Le chef de gouvernement a défendu son bilan d'étape devant les parlementaires à l'occasion d'un débat-marathon. Au-delà des discussions entre majorité et opposition, l'enjeu pour la classe politique est plus porté vers l'agenda des deux prochaines années. Entre consultations électorales et réformes socioéconomiques, ce qui reste du mandat de Benkirane cristallise déjà toutes les attentions. C'est la seconde fois en moins d'un an que le chef de gouvernement se présente devant les parlementaires des deux chambres pour évoquer le bilan d'étape de sa présidence à la tête de l'Exécutif. Après l'exposé du mardi 9 juillet, Abdelilah Benkirane était hier encore l'invité de la séance plénière du Parlement au cours d'un débat-marathon qui s'est déroulé en deux actes. Le débat sur le bilan du chef de gouvernement, qui était initialement prévu pour ce mardi, s'est finalement tenu hier lundi d'abord en fin de matinée pour le premier round avant de se poursuivre dans la soirée, ramadan oblige ! Jusqu'au moment où nous bouclons cette édition, le chef de gouvernement appuyé par ses ministres ainsi que les parlementaires de la majorité essayaient de tenir la dragée haute à leurs homologues de l'opposition. L'enjeu pourtant était ailleurs surtout que le débat ne sera sanctionné par aucun vote. Il s'agissait en clair d'un exercice démocratique prévu par la Constitution, lequel vise à renforcer le contrôle parlementaire de l'action gouvernementale. Du reste, c'est la tribune politique qu'offrait l'occasion, qui motivait plus les interventions des uns et des autres. Comme il fallait s'y attendre, les partis de l'opposition et ceux de la majorité se sont évertués, chacun sur la base de ses arguments, à apprécier le bilan d'étape de Benkirane. Le débat parlementaire n'a d'ailleurs pas manqué de raviver la guerre des chiffres et des prévisions socioéconomiques surtout que Benkirane s'est largement appuyé sur les progrès enregistrés dans ce domaine. Avec des indicateurs macroéconomiques plus reluisants que ceux de 2012, le chef de gouvernement avait de quoi maintenir son satisfecit, même si ses opposants n'ont pas raté l'occasion de lui rappeler de nouveaux signes d'inquiétudes comme l'emploi et le poids de la dette. Au-delà de ces questions et de l'appréciation portée de part et d'autre par les parlementaires, cette deuxième sortie du chef de gouvernement sur son bilan d'étape s'est plus orientée vers les prochaines échéances inscrites sur l'agenda politique et socioéconomique. Il s'agit notamment des prochaines échéances électorales et de la mise en œuvre des réformes économiques. L'opposition parlementaire a remis à l'ordre du jour le retard accusé par le gouvernement dans l'élaboration des textes y afférents et particulièrement à propos du chantier de régionalisation. Levée de boucliers Il faut dire que le chef de gouvernement savait d'avance qu'il allait devoir faire face à une levée de boucliers de la part des parlementaires de l'opposition par rapport à son bilan d'étape. Ces derniers ne se sont pas contentés d'apprécier ceux que le gouvernement met en avant mais ont plus cristallisé leurs inquiétudes vers le reste du mandat. Le ton était d'ailleurs donné dès la semaine dernière, une semaine après la présentation du bilan au Parlement. Dans un mémorandum commun, les 4 partis de l'opposition ont rejeté l'avant-projet de régionalisation soumis il y a quelques jours par l'Exécutif comme base de consultation avec les partis politiques. La sortie de l'opposition est loin d'être fortuite et annonce déjà les couleurs pour la suite des consultations politiques dans le cadre du consensus que recherche le gouvernement. En plus du retard accusé dans la préparation de ces échéances, les prochains mois risquent de s'avérer assez bouillonnants sur la scène politique. Le scénario n'est pas sans amplifier davantage l'inquiétude qui prévaut chez les opérateurs économiques, lesquels attendent beaucoup du gouvernement concernant la prochaine loi de Finances 2015. Les débats politiques risquent de cristalliser l'attention du gouvernement avec cette levée de boucliers de l'opposition qui ne s'est pas, visiblement, laissée impressionner par ce que Benkirane a qualifié de performances économiques. Il est vrai que l'amélioration de la situation économique du pays constitue un argument de taille pour le chef de gouvernement, mais les résultats enregistrés sont loin des objectifs que s'est fixé Benkirane pour son mandat, notamment lors de sa prise de fonction. À mi-chemin d'ailleurs, les prévisions économiques en la matière confirment qu'il sera difficile pour la nouvelle majorité de parvenir à inverser la tendance actuelle. L'économie nationale continuera à évoluer à un rythme moyen compris entre 3 et 4%, loin des 6 à 7% qu'ambitionnait Benkirane dans sa déclaration de politique générale de 2012. Il est vrai qu'entre-temps, le gouvernement a dû recourir à une série d'ajustements budgétaires pour stabiliser la dégradation des indicateurs macroéconomiques du pays tout en veillant à impulser un nouveau souffle à l'économie nationale. La tâche s'avère plus compliquée que prévue au vu des multiples enjeux qui entourent ce chantier de réformes tous azimuts, ce qui explique leur rythme de mise en œuvre assez lent. C'est du reste pour ces raisons et conscient de la marge de manœuvre assez étroite dont dispose son équipe, que Benkirane a plaidé afin que «toute évaluation objective de l'action du gouvernement tienne compte du contexte politique, économique et social sur les plans national et international». Il ne s'agit certes pas d'un aveu d'impuissance mais d'un tremplin pour Benkirane qui sait qu'il est très attendu pour le reste de son mandat. Avant tout et dès sa prise de fonction, le chef de gouvernement avait prévenu qu'il était élu pour un mandat pas pour une année ou deux. S'il peut s'avérer assez tôt pour un jugement véritablement objectif, il ne reste plus que deux années pour le verdict des urnes. C'est là tout l'enjeu tant pour la majorité que pour l'opposition.