Ce jeudi 22 aout, le Hirak algérien fête ses 6 mois de contestation. 27 semaines de manifestations que ni ramadan, ni canicule ni répression n'ont sû freiner. Né afin d'empêcher l'instauration du cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika, par le cercle politique, appelé » la Issaba » [NDLR : la bande en français] par les contestataires, le mouvement a continué même après la démission officielle de ce dernier, et ambitionne de démanteler tout le système politique en place depuis l'indépendance. Depuis, 27 semaines de manifestations se sont poursuivies les unes après les autres avec le mardi jour de la semaine de la contestation estudiantine et le vendredi, celui de la contestation populaire. Des manifestations dont le pacifisme a été salué par l'opinion internationale à plusieurs reprises. Le soulèvement a su préserver son caractère pacifique malgré tout. Ce qui s'est même avéré être stratégique. L'Algérie a été rongée par le monopole du pouvoir et la corruption pendant des années. Un autre triomphe de la contestation en Algérie est indéniablement le départ des anciens du régime Bouteflika. Des personnalités politiques, militaires, ou des hommes d'affaires jusque-là réputées intouchables. Plusieurs d'entre eux sont entre les mains de la justice aujourd'hui. Parmi elles, nous pouvons citer les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, incarcérés à la prison d'El-Harrach dans l'attente de leurs procès. D'autres, pour éviter des répercussions indésirées renoncent eux-mêmes à leurs postes au pouvoir, à l'instar du président du Conseil constitutionnel algérien, Tayeb Belaiz, ou Mouad Bouchareb, président de l'Assemblée populaire nationale. Une véritable démonstration de nationalisme et d'unité nationale qui a permis aux Algériens de se réapproprier leur espace public, mais aussi leur contribution dans la décision politique de leur pays. Les mobilisations massives ont allié les Berbères, les Kabyles, les Chaouis, les Terguis, ainsi que toutes les ethnies et les régions algériennes. Ce n'est pas pour autant que le pays se dit satisfait. Plusieurs revendications tardent à voir une proche concrétisation. Plusieurs figures du gouvernement nommé par l'ancien président est toujours aux affaires, le pays est dirigé à titre intérimaire par un symbole du système Bouteflika, et sévit toujours sous l'emprise du Général Gaïd Salah, qui estime que « les revendications ont été entièrement satisfaites » et les prémices d'une transition démocratique et d'un scrutin honnête ne viennent toujours pas. La contestation a beau estimer faire un pas en avant, elle est obligée d'en faire d'eux en arrière, notamment par rapport aux libertés, notamment avec la multiplication d'arrestations des manifestants, la censure de plusieurs médias publics et privés et la restriction de la liberté de circulation. Plusieurs dizaines de manifestants se sont également retrouvés en prison pour avoir brandi le drapeau amazigh, lors des manifestations. Les autorités se concentrent désormais autour de l'organisation d'une élection présidentielle, afin d'élire un nouveau président. Le pays est cependant dans une impasse institutionnelle, puisqu'il se retrouve dans l'incapacité d'organiser le scrutin, initialement prévu le 4 juillet, faute de candidats. Le pouvoir a donc nommé une instance consultative de définir les modalités d'une élection présidentielle. Bémol : les personnalités nommées au sein de cette instance n'ont aucunement la confiance des manifestants, et sont même le sujet de slogans réclamant leur départ, chaque vendredi de manifestation. Tant que les discussions se feront avec l'armée à la table, la situation algérienne ne risque pas d'évoluer. Certains craignent même une intervention de l'armée si la contestation dure sur une longue période. Le Général Gaïd Salah a prouvé qu'il savait se montrer radical et dictateur par moments. Pour l'instant, les analystes et observateurs guettent la rentrée sociale, afin de voir l'évolution du mouvement.