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Promouvoir la gouvernance démocratique pour mettre en oeuvre les objectifs du développement
Entretien avec Karim Ghallab, Président de la Chambre des représentants
Publié dans L'opinion le 02 - 04 - 2013

La diplomatie parlementaire sert autant la première cause nationale que les intérêts économiques du pays La nouvelle Constitution exige l'amélioration du mode de fonctionnement de la Chambre Le contrôle et l'évaluation des politiques publiques doivent aller de pair
Le Président de la Chambre des représentants, Karim Ghallab, donne l'impression d'un coureur de fond doublé d'un sprinter aux coups d'accélérateur surprenants. Actif et déterminé, l'homme met les bouchées doubles pour donner toute sa consistance à la mission de la Chambre des représentants et concrétiser le principe de séparation des pouvoirs dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle Constitution.
C'est à coup de réformes, de réorganisation et de promotion de nouvelles approches, qu'une action novatrice est menée au quotidien pour un meilleur fonctionnement de la Chambre, pour que l'action parlementaire ne se cantonne pas dans son rôle classique de législation et de contrôle de l'exécutif mais va au delà en vue de consacrer la gouvernance démocratique des objectifs publics.
Nous recevant (L'Opinion et Al Alam) en fin de journée de vendredi dernier avec les traits d'un homme qui venait d'achever un marathon, tellement son agenda était surchargé, M. Ghallab a tout de même su garder toute sa disponibilité et s'est prêté à notre jeu de questions réponses, dans un échange qui tient plus de la discussion ouverte que de l'entretien classique.
La diplomatie parlementaire, l'action en faveur de la cause nationale, la promotion des atouts du Maroc en matière d'évolution démocratique, de stabilité politique et d'attraits pour les opérateurs économiques étrangers, le fonctionnement de la Chambre des représentants, la déontologie parlementaire, le plan stratégique d'ouverture de la Chambre sur son environnement..., tout y passe avec la fluidité et la fraîcheur requises. C'est quand le rajeunissement des occupants des hautes fonctions entraîne de facto un rafraîchissement d'usages longtemps rigides. Entretien.
La participation à 128ème assemblée de l'Union Inter Parlementaire (UIP)
Le président de la Chambre des Représentants, M. Karim Ghallab, a dirigé la délégation parlementaire marocaine qui a pris part, du 22 au 27 mars à Quito, en Equateur, aux travaux de la 128ème assemblée de l'Union Inter Parlementaire. Une occasion pour les députés marocains de faire valoir leur savoir faire en diplomatie parlementaire et défendre ainsi les intérêts stratégiques du Maroc auprès des représentants des autres parlements du monde. Donnant corps au principe maintenant constitutionnel consistant à rendre compte des actions menées, M. Ghallab nous a fait part des résultats de la participation de la délégation marocaine à l'assemblée de l'UIP:
«C'est un bilan important que celui de la participation de la délégation parlementaire marocaine aux travaux de la 128ème assemblée de l'Union Inter Parlementaire, qui se sont déroulés cette année, en Equateur. Nous étions donc là bas à la tête d'une grande délégation composée d'élus des deux Chambres du parlement, celle des Représentants et celle des Conseillers. Une mission réussie, qui entre dans la carde de la diplomatie parlementaire. Celle-ci comporte deux volets. Un volet que l'on peut qualifier de multilatéral et un autre de bilatéral. Le volet multilatéral, c'est la présence du parlement marocain dans la plus importante instance interparlementaire du monde, qui est l'Union Inter Parlementaire (UIP)».
Mais qu'est-ce que l'UIP et à quoi sert-elle, ne manquerait pas de se demander le commun des citoyens.
«L'UIP, explique M. Ghallab, c'est, en quelque sorte, l'Organisation des Nations Unies des parlements. L'UIP essaye, d'ailleurs, de concurrencer en quelque sorte l'Organisation des Nations Unies, qui est censée représenter toutes les nations du monde, donc les peuples de ces nations, alors qu'en réalité elle est dirigée par les gouvernements. Or, selon le principe de séparation des pouvoirs, les gouvernements ne représentent pas forcément leurs peuples dans leur ensemble, mais seulement la majorité électorale. Les parlements sont, par contre, plus représentatifs des peuples dans toutes leurs diversités de tendances et d'opinions. Il faudrait, de ce fait, que les questions d'ordre international soient traitées à équilibre entre l'Organisation des Nations Unies, qui est une instance qui regroupe les gouvernements, et l'Union Inter Parlementaire, qui est l'émanation populaire des nations membres de l'ONU.
Chaque organisation évolue dans le cadre du respect de ces attributions, bien sûr, mais il y a cette quête, cette volonté perceptible au sein de l'UIP d'émerger en tant que véritable représentant démocratique de la population mondiale, de manière institutionnelle.
La thématique générale qui a été débattue au cours de cette session est celle du développement, qui est, évidemment, une question fondamentale. Il fût question de remise en cause du mode de croissance actuellement suivi à très large échelle. Le point nodal était de cesser de considérer la croissance économique comme étant identique au développement, une question qui n'a rien de nouveau en soi, puisqu'il y a eu toute une littérature produite à ce sujet.
Sauf qu'en fin de compte, même si on parle de développement humain, on s'arrête toujours à la croissance économique, les composantes sociales et environnementales étant insuffisamment prises en compte. Il faut revoir ces instruments de développement humain de manière plus pertinente, ainsi que les objectifs du millénaire.
Ces objectifs avaient été définis par les Nations Unies pour être atteints en 2015. Nous savons d'ores et déjà qu'on ne les atteindra pas. Maintenant, il s'agit de définir d'autres objectifs, pour l'après 2015. Les débats de l'assemblée de l'UIP ont tourné sur les idées que peuvent apporter les parlements dans la définition de ces objectifs.
Mon intervention était axée sur une recommandation qui ressort d'ailleurs des travaux de cette instance, pour dire qu'il faut accompagner la définition et la mise en œuvre desdits objectifs mondiaux du développement d'une gouvernance démocratique. Il ne faut pas s'arrêter à la définition de ces objectifs, sans qu'il n'y ait une gouvernance démocratique dans leur mise en œuvre. C'était le message principal de la rencontre.
