ALM : Vous faites partie des Marocains du monde qui ont été primés cette année par BM Magazine dans le cadre de ses «Trophées Marocains du Monde». Que représente pour vous cette présence au Maroc ? Fadila Laanan : En effet, j'ai été invitée à Marrakech pour recevoir un prix lors des Trophées Marocains du Monde. Je profite de cette occasion pour visiter des projets qui veulent promouvoir l'entrepreneuriat féminin. Sujet cher à mon cœur. J'ai également souhaité rencontrer des opérateurs culturels phares sur la scène marocaine et qui rayonnent à l'étranger. J'avais également à cœur de visiter l'école belge de Casablanca, un fleuron en matière d'enseignement, un modèle de réussite qui est source d'inspiration tant au Maroc qu'à l'étranger. Cette mission m'a également permis de revoir des personnalités rencontrées lors de Daba Maroc. Sur votre agenda figurent plusieurs entretiens et rencontres. Sur quoi ont porté ces échanges ? Les échanges s'articuleront autour de plusieurs thématiques. A titre d'exemple, mon entretien avec Abdessamad Sekkal, président du Conseil régional Rabat-Salé-Kénitra, a porté sur un sujet qui me tient à cœur, à savoir la propreté et la sensibilisation indispensable qui l'accompagne. J'ai rencontré déjà plusieurs représentantes de mouvements luttant pour l'égalité entre hommes et femmes ainsi que contre les violences faites aux femmes. J'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Laïla Slassi, une des responsables de l'association « Masaktach». Comme je suis marraine d'une association féministe «Touche pas à ma pote», nous avons échangé sur les bonnes pratiques. Un mouvement féministe est en marche, les mentalités changent, cela prendra du temps mais j'ai confiance quand je vois le courage et la détermination de ces femmes qui portent ce projet. Min Ajliki est l'un des programmes initiés conjointement par le Maroc et la Belgique. Comment évaluez-vous ce projet ? Je suis enthousiaste et admirative par rapport aux résultats obtenus par le programme «Min Ajliki 2.0» de soutien à l'entrepreneuriat féminin. Ce programme marocain est soutenu par l'agence de coopération APEFE Wallonie-Bruxelles sur le financement de la coopération belge. Il vise à la promotion de la femme marocaine par l'affirmation de ses compétences et de sa capacité à enrichir et développer le réseau économique. Les résultats engrangés par le programme témoignent d'un engouement sans précédent : 700 cadres formés à l'accompagnement des porteuses de projets, 60.000 femmes sensibilisées dont 700 formées à l'entrepreneuriat et 1200 accompagnées en création d'entreprises. L'accueil que j'ai reçu était formidable, j'ai ressenti énormément d'émotion, ces femmes se forment, s'émancipent, on sent leur motivation. D'un point de vue global, quelle lecture faites-vous du cadre de coopération qui lie le Maroc à la Belgique ? Et quels seront les autres axes de partenariat à développer sur le plan bilatéral ? L'enseignement reste pour moi une priorité. Il faut le rendre accessible. Les difficultés financières ne devraient pas être un frein pour les familles qui ne peuvent pas payer des cours de rattrapage ou des cours particuliers à leurs enfants. Les écoles, les universités sont des lieux où on peut faire passer des messages. Ce sont des lieux où on doit se sentir libres, indépendants. On peut faire passer des messages, transmettre des valeurs. Il faut donc travailler davantage sur l'accessibilité. Le Royaume a connu de grandes et profondes mutations et ce sur plusieurs niveaux. Quel regard portez-vous sur le Maroc, votre pays d'origine ? Je suis la fille de Tlaïmas et Bouziane, tous les deux Marocains du Rif. Mes parents sont arrivés en Belgique en 1964 après avoir transité par l'Allemagne. Ils sont venus récolter les fruits d'une terre qui ne voulait pas forcément les accueillir mais qui avait économiquement besoin de main-d'œuvre bon marché. Ils ont sacrifié beaucoup sans jamais se plaindre. Je leur en serai toujours redevable. Aujourd'hui, les enfants ont souvent oublié le sacrifice de leurs grands-parents. Je voudrais rendre hommage à tous ces parents qui se sont oubliés, qui ont connu le froid, l'exil et le rejet et dire à mes enfants, à cette troisième génération qui étaient leurs grands-parents. Leur raconter comment ils étaient fiers et reconnaissants de travailler en Belgique et d'offrir un meilleur avenir à leurs enfants. Mes parents ont contribué à l'essor économique de la Belgique et grâce à leur dur labeur, j'ai pu devenir ce que je suis. Mais j'ai oublié de raconter l'histoire de mes parents à mes enfants. Je voudrais réparer cette erreur et leur raconter comment mes parents ont souffert et malgré tout ont toujours eu autant de gratitude pour ce pays : la Belgique, ce pays où j'ai grandi sans jamais oublié d'où je viens ! Je pense que la mémoire doit être perpétuellement entretenue ! Etant issue de la diaspora, quel message transmettez-vous aux Marocains du monde pour contribuer à la dynamique sociale et économique que connaît le Maroc ? Je suis sereine et confiante en l'avenir. J'ai vu naître un vent de liberté, une contestation saine et réfléchie. J'ai vu des femmes se battre pour leurs droits. Des droits fondamentaux trop souvent violés. J'ai eu l'occasion durant ma mission de rencontrer des femmes qui refusent d'être des victimes. Le mouvement «Masaktach» en est le symbole. Je ne répèterai jamais assez souvent mais on ne doit pas subir sa condition de femme comme si c'était un fardeau ou un motif de discrimination.