Le Maroc va bientôt se doter d'une nouvelle structure en charge de la gestion de la dette publique. L'idée est en cours de chemin et même si aujourd'hui les contours de la forme de cette entité ne sont pas encore véritablement déclinés, le dernier rapport de la Cour des comptes pour l'année 2012 en fixe les grandes orientations. Il ne s'agit certes que d'une proposition émise par la Cour, mais qui a de fortes chances d'aboutir, comme le laisse entendre la réponse apportée aux remarques soulevées par les magistrats de l'instance supérieure de contrôle des finances de l'Etat. Dans son rapport, la Cour a en effet relevé plusieurs limites qui caractérisent la gestion de la dette publique. Entres autres griefs contenus dans le rapport figurent l'absence de visibilité relativement à la stratégie d'endettement ou la multiplicité des acteurs. C'est pour remédier à ces carences que la Cour a estimé nécessaire la révision du système de gestion actuel dans son ensemble afin d'assurer un meilleur encadrement de la dette au Maroc. À juste titre, la Cour a «invité les pouvoirs publics à instituer un meilleur encadrement du niveau de l'endettement». Selon les propositions formulées par la Cour des comptes, «ce cadre pourrait être construit autour d'une entité dédiée à la gestion de la dette, qui serait responsable de l'ensemble du portefeuille des engagements de l'Etat et d'une entité supérieure qui serait chargée de l'encadrement de la première et de la définition de la stratégie d'endettement à moyen terme». La proposition semble avoir les faveurs du gouvernement puisqu'en réponse, le ministère de l'Economie et des finances, s'est montré favorable à l'amélioration de la stratégie marocaine d'endettement. À travers la Direction du Trésor et du financement extérieur, le ministère a confirmé qu'il souscrit «parfaitement aux recommandations de la Cour dans la mesure où celles sont, sinon déjà prises, du moins inscrites dans la feuille de route établie en vue du perfectionnement des cadres, moyens et outils de gestion de la dette et du développement du marché intérieur des bons du Trésor». Autant dire que le programme de modernisation du cadre organisationnel de la gestion de la dette est en bonne voie puisqu'il a été amorcé dès 2012 comme le relève le rapport sur la dette qui accompagne désormais le projet de loi de Finances. Dans le rapport 2013, le projet figure au rang des réformes envisagées depuis presque deux années, c'est-à-dire depuis l'époque de la mission de contrôle des magistrats de la Cour au niveau du système national de gestion de la dette. Modernisation La réalisation du projet de modernisation du cadre organisationnel de la gestion de la dette a fait l'objet d'une convention d'accord entre le Maroc et la BAD. L'accord a été signé en mai dernier à Marrakech lors des dernières assemblées annuelles de l'institution bancaire panafricaine, qui a mis à la disposition du Maroc un don d'un montant de 7,2 MDH pour la réalisation du projet, lequel a été scindé en trois phases distinctes. Il s'agit, dans un premier temps, de réaliser un diagnostic complet de l'organisation actuelle du pôle dette et par la suite de formuler des propositions pour l'élaboration d'un plan d'actions visant sa convergence vers un cadre organisationnel adapté, et un plan de formation adéquat. La seconde phase sera axée sur l'élaboration des outils de travail adaptés à ce nouveau cadre organisationnel. Parmi ces outils, il convient de noter l'élaboration d'un manuel de procédures des activités menées au sein du pôle dette, parallèlement à la définition d'un cadre de maîtrise des risques reposant sur l'élaboration d'une cartographie des risques liés aux opérations de gestion de la dette et de la trésorerie, ainsi que la définition d'un cadre conceptuel pour l'évaluation du risque de contrepartie. Dans le même temps, le projet visera à instaurer un système de contrôle interne et d'audit interne, de même que la mise en place d'outils de mesure de la performance et de diffusion de l'information. Enfin, la dernière phase sera consacrée à la formation du personnel du pôle dette. À la lecture des grands axes de ce chantier, ainsi que des mesures mises en œuvre ou en voie de l'être depuis 2012, le ministère de tutelle s'inscrit parfaitement en phase avec les recommandations émises par la Cour des comptes. Il faut noter qu'en plus du parachèvement de la réorganisation des structures en