Les anciens objectifs du développement qui ont été définis pour être atteint en 2015 l'ont été sans la participation des parlements. Un défaut de taille pour une ambition aussi grande, les parlements n'ont pas été associés dans la définition de ces objectifs. Donc, la requête de l'UIP est que les parlements soient associés, aussi bien sur les plans national qu'international, dans la définition et la mise en œuvre desdits objectifs.
C'est quelque chose que nous sommes déjà entrain de faire à deux niveaux. A travers notre participation à la rencontre internationale de l'UIP, l'assemblée mondiale des parlementaires, qui était pour nous l'occasion d'exprimer notre avis sur ce sujet. Mais même à l'échelle nationale, le PNUD organise actuellement des séances d'identification des nouveaux objectifs pour l'après 2015, séances auxquelles nous avons été enfin associés.
C'est donc un progrès démocratique dans le monde que l'on constate aussi bien sur le plan national qu'international, à travers l'association des parlements à la définition des objectifs du développement».
Mais définir des objectifs, c'est une chose, mettre oeuvre les mécanismes et instruments nécessaires pour les atteindre en est une autre.
«Nous savons effectivement à présent qu'il est nécessaire que les parlements soient impliqués dans la mise en œuvre de ces politiques de développement. L'une des défaillances ayant abouti à la non atteinte des objectifs fixés réside justement dans l'insuffisance de gouvernance démocratique. Il reste à savoir de quelle manière les parlements peuvent-ils y prendre part ? Personnellement, je n'entrevois cette possibilité qu'à travers un rôle accru des parlements dans l'évaluation et le contrôle des politiques publiques».
La diplomatie parlementaire bilatérale
Au service la cause nationale, consolider les acquis et ratisser large
Quels sont tous les moyens et leviers d'influence dont dispose le Royaume pour faire entendre sa voix sur la scène internationale et y défendre ses intérêts ? La diplomatie parlementaire, répondra Karim Ghallab, auteur d'une démarche novatrice en la matière sur les plans autant multilatéral que bilatéral. Mais d'abord, comment définir la diplomatie parlementaire ?
«La diplomatie parlementaire, précise le président de la Chambre des représentants, est un sujet qui prend de plus en plus d'importance, car, comme ce qui s'est passé au Maroc en matière de renforcement des pouvoirs du parlement à travers la nouvelle constitution, c'est le cas dans beaucoup de pays du monde, anciennement ou de manière plus récente. Dans tous les pays devenus plus démocratiques, le parlement a gagné en puissance. Et donc, toutes les décisions politiques de tous ces pays passent par le parlement. Par conséquent, les parlements influent, voir plus, sur des questions d'ordre internationales, c'est-à-dire, en ce qui nous concerne en tant que marocains, les prises de positions de ces pays en ce qui concerne l'affaire de la préservation de notre intégrité territoriale et autres sujets qui intéressent notre pays.
L'action diplomatique du Maroc ne doit donc plus se limiter aux seules activités des représentations diplomatiques du Royaume et aux efforts des diplomates de carrière, mais relève aussi de la mission du parlement et des représentants de la nation.
Si nous ne sommes pas présents et actifs auprès des parlements des autres nations, cette absence pourrait fort bien être exploitée par nos adversaires. Par conséquent, nous multiplions nos efforts de communication envers les parlements des autres pays, soit à travers la création et la dynamisation des groupes d'amitiés entre parlements, soit par la présence aux manifestations multilatérales, à l'exemple de celles de l'UIP.
Il y a plusieurs espaces de rencontres multilatérales entre parlementaires, outre l'UIP. Il y a également le partenariat avec le parlement européen, celui avec le Conseil de l'Europe, il y a l'Union parlementaire arabe, l'Union parlementaire africaine, etc. Chaque fois que nous nous rendons à l'une des manifestations multilatérales organisées par les instances suscitées, nous y allons pour y promouvoir les sujets qui comptent le plus pour nous. Nous faisons ce qui doit être fait sur le plan multilatéral, mais nous en profitons pour travailler également sur le plan bilatéral, à travers les rencontres organisées, en parallèle des travaux des manifestations, avec les délégations participantes d'autres pays.
C'est généralement l'occasion de rencontrer les délégations de six à sept pays avec lesquels nous communiquons sur divers sujets d'intérêt commun. Si nous devions visiter chacun de ces pays pour pouvoir rencontrer des représentants de son parlement, ça va nous coûter beaucoup plus cher en temps et en moyens financiers.
Ce volet multilatéral est donc très important. Nous profitons de ces réunions internationales pour développer nos relations et faire passer nos messages sur les sujets qui nous importent. Pendant cette participation de la délégation parlementaire marocaine aux travaux de la 128éme assemblée de l'UIP, vous avez remarqué que nous avons rencontré des délégations de parlementaires de pays africains que l'on ne peut pas considérer comme traditionnellement acquis à notre cause. On essaye avec les membres du bureau et ceux des groupes parlementaires participants à la délégation d'orienter l'action parlementaire sur la consolidation des acquis, mais également dans le but d'améliorer les liens avec les parlements des pays avec lesquels les relations politiques et diplomatiques ne sont pas au mieux.
La démarche de diplomatie parlementaire marocaine procède donc à la fois d'une logique de consolidation des positions acquises autant que d'exploration de nouvelles positions potentielles.
Les délégations parlementaires africaines que nous avons rencontrées sont celles de pays qui reconnaissent la république fantoche, notre mission consiste à les convaincre d'écouter nos arguments et de les répercuter auprès de leurs gouvernements et de leurs opinions publiques. Nous entamons donc un dialogue constructif sur le sujet, dans l'espoir que ces pays puissent reconsidérer leur position, à l'instar de la grande majorité des pays de la planète, plus de 160 sur 196, qui ne reconnaissent pas la pseudo république sahraouie. Aucun pays européen ne la reconnaît d'ailleurs. Nous essayons de communiquer avec nos interlocuteurs autour de ces arguments.
