau pour ne pas dire de renouveau, a été publiée presque le même jour que mon billet où j'avais titillé les apprentis censeurs, et que j'avais pudiquement titré «Cinéma hchouma». Vous avez dit bizarre ? Quand je l'ai lu, disais-je, j'ai trouvé ça vraiment curieux. Comment, me suis-je interloqué, ont-ils pu changer aussi vite ? Hier encore, ils criaient à qui voulait les entendre - mais tout le monde leur avait fait la sourde oreille – qu'il fallait absolument interdire l'entrée dans ce bled sacré de toute personne qui ne répondrait pas aux normes biologiques naturellement normées, fût-elle la plus grande des stars, et aujourd'hui, ils décident, d'une manière unilatérale et sans aucun préavis préalable, désormais, de fermer les yeux, de se boucher les oreilles, et bien sûr, de ne plus dire qu'il faut interdire ! À partir de dorénavant, nous ont-ils juré, ils ne formuleront plus aucun grief ni aucun reproche et, par conséquent, aucune demande formelle ou informelle d'interdiction ou de boycott d'aucun artiste qu'il soit homme, femme ou mixte, ni d'aucune œuvre artistique qu'elle soit comique, tragique, ou même, pourquoi pas, érotique ! Youpi !Ça vous en bouche un coin, n'est-ce pas ? Mais pourquoi sont-ils revenus si subitement à de si bons sentiments ? Ont-ils eu une révélation ? Y a-t-il eu une fatwa libératoire venue d'ailleurs ? S'agit-il d'un revirement hautement tactique pour des raisons bassement politiques ? Non, rien de tout ça ! Et la réponse inouïe, étonnante, détonante et que vous ne croirez jamais tellement elle est incroyable, est dans le corps même du texte : ils ont décidé de ne plus rien dire sur rien parce qu'ils ont constaté, nous révèlent-ils, que ça avait l'effet contraire : ça faisait de la pub pour les vilains ! Alors, les artistes, vous avez ce qu'il vous reste à faire ? Prenez vos aises et osez !