Entretien avec Mohammed Issoual, Directeur Régional des Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification : Le Haut Atlas marocain, un rendez-vous au royaume de la chasse de tourterelle

Long de plus de 700 km, large de quelque 100 km dans son massif central, comportant quelque 10 sommets atteignant ou dépassant 4000 m d'altitude, près de 50 dépassant 3500 m et plus de 100 dépassant 3000 m, le Haut Atlas est une immense barrière qui délimite le Maroc atlantique et méditerranéen du Maroc saharien.
Montagne infiniment diversifiée parce qu'elle s'enfonce profondément au cœur du continent africain, depuis les rives de l'Atlantique, vers Agadir jusqu'aux hamadas présahariennes de la frontière algérienne le haut Atlas offre de ce fait cent visages au visiteur ébloui.
A l'ouest c'est le Massif Ancien du Haut Atlas de Marrakech et Taroudannt, aux roches primitives et intrusives. C'est le Haut Atlas de l'alpinisme, avec ses reliefs élevés et parfois très drus. Il culmine au Toubkal (4167 m).
Au centre, c'est le Massif Calcaire du Haut Atlas d'Azilal et Demnat, aux vastes assises d'argiles rutilantes, qui dresse ses crêts effiles de style pré alpin, et que découpent profondément des hautes vallées et des canyons vertigineux.
C'est avant tout le Haut Atlas du ski sous toutes ses formes et de l'escalade la plus pure. Mais c'est aussi le Haut Atlas des belles et abondantes rivières où régne la truite, celui des peuplements insoupçonnés de pins d'Alep et de l'étonnant et plus que millénaire genévrier thurifère. Il culmine au Mgoun (4068 m.)
A l'est, c'est le Massif Marno Calcaire du Haut Atlas de Midalt et Imilchil, celui des hautes plaines et des vastes plateaux aux pâquis estivaux réputés, des pointements insolites de roches magmatiques, et qu'ourle en versant nord la ceinture quasi continue de la cédraie primitive. où culmine à l'Ayyachi (3747 m).
Le Haut Atlas, c'est avant tout une montagne ouverte où jamais le voyageur ni même l'alpiniste ne se sentent angoissés. C'est le pays d'élection de la grande randonnée pédestre (ou équestre) et de la haute randonnée à ski.
L'été, c'est l'époque des longues marches décontractées, par les rivières, dans les hautes vallées dernières Arcadies blotties au fond de cette montagne reculée, et sur les immenses plateaux de plein ciel que peuplent passagèrement les pasteurs montés en grande transhumance depuis leurs marches sahariennes ou atlantiques. L'été, c'est le temps de la grande randonnée sauvage et des bivouacs de plein air.
L'hiver, c'est l'époque des grands raids à ski (ski de montagne et ski de fond) dans les espaces démesurés d'altitude.
Au printemps, c'est le triomphe de la haute randonnée mixte, ce mariage unique de montées agréables et commodes en versant sud ou ouest plutôt déneigé (à pied ou à mulet) et de longues descentes à ski en versant nord ou est, sur neige le plus souvent facile et très rarement dangereuse. C'est plus que jamais l'époque de la grande randonnée pédestre ou équestre par les hautes vallées qui s'éveillent à la vie nouvelle.
Le Haut Atlas, c'est aussi la pêche sportive à la truite dans ses hautes rivières et ses grands lacs; la chasse sportive (au sanglier et au perdreau) dans les garrigues de ses collines de piémont.
Le Haut Atlas, c'est encore les sports d'eaux vives (canoë kayak) sur quelque 300 km de rivières torrentueuses, et les sports en eaux calmes (voile et ski nautique) sur ses grands plans d'eau.
Le Haut Atlas, c'est enfin, sur ses crêtes où s'affrontent en permanence des courants aériens thermiques ou ceux qui viennent de l'Atlantique et du Sahara, de belles promesses pour le vol à voile.
A propos de la chasse sportive dans cette belle région de haute montagne marocaine, bon nombre d'amateurs de ce sport qui joint l'utile à l'agréable à travers la pratique de la randonnée et de la marche en montagne et le plaisir de la chasse se donnent rendez-vous surtout en cette période d'été qui coincide avec le mois sacré du Ramadan et l'ouverture de la chasse tourterelle.
Pour rapprocher davantage nos lectrices et lecteurs de cette pratique sportive dans cette belle région du Massif Ancien du Haut Atlas de Marrakech et Taroudannt, nous avons invité M. Mohammed Issoual, Directeur Régional des Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification du Haut Atlas qui a bien voulu nous entretenir au sujet de la chasse dans la région de Marrakech Tensift El Haouz.
L'Opinion : Beaucoup de chasseurs cynégètes pratiquent la chasse dans la région de Marrackech Tensift el Haouz, et même durant la période de canicule, comment votre Direction organise-t-elle cette activité sur le terrain ?
Mohammed Issoual : Cette période de l'année coïncide avec la chasse de tourterelle qui est un gibier migrateur, malgré les fortes températures et même durant le mois de Ramadan, ceci n'empêche pas les fervents de la chasse de s'adonner à ce sport. Pour ce qui est de l'organisation, la Direction régionale des Eaux et Forêts et à la lutte contre la désertification du Haut Atlas (DREF- HA) assure la diffusion de l'arrêté de chasse définissant les dates d'ouverture et de fermeture des périodes de chasse pour les différents types d'espèces de gibiers ainsi que le nombre de pièces autorisées au cours de chaque journée de chasse en respectant essentiellement les périodes de reproduction, auprès des divers partenaires, des autorités préfectorales, provinciales et locales, la gendarmerie royale, les amodiataires...