Il y a des pays avec lesquels ce fût le premier contact à travers la participation à cette manifestation internationale en Equateur, au moins en ce qui me concerne en tant que président de la Chambre des Représentants, et d'autres avec lesquels j'avais déjà établis un début de communication. C'était la première fois que je rencontrais la délégation angolaise, avec laquelle j'ai entamé un dialogue, dans une logique effectivement exploratoire. Une main tendue qui a été accueillie favorablement. J'ai proposé au président du parlement angolais de venir au Maroc, proposition qu'il a aussitôt accepté, laissant le soin à nos cabinets respectifs de fixer la date.
Avec celles de l'Ouganda et de Tanzanie, il y avait déjà eu des rencontres. Dans le cas de l'Ouganda, nous avons été à Kampala, lors de la précédente assemblée de l'UIP, l'année dernière, ou j'avais eu une rencontre avec la présidente du parlement ougandais, et elle nous avait proposé, de sa propre initiative, de signer une convention de partenariat entre les parlements de nos deux pays. Nous avons étudié cette convention et lors de la rencontre de Quito, je l'ai informée que nous étions prêts, après examen approfondi, à signer cette convention. Je lui ai alors proposé d'organiser la cérémonie de signature au Maroc, où je l'ai invitée. Invitation qu'elle a acceptée. Aucune date n'est encore fixée pour ce faire, mais le principe est acquis. La présidente du parlement ougandais devrait donc venir prochainement au Maroc et lors de cette visite, nous allons profiter de l'occasion pour approfondir la discussion sur les sujets qui nous tiennent à cœur.
En ce qui concerne la Tanzanie, la démarche est un à peu près similaire à celle décrite auparavant, dans le sens ou j'ai déjà reçu le président de la commission des affaires étrangères du parlement tanzanien, qui avait été reçu par la commission des affaires étrangères lors de sa visite au Maroc et participé à plusieurs débats sur la question nationale. Après son retour en Tanzanie, nous envisagions d'y envoyer une autre commission parlementaire, mais lors de notre rencontre à Quito, il m'a proposé de m'inviter directement en tant que président de la Chambre des Représentants. J'ai bien sûr accepté de me rendre en Tanzanie dès que je recevrais officiellement cette invitation, pour que l'on puisse continuer nos pourparlers».
La question du retour du Maroc au sein de l'organisation panafricaine et les modalités de ce retour sont-elles abordées au cours de ces réunions ?
«C'est une question qui nous est systématiquement posée, même de manière parallèle au sujets abordés. Nous répondons toujours par notre volonté de réintégrer l'organisation panafricaine, tout en développant nos arguments sur les difficultés de concrétiser cette démarche, en raison de la présence au sein de cette organisation d'un Etat fantoche, dont l'intégration a été justement à l'origine du départ du Maroc.
Des opportunités plus larges que celles de la diplomatie «classique»
«Nous n'avons rien à perdre et tout à gagner à travers ce genre de démarche. Quand on ne se parle pas, il n'y a aucune chance de faire changer d'avis à ceux qui adoptent des positions contraires à nos intérêts. Notre rôle est de montrer aux députés de ces pays tous les avantages à changer de position pour s'aligner sur la notre, dans une démarche et selon une logique propres à des élus parlementaires.
Ce n'étaient pas des réunions formelles de simples courtoisies, dans les trois cas précités, les réunions bilatérales ont abouti à des prises de rendez-vous pour des échanges de visites et dans le but de signatures de conventions de partenariat. Ces trois exemples sont pour moi très illustratifs de la valeur ajoutée que peut avoir la diplomatie parlementaire, en complément des efforts déployés par la diplomatie officielle».
Mais aussi, espérons le, dans l'espoir de produire des résultats probants, surtout auprès des pays qui adoptent des positions plutôt hostiles envers la cause nationale des Marocains...
«Si nous nous concentrons sur les pays qui ont auparavant adopté des positions qui ne sont pas en faveur de la cause nationale, ou du moins où notre position n'est pas suffisamment bien perçue, nous pouvons effectivement escompter y réaliser des résultats probants. Ce fût le cas lors de la visite d'une délégation parlementaire marocaine en Suède et au Danemark. Nous avons également rencontré la délégation parlementaire irlandaise, pays où les séparatistes mènent ponctuellement des campagnes de propagande. Nous avons tout intérêt à cibler en particulier ces pays par notre action de diplomatie parlementaire, pour tenter de réaliser des avancées au profit de notre cause nationale.
Il y a eu, d'autre part, des rencontres avec les délégations parlementaires irlandaises, australiennes, turques, indonésiennes, koweitiennes et émiraties. Il faut vraiment aller au delà des clichés sur les rencontres à caractère diplomatique faîtes d'échanges stériles d'amabilités. Chacune de ses rencontres est l'occasion d'échanges réellement instructifs, tellement les différences de perceptions des affaires de ce monde et des visions sur les solutions à y apporter les rendent riches d'enseignements.
L'opinion publique marocaine serait étonnée par l'intérêt que portent ces délégations parlementaires étrangères aux affaires régionales arabes et même celles plus particulièrement nationales, multipliant les questions tout autant sur les changements politiques dans le monde arabe et au Maroc, que sur les opportunités d'exploration pétrolière ou d'investissement au Royaume. Celle de l'Australie par exemple, qui malgré l'éloignement géographique, s'est montrée très au fait de la problématique de l'affaire du Sahara et voulait en savoir plus à ce sujet».
Quelle communication avec les députés étrangers gavés de propagande séparatiste en ce qui concerne la promotion de la cause nationale?
«Une délégation parlementaire est rarement aussi homogène que peut l'être une délégation de diplomates de carrière représentant un gouvernement. Nous rencontrons de ce fait aussi bien des députés déjà acquis à notre cause nationale, que d'autres qu'il faudrait encore convaincre pour ce faire. Ce fût le cas avec les Australiens, dont un député a soulevé la question de l'affaire du Sahara qui a fini par dominer les échanges. Cet intérêt inattendu m'a ainsi donné l'opportunité de faire un exposé synthétique sur ce sujet, exposé qui a quand même duré une demi heure, à la grande satisfaction de nos interlocuteurs.
