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Günter Grass : une voix du siècle s'est tue
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 18 - 04 - 2015

Günter Grass n'aimait pas l'Allemagne. Un Allemand qui n'aime pas la sainte patrie, cela rappelle un autre immense nom germanique, celui de Friedrich Nietzsche. Pourquoi un tel désamour, pour l'une des figures majeures des lettres allemandes au même titre que Heinrich Böll, Thomas Mann ou encore l'immense Hermann Hesse, par exemple ? Il y a certes le nazisme, auquel il a pourtant appartenu jeune, lui le natif de 1927 ; le poids de la guerre, la division des deux Allemagne, la dérive politique entre gauche et droite, lui, Günter Grasse, qui était très proche de figures politiques comme Willy Brandt et Gerhard Schröder, deux grands chanceliers qui tendaient l'oreille pour écouter les conseils d'un sage toujours révolté, un brin provocateur, éternel insatisfait. Face à la guerre, il a eu cette phrase lancinante, qui revient comme un couperet : «La guerre m'a laissé la conscience très nette que mon existence ne tient qu'au hasard».
La fin des rêves, la mort, le désastre de l'après-guerre, le mur de Berlin et la mise sur pied de deux entités fratricides, incestueuses, deux patries, ennemies, avec un seul et même peuple: «Nous, les enfants aux doigts brûlés, avons répudié le noir et blanc, et sommes devenus les rejetons du scepticisme, les adeptes de toutes les nuances du gris». De ce marasme sort un chef-d'œuvre, «Le Tambour». Plus tard, cet immense pavé, aux consonances infernales, sera adapté au cinéma par Volker Schlöndorff et aura une Palme d'or à Cannes en 1979. Suivront d'autres grands titres, moins colossaux que «Le Tambour», mais avec la même puissance verbale, le même engagement, ce regard sans compromis sur le monde d'aujourd'hui et sur ses faillites à tous les niveaux. Le chat et la souris, Les années de chien, Le Turbot, L'appel du crapaud, Mon siècle, En crabe et d'autres grands livres, qui marquent la particularité d'un auteur, habité par la langue, au plus près de lui-même, de ses origines, lui, le natif de Danzic et mort à Lübeck. Günter Grass était ironique face à tout ce qui faisait mal aux sociétés modernes. Un style mordant pour dire le non-dit et surtout ne pas laisser le hazard ronger davantage la capacité humaine de résistance. Résistance face au mal, aux catastrophes idéologiques et aux injustices. C'est dans ce sens, qu'il a un jour dit au grand écrivain israélien, Amos Oz, qu'il n'avait rien, lui l'Allemand, contre les Juifs ni Israël, mais qu'il ne pouvait en aucun cas cautionner, de quelque manière que ce soit, la politique menée par les dirigeants israéliens contre les Palestiniens.
C'est dans ce sens qu'il était toujours du côté des «perdants». Günter Grass était sans complaisance aucune, et surtout pas avec lui-même: «Nous avons eu tort. J'ai eu tort. D'abandonner ce pan d'histoire à la droite et à des groupes de nostalgiques. La gauche a fait l'erreur de prendre les gens pour des idiots. Comme si les ouvriers des chantiers navals, qui acclamaient Hitler en 1935, n'étaient pas les mêmes qui avaient voté rouge quelques années plus tôt. Comme s'il n'y avait pas, dans le nazisme, le mot national mais aussi socialisme. Nous avons démonisé. Il fallait dire les faits. Moi je ne suis là que pour raconter : montrer les faits, ressortir les vieux albums de famille et poser des questions sur les photos qui manquent». Il faut dire que jusqu'à sa mort, Günter Grass a traîné polémique sur polémique. Il aurait pu couler des jours heureux en travaillant ses sculptures et graphismes, mais il avait toujours un œil sur le monde. D'où son immense ouvrage, Mon siècle, où il dit tout, fustige tout le monde, révèle des choses et crée un cataclysme en Allemagne et dans le monde quand on apprend qu'il a eu maille à partir avec les hitlériens. Peut-être que ce type de courage littéraire et humain est à lire à l'aune de cette phrase qui en dit long sur le bonhomme : «Je le concède : je suis pensionnaire d'une maison de santé, mon infirmier m'observe, me tient à l'œil, car il y a dans la porte un judas, et l'œil de mon infirmier est de ce brun qui ne saurait percer à jour celui qui a les yeux bleus comme moi». Comme un aveu de liberté au-delà de la mort, pour un écrivain aux dimensions universelles et dont l'œuvre survivra aux ideologies de bas étage.


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