charge de la gestion de la dette, d'autres réalisations entrant dans le même cadre ont été entamées. Le pôle dette, qui a été créé en 2010, ainsi que le lancement de la cartographie des risques s'inscrivent par exemple dans le cadre d'un «travail pilote sur les activités de gestion de la dette intérieure et de la gestion active de la trésorerie publique». In fine, l'objectif visé est de permettre au Maroc de disposer d'outils et de mécanismes adaptés au contexte économique actuel et aux nouvelles contraintes posées par la réglementation en perpétuelle mutation. Au même titre et d'après la DTFE, le Maroc a entamé des négociations avec la Banque mondiale pour l'acquisition du modèle dit «Medium-Term Debt Management Strategies» (MTDS) qui permettra à terme «d'achever le travail de formalisation de la stratégie de financement déjà lancée et de renforcer les analyses de soutenabilité de la dette faites au sein de la DTFE». En l'état, cela constitue un préalable pour une plus grande visibilité en matière d'endettement public, ce qui permettra de renforcer la stratégie du gouvernement en matière de financement, tant interne qu'externe. La réponse du Trésor Les observations relevées par la Cour des comptes sur la gestion de la dette actualisent le débat sur la problématique de l'endettement. Le rapport de la Cour concerne les activités au titre de l'exercice 2012 et depuis, le débat à ce niveau s'est nettement amplifié. Les principales causes sont la spirale d'endettement qui guette le Maroc, même si le niveau actuel reste dans des proportions acceptables, en dessous de la barre des 60% du PIB, selon le ministère de l'Economie et des finances. Cependant, l'ambition affichée du gouvernement de recourir assez souvent à des emprunts extérieurs pour le financement de l'économie nationale comme il ressort des dispositions de l'actuelle loi de finances, ne sont pas sans remettre à l'ordre du jour la même interrogation. Le Maroc est-il trop endetté ? Si pour le gouvernement qui s'appuie sur les chiffres, la réponse est négative, certains experts s'inquiètent plus du poids de la dette et des charges en intérêts particulièrement pour les années à venir. Lors de la dernière sortie à l'international de 2013, certains observateurs n'ont pas hésité à pointer du doigt, «ce recours à la facilité». Les justifications ressassées par le gouvernement et appuyées par la Direction du Trésor et des financements extérieurs n'ont pas enrayé le débat sur la question, jusqu'à pousser les parlementaires à se saisir de la question. On se rappelle que lors de la discussion du projet de loi de finances 2014 au niveau de la seconde Chambre, les conseillers ont tenté en vain de faire adopter un amendement visant à réduire les marges de manœuvre du gouvernement en matière d'endettement. Aujourd'hui, le gouvernement envisage encore de recourir à des emprunts dans les mois à venir en fonction des opportunités et des besoins. Il convient de relever que certains aspects de l'amendement comme la limitation du taux d'endettement à 65% peuvent s'avérer inutiles, puisque la Constitution impose au gouvernement de veiller à l'équilibre des indicateurs macroéconomiques de l'économie nationale. Cette responsabilité que le gouvernement partage avec le Parlement devrait pourtant ouvrir la voie à ce que ce dernier dispose d'un droit de regard en la matière. La Cour des comptes n'a d'ailleurs pas manqué de relever, par exemple, dans son rapport que «pour les emprunts intérieurs, l'autorisation parlementaire est formulée en termes non limitatifs et prévoit un montant inscrit à titre évaluatif». À toutes ces observations qui se rapportent plus aux aspects politiques que purement techniques, la DTFE a tenu à nuancer le constat dressé. «Même si le cadre ne précise pas une limite quantitative pour la dette publique à moyen terme, la politique de la dette s'inscrit dans le cadre de la stratégie économique du gouvernement, telle que décrite dans la déclaration gouvernementale, qui définit les orientations de la politique économique et fixe les objectifs macro-économiques à atteindre à moyen terme», lit-on dans la réponse de la Direction du Trésor. Par ailleurs, ajoute la même source, le projet de la nouvelle loi organique des finances devrait apporter un encadrement plus précis, dans la mesure où «il est question de limiter l'utilisation de la dette au financement exclusif des dépenses d'investissement».