«Il en fut un peu de même quand nous avons reçu une délégation parlementaire irlandaise, pays où les séparatistes n'hésitent pas à mener des campagnes ponctuelles de propagande. Après un exposé similaire à celui fait devant les députés australiens, j'ai été invité par un député irlandais, préalablement sensibilisé sur ce sujet lors d'une précédente occasion, à aller présenter ces arguments devant la commission des affaires étrangères du parlement irlandais. Ce que je ne manquerais pas de faire dès qu'une date sera fixée».
Existe-t-il des blocs parlementaires au sein de l'UIP dans lesquels s'inscrit le Maroc pour la défense de causes communes ?
«Au cours de la rencontre avec la délégation indonésienne, c'est un tout autre thème, d'intérêt commun, qui a été soulevé. A savoir celui de l'image de marque de la religion musulmane, ternie par les évènements sanglants liés au terrorisme et autres conflits régionaux. Il a donc été question avec les Indonésiens d'une coopération bilatérale, mais s'inscrivant dans le cadre plus large de la communauté islamique et tournée vers la promotion de la véritable image de l'Islam, religion de tolérance, porteuse des valeurs universelles en faveur du progrès humain.
En ce qui concerne les délégations arabes du Koweït et des Emirats Arabes Unies, les relations sont déjà aussi anciennes qu'excellentes. Nos rencontres constituent surtout l'occasion de coordonner nos actions à l'échelle des organisations internationales auxquelles nous participons et où nous nous devons de nous présenter en rang serré, pour mieux faire valoir les intérêts de la nation arabe.
C'est concrètement le cas lors du vote de recommandations proposées par les délégations parlementaires participantes aux rencontres internationales, ou d'élections pour des postes de responsabilité au sein desdites instances. Nous oeuvrons alors ensemble pour obtenir un «vote arabe» ou un «vote islamique», c'est-à-dire unifié, symboles d'un destin commun et d'une vision du monde partagée».
Diplomatie parlementaire économique
La démocratisation, un attrait pour les opérateurs économiques étrangers
La diplomatie parlementaire marocaine, ce n'est pas seulement la défense de la cause nationale. C'est aussi un instrument pour la promotion de l'image de marque du Maroc dans les instances internationales autant qu'à travers les contacts bilatéraux. Une démarche qui s'inscrit également dans l'effort de développement de la diplomatie économique marocaine encore balbutiante, selon une approche globale et une méthode propres aux représentants de la nation.
Le Maroc ayant mené avec succès un processus de réformes politiques dans le sens de la démocratisation, cette évolution pourrait, en effet, constituer un atout que les députés- diplomates marocains peuvent exploiter pour mieux défendre les intérêts du Royaume auprès des autres parlements à travers le monde. M. Karim Ghellab ne tarit pas de détails à ce sujet:
«C'est un autre aspect de nos démarches à l'international sur lequel je met l'accent au cours de ces rencontres. Je ne manque jamais l'occasion de traiter des changements démocratiques et des réformes constitutionnelles que le Maroc vit actuellement, en mettant en exergue le modèle de changement politique marocain et la manière avec laquelle le Maroc a traité ce courant de bouleversements politiques régional qu'il est convenu d'appeler le «printemps arabe.
C'est un sujet qui suscite pas mal d'interrogations auprès de nos interlocuteurs au cours des rencontres bilatérales. Il est intéressant de noter à ce sujet que la démarche marocaine fait l'objet de réactions très positives, saluant la clairvoyance de SM le Roi et les réformes constitutionnelles entreprises. Mais, bizarrement, on ne perçoit pas suffisemment chez nos interlocuteurs une prise de conscience sur la profondeur des changements démocratiques engagés au Maroc, même si ces changements ont pris une forme pacifique et paisible.
C'est un phénomène palpable lors des manifestations organisées portant sur les changements politiques dans les pays du bassin méditerranéen, où on pense surtout à inviter des représentants de la Tunisie, de l'Egypte et de la Libye. Et là, on assiste étonnés aux déclarations attristées sur le fait que ces pays n'ont pas réussi à développer la démocratie de la manière souhaitée par les peuples, qu'il y a eu peut être détournement de ces volontés populaires par des mouvements idéologiquement engagés dans des agendas spécifiques.
Mais en fin de compte, ces pays sont les seuls à être perçus comme les «stars» de la vague des changements démocratiques dans la région méditerranéenne. C'est là où nous intervenons pour rappeler à tous que le Maroc a entrepris une démarche de réformes politiques et constitutionnelles profondes, aboutissant à un réel progrès démocratique, sans explosion de violences pour autant.
J'avoue qu'en tant qu'hommes politiques marocains qui ont vécu et pris part à ce grand chantier politique, mais aussi en tant que représentants du peuple marocain élus sous la nouvelle ère, j'avoue que voir notre évolution politique conséquente et exemplaire, dont personne ne remet par ailleurs en doute le caractère effectif, ne donner lieu qu'à de simples félicitations, a quelque chose de frustrant.
Je m'applique alors à attirer leur attention sur ce qui se passe au Maroc et surtout à la manière dont les choses évoluent, ce qui donne un aspect proprement révolutionnaire, dans le sens évolutif et non pas destructeur du terme, au modèle de transformation démocratique marocain.
Je leur rappelle que les pays de la région qui ont vu leurs régimes politiques s'effondrer littéralement, se caractérisaient dans les faits par le parti unique, la pensée unique et l'absence de processus de démocratisation entamée avant la vague contestataire du printemps arabe. Qu'il y a aussi des régimes non démocratiques, toujours en place, dans d'autres pays arabes, qui se refusent jusqu'à présents à la moindre réforme politique, en s'évertuant à nier la réalité du courant de changement qui secoue le monde arabe, préférant adopter la politique de l'autruche dans l'espoir de rester accrochés au pouvoir.
Parallèlement, il y a cependant d'autres pays de la région, le Maroc et la Jordanie notamment, qui ont engagé de grands chantiers de réformes politiques, au sein même des institutions existantes, pas en dehors, mais avec une réelle volonté de démocratisation.