Des campagnes, de sensibilisation sont lancées chaque saison pour inciter les chasseurs, les gestionnaires de la faune, la population locale et les aménagistes à adopter des pratiques et des comportements plus respectueux des considérations écologiques pour conserver les zones à intérêt cynégétiques.
Outre les mesures organisationnelles précitées, la police de la chasse assure des contrôles et de lutte contre le braconnage sur le terrain sous toutes ses formes aussi bien sur les terrains de chasse amodiée que sur les zones ouvertes ou en réserves.
Je tiens à signaler aussi que pour optimiser l'activité de la chasse et conserver les équilibres écologiques, le Haut Commissariat promeut la politique d'amodiation de droit de chasse, en effet 6 nouveaux lots ont été amodiés cette année dont deux à des associations au niveau la province de Marrackech et 4 lots touristiques au niveau des trois directions d'El Kelaa des Sraghna de Marrackech et Chichaoua ramenant le nombre à 72 sur une superficie de 229.780 hectares. Outre les actions d'aménagement cynégétiques telles l'installation des abreuvoirs, l'aménagement des points d'eau, le lâcher du gibier de repeuplement (12054 perdreaux), l'apport de nourriture et culture à gibier, l'ouverture et entretien des pistes, les amodiataires contribuent efficacement à la régulation des prédateurs ainsi que la surveillance et la lutte contre le braconnage.
L'Opinion : Comment la chasse peut elle booster le tourisme et notamment la roue économique locale ?
Mohammed Issoual : La région de Marrackech Tensift El Haouz possède des potentialités touristiques énormes et un gisement cynégétique constituant une destinée privilégiée pour les touristes de plus en plus attirés par la diversité du gibier. Le tourisme cynégétique contribue au développement local durable car ce genre d'activité participe à l'amélioration du niveau de vie des populations locales à travers la création des journées de travail et draine des recettes de l'Etat à travers la fidélisation des touristes cynégètes. En chiffres, cette année plus de 662 touristes notamment les nationaux ont afflué vers la région de Marrackech Tensift El Haouz pour pratiquer ce sport. A ne pas oublier que la chasse contribue indirectement à la commercialisation des produits de terroir. D'autres domaines sont également dynamisés par l'activité cynégétique notamment les équipements de chasse, les armuriers, le transport, l'hôtellerie la restauration et les unités de production de gibiers d'élevage.
L'Opinion : Comment pourriez-vous qualifier la saison de chasse 2013-2014 ?
Mohammed Issoual : Si on se base sur la moyenne des prélèvements, le nombre et la superficie amodiée, la saison de chasse est satisfaisante malgré les conditions climatiques défavorables qui ont marquées le début de cette saison, le bilan est satisfaisant, les recettes de fonds ont atteint durant la saison 2013-2014 un montant de 36.231.626 Dhs provenant essentiellement des licences de chasse, des redevances du droit de chasse et des taxes sur le permis de chasse.
L'Opinion : Quelles sont les mesures adoptées par la Haut Commissariat pour lutter contre le braconnage ?
Mohammed Issoual : La lutte contre le braconnage, est l'une des préoccupations majeures du Haut Commissariat. La lutte contre ce fléau intervient selon trois niveaux : en premier lieu la sensibilisation des chasseurs pour adopter des pratiques et des comportements plus respectueux des considérations écologiques et du principe de durabilité. En second lieu, la responsabilisation des chasseurs à travers la politique de l'amodiation du droit de chasse. Les amodiataires du droit de chasse procèdent au gardiennage de leurs lots de chasse et ont également la possibilité de proposer au Haut Commissariat l'agrément de certains de leurs membres en tant que gardes particuliers. Et en dernier lieu l'application de mesures coercitives par les agents forestiers, les gardes particuliers ou les gardes fédéraux en cas de délits. A ce titre, pour l'actuelle saison de chasse, plus de 42 procès verbaux sont dressées contre les braconniers dans la région de Marrackech, dont 11 en cours de jugement aux tribunaux et 27 réglés par voie de transaction.
L'Opinion : Des agriculteurs se plaignent du sanglier au niveau de certains sites, attaquant leurs cultures et causant des dégâts considérables, quelles sont les mesures adoptées par votre Direction pour juguler la problématique de surpeuplement de cette espèce au niveau local ?
Mohammed Issoual : Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de maitrise des effectifs du sanglier du Haut Commissariat, la Direction a procédé à une cartographie de la région pour identifier les zones caractérisées par une surpopulation de cette espèce susceptible d'affecter les exploitations agricoles notamment dans les zones rurales où l'agriculture vivrière constitue la principale source de revenus des populations locales.
A cet effet, la Direction a actionné 34 battues ayant permis le prélèvement de 114 sangliers notamment au niveau des points noirs ou se concentrent les populations de sangliers. Ces battues sont organisées conformément aux objectifs de la nouvelle stratégie du Haut Commissariat pour la maitrise du sanglier visant la régulation des nombre via des cartes informant sur la dynamique et l'évolution du nombre de cette espèce ; l'objectif étant de diminuer les risques de dégâts liés à la surpopulation de cette espèce.
L'Opinion: Pour les personnes qui désirent pratiquer ce sport, quelle est la procédure à suivre pour pouvoir chasser et être en règle ?
Mohammed Issoual : effectivement, il y a une procédure pour ceux qui désirent pratiquer la chasse qui consiste en un premier lieu en l'obtention d'un compromis de vente auprès d'un armurier, après l'obtention de permis de port d'arme et le permis de chasse auprès des autorités locales, une assurance est obligatoire qui couvre la responsabilité civil du chasseur et pour récupérer l'arme. Restent les redevances des droits de la licence de chasse à payer auprès de la Direction Provinciale des Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification, ainsi que la carte d'adhésion auprès de la Fédération Royale Marocaine de chasse.