Dans un entretien accordé à un média espagnol, j'avais souligné que ce qui prouve qu'un pays est bel et bien engagé dans un processus de démocratisation de ces institutions, c'est l'alternance dans l'exercice du pouvoir, qui permet à l'opposition d'hier d'être le gouvernement d'aujourd'hui, en toute légalité, sans affrontements sanglants ni recours à la violence. Et là, je met l'accent sur le fait que le Maroc a connu deux expériences d'alternance politique, la première de manière consensuelle avant la fin de la précédente décennie déjà, puis une seconde, issue cette fois-ci des urnes».
La diplomatie parlementaire marocaine s'essaye t-elle également à le diplomatie économique ?
«J'accorde beaucoup d'importance à ce sujet et j'estime qu'il est très important de mieux communiquer en ce qui le concerne à l'échelle internationale. Nous sommes les représentants du peuple marocain et à ce titre, soucieux de promouvoir les intérêts de la nation. Notre évolution politique bien entamée est un facteur de promotion important du Maroc en termes économiques. Une réputation de stabilité politique fondée sur la légitimité des gouvernants constitue un avantage comparatif qui a toute son importance dans la prise de décision des investisseurs étrangers, ainsi que le choix de destination des touristes par ailleurs.
Il faudrait donc le faire valoir en tant que tel et ce à très grande échelle.
Faire rejaillir sur l'image de marque du Maroc le succès de ses réformes politiques et ses progrès démocratiques n'est donc pas une simple question de prestige, mais bel et bien un atout à exploiter au mieux des intérêts et ambitions économiques du Royaume.
Il est vrai qu'un député est par essence un homme porté sur la politique, c'est-à-dire procédant d'une vision plus globale que spécifiquement tournée vers un domaine en particulier, l'économique dans notre propos. Il est donc efficient quand il s'agit de communiquer sur des questions d'ordre purement politique, telle que la cause nationale ou les réformes constitutionnelles qu'a connues le pays.
Mais ce faisant, il participe, comme souligné auparavant, à la promotion économique du Maroc, tant l'importance du politique détermine en bonne partie l'attrait économique du pays auprès des milieux d'affaires étrangers.
Au cours de la visite de la délégation parlementaire marocaine menée en Suède et au Danemark, nous avons eu des entretiens avec leurs organisations d'hommes d'affaires, puisque le volet économique est toujours présent dans nos démarches à l'étranger. Notre propos est à la fois politique et économique, mais nous savons pertinemment que nos interlocuteurs dans un tel contexte en mesurent surtout la portée économique.
Au Danemark, je me rappelle très bien que parmi nos interlocuteurs représentants de l'organisation patronale de ce pays, il y avait un jeune qui, à la fin de ma locution, a réagi en déclarant que de tous les pays de la rive sud de la Méditerranée, le seul pays où il estime intéressant pour les hommes d'affaires danois d'investir sans prise de risques, c'est le Maroc.
D'ailleurs, suite à cette visite de la délégation parlementaire marocaine dans ces deux pays scandinaves, j'ai proposé à la CGEM de coopérer ensemble pour la promotion des intérêts économiques du Maroc, en accordant la possibilité à un représentant de l'organisation patronal marocaine de se joindre à nos délégations parlementaires lors des visites qu'elles mènent auprès d'autres institutions parlementaires à travers le monde, dans le cadre du renforcement des relations bilatérales. Une proposition qui a été très bien accueillie par la direction de la CGEM».
La diplomatie parlementaire au service de l'économie nationale
Que l'institution législative coordonne son action à l'international avec l'organisation professionnelle des entreprises marocaines, c'est quelque chose qui mérite d'être soulignée.
«Les représentants du peuple marocain, c'est également à la promotion des intérêts économiques du Maroc à l'étranger qu'ils peuvent au mieux remplir leurs mandats envers leurs électeurs. Sauf qu'il faudrait disposer des moyens nécessaires pour ce faire.
Rentrer en contact avec un nombre optimal de parlements étrangers pour défendre au mieux les intérêts du Maroc, soit en organisant des visites dans d'autres pays, soit en invitant des délégations parlementaires étrangères, tout cela exige des moyens dont nous ne disposons que faiblement, en tout cas pas en proportion de la tâche à accomplir.
Il est paradoxal mais néanmoins vrai de souligner que les manifestations internationales que nous avons réussi à faire organiser au Maroc, celles qui se sont déjà déroulées depuis le début de l'année, comme celles programmées, mettent à mal notre budget.
Nous avons accueilli il y a deux mois le comité exécutif de l'Union Inter Parlementaire Arabe, puis la Commission politique du Conseil de l'Europe, au cours de la quelle a été tenue une commission d'audience sur l'affaire de Gdeim Izik, du respect des droits humains dans les provinces du sud du Royaume et de notre cause nationale en générale.
La Commission européenne sur l'immigration se réunit la semaine prochaine au Maroc, la commission politique de l'Union Inter Parlementaire Francophone se réunit quand à elle à la fin du mois d'avril, l'assemblée parlementaire des pays de l'OTAN se réunit à Marrakech à partir de la semaine prochaine. Ce sera une conférence qui sera consacrée, entre autres, à la sécurité dans la région du Sahara et du Sahel, et à laquelle vont prendre part 120 à 150 députés de pays membres de l'OTAN.
Là encore, nous n'allons pas manquer l'occasion de multiplier les contacts avec les délégations présentes à l'échelle bilatérale. Car ce sont autant d'opportunités pour le Maroc de renforcer sa position sur la scène internationale et défendre ses intérêts stratégiques.
Comme notre budget est loin de pouvoir couvrir de telles charges, nous faisons appel au soutien du gouvernement, qui, je le précise, ne nous a jamais été épargné. Mais cette situation met en relief la question de l'autonomie financière du parlement, atteindre notre indépendance financière par rapport au gouvernement est un chantier que nous avons la volonté de mener à bien au cours de cette législature.
C'est un principe constitutionnel, celui de la séparation des pouvoirs, que nous nous devons d'appliquer. Le contrôle financier peut se faire à la fois en interne, à travers une commission parlementaire qui en aurait la charge, mais aussi de l'extérieur, en faisant appel à une expertise autre que celle du ministère des finances, qui fait partie du gouvernement. L'une des instances publiques qui me semble les mieux placées pour se faire, c'est la Cour des comptes».
Est-il tenu compte du profil des membres devant composer une délégation parlementaire marocaine devant visiter un pays donné ?
«La composition d'une délégation parlementaire est une affaire de grande importance. Il y a quatre éléments à prendre en considération pour ce faire. D'abord, la présence de députés aussi bien de la majorité que de l'opposition. La vision que se font nos hôtes de nos délégations parlementaires est déterminée en bonne partie par cette composition politiquement équilibrée.
Cette dernière est également très utile en terme de crédibilisation de notre discours politique, aussi bien en ce qui concerne la question de l'intégrité territoriale de notre pays que du processus du processus de démocratisation en cours, les deux aspects étant même complémentaire.
Nos interlocuteurs ne manquent jamais de noter que lorsqu'il s'agit de notre cause nationale, les positions de tous les membres de la délégation parlementaire marocaine sont unanimes, parfait reflet du consensus national sur ce sujet. Mais dès qu'il est question d'autres sujets politiques ou économiques, les avis des membres de la délégation parlementaire marocaine peuvent être divergents, ce qui donne même parfois lieu à des débats «internes» auxquels nos hôtes assistent en témoins privilégiés. Ils se rendent compte par eux-mêmes qu'il n'est pas question de pensée unique au Maroc, que les avis diffèrent et sont confrontés dans une atmosphère véritablement démocratique.
Le rôle de l'opposition parlementaire dans l'efficacité de la diplomatie parlementaire du Maroc, mais pas seulement, avait été fautivement négligé. Grâce à la nouvelle Constitution, son rôle est enfin reconnu. Aux partis marocains d'exploiter au mieux cette évolution constitutionnelle pour remplir la mission qui leur est désormais dévolue également à l'échelle des relations internationales.
Avant de nous rendre dans un pays, nous veillons toujours à déterminer son régime politique ainsi que la tendance idéologique qui est au gouvernement, pour y adapter le profil de la délégation parlementaire qui va s'y rendre, à travers des concertations avec les groupes parlementaires. Cette démarche n'est toutefois pas adoptée de manière systématique, ce que nous songeons néanmoins à faire dans l'avenir.
En second lieu vient la participation féminine, c'est-à-dire le respect de la parité dans la représentativité. Dans la plupart des pays, pas tous, la présence de députés femmes au sein de la délégation parlementaire marocaine est prise en considération dans l'image que nos confrères vont se faire de nous et de notre pays. C'est le cas dans les pays d'Europe et d'Amérique latine. La présence de représentants des provinces du sud du Royaume est un autre élément d'importance.
Pour nombre de députés de pays peu au fait des réalités de l'affaire du Sahara marocain, tous les sahraouis se trouvent dans les camps de la honte de Tindouf, en Algérie, et sont donc étonnés de voir des députés sahraouis relevant de différentes tendances politiques nationales faire partie de nos délégations. Ils apprennent ainsi de la propre bouche de sahraouis de souche bien des choses qu'ils ignoraient sur conflit artificiel aux soubassements géopolitiques cachés.
L'autre composante essentielle d'une délégation parlementaire réellement représentative des Marocains, celle de jeunes députés. Nous avons 97 députés de moins de quarante ans, dont seulement 30 ont été élus à travers la liste nationale. C'est-à-dire que nous avons 67 jeunes députés qui sont entrés à la Chambre des Représentants directement portés par le choix des électeurs. Nous avons aussi cinq députés qui ont moins de vingt cinq ans. Ce sont des faits d'importance qu'il ne faut jamais manquer de souligner».
Le fonctionnement de la Chambre des représentants
Un mode amélioré pour une crédibilité renforcée
Le saut qualitatif de l'ouverture de la Chambre sur son environnement
La crédibilité à l'échelle nationale et le rayonnement à l'international d'un parlement passent d'abord par un meilleur mode de fonctionnement de l'instance législative et de contrôle du gouvernement.
Un parlement qui cultive une ambition à l'internationale, c'est bien. Mais un parlement qui fonctionne de manière plus crédible auprès de l'opinion publique nationale, c'est encore mieux. Il faudrait donc commencer par redorer un blason parlementaire plutôt terne aux yeux des citoyens. Les défaillances à ce sujet ne sont un secret pour personne, mais le redressement est en cours promet M. Karim Ghellab. Et ce avec l'art et la manière pour se conformer au mode de fonctionnement des institutions démocratiques du début du troisième millénaire.
«Nous avons élaboré le plan stratégique pour la mise à niveau et le développement de l'action de la Chambre des Représentants. Ce plan a été conçu avec la collaboration de tous les groupes parlementaires, les présidents et vice-présidents des commissions parlementaires, ainsi que les membres du bureau de la Chambre.
Nous avons tracé une feuille de route pour mettre à niveau notre action et mieux jouer ainsi notre rôle de représentants de la nation chargés de légiférer et de contrôler l'action de l'exécutif. Nous disposons d'un capital expérience non négligeable, mais il y a quand même un véritable saut qualitatif à faire.
Après le discours de SM le Roi du 19 mars 2012 et l'adoption de la nouvelle Constitution, c'est une tâche que nous nous devons, en tant que représentants du peuple, de mener à bien. Le changement politique, il faut le pratiquer pour le rendre effectif, le sortir du texte de la Constitution pour l'introduire dans les textes de lois et les usages des députés. C'est une volonté populaire exprimée à travers son adhésion massive aux réformes constitutionnelles, que nous devons porter à bout de bras.
L'occasion est également à ne pas manquer de permettre aux députés de faire preuve de leurs capacités en exploitant au mieux toutes les ouvertures démocratiques désormais offertes.
Nous voulons aussi notre institution ouverte sur les médias, mais également sur la société civile, l'Université. Nous nous voulons dorénavant une instance en continuelle interaction avec son environnement civil, social, économique et culturel, avec l'ambition de représenter un carrefour entre ces différents aspects de la vie d'une nation démocratique.
Depuis mon entrée en fonction à la présidence de la Chambre des Représentants, j'ai tenu six ou sept conférences de presse pour communiquer à propos des activités de cette instance. Soit à la cadence de deux à trois conférences de presse par session parlementaire, une de manière systématique à la fin de chaque session et une ou deux autres en fonction des activités ou événements en cours des sessions, comme pour la loi des finances après son adoption.
A ce sujet et dans le cadre de notre plan stratégique, dont nous avons intitulé l'un des volets «Ouverture sur l'environnement de la Chambre des Représentants», porte justement sur la communication, la couverture médiatique de nos activités, les relations avec la presse et nous sommes entrain de travailler, entre autres, sur le projet de la chaîne de télévision parlementaire».
La chaîne parlementaire dont il est question, comment va-t-elle fonctionner ?
«L'idée est que la ligne éditoriale et la direction de la chaîne relève directement des deux Chambres du Parlement, alors que la production technique sera assumée par le pôle médiatique public.
Et les citoyens vont continuer à constater de visu, lors des séances hebdomadaires des séances orales, les nombreuses places laissées vides par des représentants du peuple qui semblent avoir d'autres sujets de préoccupations.
Concernant cette question très médiatisée de l'absentéisme des députés, je vais commencer par souligner que le spectacle d'une place vide sous la coupole du Parlement ne signifie nullement que le député en question manque à ses devoirs de représentants du peuple. Ceci est vrai partout dans le monde, mais en particulier au Maroc, où le citoyen attend de son député qu'il soit à ses côtés, accessible dans sa circonscription.
Sauf qu'on ne peut pas également attendre de ce député qu'il soit toujours présent aux séances hebdomadaires des questions orales, aux travaux des commissions, et participe, par ailleurs, à des missions à l'étranger pour y défendre la cause nationale. Il faut être réaliste, un député ne peut être présent partout. Aucun parlement au monde n'affiche complet tout le long de l'année.
Il faut cependant souligner que jusqu'à récemment, nous n'avions pas une procédure de vérification de présence, il y avait une liberté totale qui frisait l'anarchie et qui a été exploitée par des députés à faible conscience patriotique. Un député se doit d'être présent pour voter des projets de loi importants, comme celui des finances, chaque année, c'est quand même le moindre de ses devoirs en tant que représentant du peuple.
A présent, un article de la nouvelle constitution spécifie clairement que la Chambre des Représentants se doit d'être dotée d'un règlement intérieur, qui doit comporter des mesures relatives à la vérification de présence des députés, une responsabilité assumée par le bureau de la Chambre des Représentants.
Il faudrait néanmoins préciser que la procédure adoptée ne va pas remplir le même rôle qu'une feuille de présence à faire remplir comme dans une salle de classe. Cela n'existe nulle part au monde. Nous exigeons du député qu'il fasse preuve de sens des responsabilité et de sérieux dans son comportement, qui le pousseront à venir assister aux séances du parlement autant que faire se peut.
Il y a le code déontologique, qui insiste sur ses qualités, exigibles chez un représentant de la nation et qui constituent, normalement, sa principale motivation. Mais il y a également, désormais, des mesures dans le règlement intérieur qui astreignent le député, contraint de s'absenter, à en référer au bureau de la Chambre des Représentants, avec les justifications de rigueur.
L'essentiel est qu'il y ait une règle, même suffisamment large, pour tenir compte des différents cas de figure, plutôt que l'absence de règle, qui appelle au laxisme et l'anarchie.
La gouvernance démocratique
Des concepts évolués à introduire dans le lexique politique marocain
Les contacts établis et les thèmes débattus au sein des instances internationales dont le parlement national fait partie, constituent une riche source d'enseignements et de concepts applicables à l'échelle locale pour les députés marocains. Ainsi en est-il de la gouvernance démocratique des politiques publiques, dont M. Karim Ghellab espère introduire les préceptes dans le lexique politique marocain. Pour lui, c'est l'instrument adéquat pour donner ainsi consistance aux dispositions de la nouvelle Constitution du Royaume.
«Malheureusement, dans certains esprits, dès qu'il est question du contrôle par le parlement, on pense aussitôt au seul aspect comptable et financier. Les deux volets fondamentaux de la gouvernance démocratique, c'est le contrôle et l'évaluation des politiques publiques. A présent, notre nouvelle constitution prévoit ce contrôle et cette évaluation, alors qu'avant ce n'était pas le cas. La nouvelle constitution dit clairement que le parlement doit contrôler le gouvernement et doit évaluer les politiques publiques.
L'évaluation des objectifs publics, c'est demander si les objectifs qui ont été tracés ont été atteints ou pas. Le rôle du législatif est autrement plus important dans la réalisation des objectifs de ces politiques publiques que l'on ne se l'imagine, puisque pour des sujets tels que la promotion des droits humains et de la condition de la femme, la concrétisation passe par l'adoption de textes juridiques.
Il en est de même en ce qui concerne l'adoption des conventions internationales, qui doivent être déclinées en des lois nationales. Actuellement, on travaille beaucoup au Maroc sur la convention relative à la suppression de toute sorte de discrimination contre les femmes. Cette convention prévoit qu'on mette en œuvre un certain nombre de dispositifs de «monitoring», c'est-à-dire de suivi, sur ce que le fait le gouvernement pour rendre ces dispositions effectives.
Car, finalement, même si on adopte les conventions internationales, le mécanisme qui consiste à vérifier si elles sont appliquées ou pas ne doit pas être un mécanisme gouvernemental. Il faut qu'une tiers partie vérifie si les dispositions de telle ou telle convention internationale signée ont été appliquées ou pas, et ce avant que l'ONU ne le fasse. Comme pour les entreprises, il faut un contrôle interne et externe, le contrôle interne, dans le cas de figue, c'est le parlement qui doit l'assumer, le contrôle externe, l'ONU.
Or, le contrôle interne nous fait actuellement défaut.
C'est un défaut qu'on doit corriger dans le futur. Ce sont là des sujets à propos desquels nous sommes entrain de revoir nos mécanismes. Par exemple, pour ne citer que cette convention qui me vient maintenant à l'esprit, celle relative à lier la prévention de la violence et de la discrimination contre les femmes, nous allons tenir, le 18 avril, au sein de la Chambres des Représentants, une journée d'étude sur cette convention.
Nous allons examiner ce que devrait être notre rôle de manière opérationnelle, ce qu'on doit faire à ce sujet, au niveau de la commission chargée de son examen, des groupes parlementaires et du bureau de la Chambre, pour veiller à ce que le gouvernement mette en œuvre cette convention comme il se doit.
L'idée principale dont il a été question au cours de ce forum mondial des parlementaires est justement celle selon laquelle les parlements doivent s'impliquer plus dans la définition des objectifs des politiques publiques et leur mise en œuvre.
Les questions relatives eu développement sont toujours très techniques, je le sais bien en tant qu'ancien ministre en charge d'un département technique. Quand il fallait entrer dans les détails purement techniques des projets examinés, la plupart des députés se sentaient un peu perdus.
Le parlement se doit de simplifier ces choses. Il doit inviter le gouvernement à lui présenter les projets débattus dans ses commissions de manière synthétique, où il est question de trois à quatre objectifs spécifiquement définis pour le dit projet et le coût de ce dernier. Il faut arrêter de déverser une foule de détails techniques, administratifs et juridiques généralements assomants pour la plupart des représentants du peuple, vous pouvez imaginez ce qu'il en est pour le simple citoyen».
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
«Le projet de loi des finances, par exemple, est, je dirais, presque illisible pour les non initiés aux subtilités des finances publiques. Je tiens à saluer à ce sujet l'initiative de l'actuel gouvernement, qui a présenté pour la première fois une synthèse simplifiée du texte du projet de loi de fiances pour l'année en cours, rédigée d'une manière vulgarisée et expressive, que n'importe quel citoyen peut lire et comprendre».
Les députés ont également une mission pédagogique auprès de leurs électeurs, en ce qui concerne les actions entreprises par le gouvernement. Le rôle du député n'est-il pas justement de servir d'interface entre la technocratie gouvernementale et le commun des citoyens, qui est aussi un électeur ?
«Il faut au gouvernement simplifier la présentation des projets à quelques objectifs clairement définis, aux étapes par lesquels ils vont passer et à ce que ça va coûter aux contribuables, de manière à ce que tout le monde comprenne et puisse assurer un suivi desdits projets et vérifier par la suite les résultats atteints.
Car il faut également au gouvernement se présenter devant le parlement un, deux ou trois ans après que tel ou tel projet présenté ait été entamé, pour donner aux représentants un compte rendu sur les progrès réalisés ou, faute de quoi, les obstacles rencontrés qui ont empêché d'atteindre les résultats escomptés.
Prenons l'exemple du RAMED. Une présentation pertinente du projet consiste à dire tout simplement ce qu'est l'objectif ; permettre aux classes sociales défavorisées d'accéder aux soins de santé de base, après quoi, il faut dire aux députés et aux électeurs combien de personnes bénéficient actuellement de cet accès aux soins de santé et quel est le chiffre à atteindre au terme des cinq années de mise en œuvre de ce projet. Ni plus, ni moins.
Une note de présentation synthétique de quatre à cinq pages contenant les informations essentielles serait d'un grand apport pour une communication plus aisée avec les députés autant que l'opinion publique».
Décrire des montages techniques, juridiques et administratifs complexes en un langage simple et accessible à tous n'est pas chose aisée. C'est peut être trop demander...
«Bien sûr, c'est beaucoup facile à dire qu'à faire. Car il ne faut pas oublier que la complexité des projets gouvernementaux est indéniable, chaque projet constituant un assemblage technique, administratif et juridique effectivement très alambiqué.
Mais prenons exemple sur la documentation produite régulièrement par les Nations Unies relative aux thématiques auquel l'organisation se consacre. Même si ce sont des sujets très compliqués, mais leurs services arrivent à produire des textes synthétiques abordables pour le commun des mortels. Cette manière de procéder nous fait encore défaut».
Le sujet du contrôle de l'action gouvernementale n'est-il pas une simple question de procédures juridiques, ou est-ce, à votre avis, beaucoup plus le fruit d'une évolution des mentalités qui reste à se produire ?
«Il ne devrait y avoir aucune gêne à ce que le parlement invite le gouvernement à présenter un bilan des actions entreprises, ce que les anglo-saxons appellent «bring government to account», c'est-à-dire amener le gouvernement à rendre compte, ce qu'ils font sans arrières pensées politiques. Or, dès qu'on parle de compte à rendre au Maroc, c'est comme s'il s'agissait d'une mise en accusation déguisée et beaucoup se mettent à penser «constitution de commission d'enquête», voir même «motion de censure».
Prenons toujours le RAMED pour exemple. Une année après le début de réalisation du projet, le chef du gouvernement a tenu une réunion pour l'évaluation des résultats enregistrés, qui normalement aurait dû avoir lieu sous la coupole du parlement.
Je ne rejette pas la faute sur le chef du gouvernement, mais sur nous-mêmes, députés de la Chambre des Représentants. Nous devons disposer de procédures spécifiques pour inviter le gouvernement à rendre compte».
La mission du parlement n'est-elle pas entrain de s'élargir et de se diversifier, pour non seulement continuer dans son rôle d'appareil législatif et de contrôle de l'action du gouvernement, mais aussi de s'impliquer dans le gestion concrète des affaires importantes et de disposer de capacités d'initiative ? Mais d'abord, est-ce réellement le rôle du parlement ?
«Il est évident qu'il ne faut pas dériver vers une sorte de cogestion des affaires publiques, le parlement n'a pas à avoir des prétentions exécutives. Le gouvernement n'a pas à demander l'avis du parlement à chaque fois qu'il doit prendre une décision. ça ne doit pas être le cas. Par contre, il est important que le gouvernement dise aux députés ce qui est important de savoir pour eux et leurs électeurs, il se doit juste de définir clairement chaque action qu'il décide d'entreprendre, à quoi va-t-elle servir et combien va-t-elle coûter, pour que les députes puissent en informer leurs électeurs.


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