Les autorités algériennes poursuivent leur répression contre les militants de la contestation populaire, au moment où les ONG les appellent à «revenir au respect du droit, de la Constitution et des engagements internationaux du pays». Le journal Le Monde dévoile comment plusieurs militants et opposants de premier plan, dont Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) ont fui leur pays. Ce dernier a quitté l'Algérie le 23 juin, à contrecœur. Il réside actuellement en Belgique. «Alors que, vendredi 11 novembre, l'Algérie passe son Examen périodique universel (EPU) au Conseil des droits de l'homme à Genève, où est évaluée la situation des Etats membres des Nations unies, les ONG algériennes dénoncent un recul sans précédent des libertés dans le pays. Saïd Salhi est le symbole de ce recul et d'«une saignée que vit l'Algérie en ce moment, reconnaît Hakim Addad, cofondateur du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), qui a dû, lui aussi, quitter le pays pour la France, en décembre 2020. Journalistes, magistrats, avocats et militants des droits humains partent ou tentent de partir. La fermeture et la répression sont telles que plus rien n'est faisable sans risquer l'arrestation, alors nous nous exilons pour parler et agir d'ailleurs», narre Le Monde. «Selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en 2021, 1 514 demandes d'asile ont été déposées par des ressortissants algériens, 139 ont reçu la protection. Sur les neuf premiers mois de 2022, 901 demandes d'asile ont été recensées», dévoile le journal. LADDH, cauchemar du régime «La LADDH cherche à établir une jonction entre les jeunes et la société civile, rassemblant Kabyles et Algérois, le Sud et le Nord. Entre partis politiques aussi, toutes tendances confondues. Le pouvoir réagit et veut couper court à toute idée d'unité nationale», écrit Le Monde. En juin 2021, le code pénal, réformé, assimile désormais à du «terrorisme» ou à du «sabotage» tout appel à «changer le système de gouvernance par des moyens non conventionnels». Officiellement visés : les islamistes du mouvement Rachad et les indépendantistes kabyles du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK). Il s'agit aussi de faire taire tous les contestataires, a-t-on noté. «Avec Saïd Salhi, deux autres figues de la LADDH, aux sensibilités différentes, ont dû s'en aller également. Dans son salon d'un modeste HLM, situé quelque part dans le nord de la France, Aïssa Rahmoune tourne avec ses tourments, à la manière d'un derviche mélancolique. Les montagnes de Kabylie, sa maison, la piscine, son fils de 5 ans qui n'arrête pas de lui demander comment vont ses chiens... Tizi Ouzou semble si loin et inaccessible en face de cette vulgaire route nationale», a-t-on souligné Ce dernier a défendu «sans relâche des figures du Hirak telles que Lakhdar Bouregaa, héros de la guerre d'indépendance (1954-1962), le militant Brahim Laalami, le politique Karim Tabbou, le journaliste Khaled Drareni ou encore Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT, trotskiste)» Un autre militant, l'avocat Salah Dabouz, raconte son calvaire : «Je suis parti pour me protéger, mais je n'ai pas demandé la protection [aux autorités]», souligne-t-il. «Partir, c'est aussi un moyen pour continuer le combat. Mort, on ne peut plus rien faire», argue-t-il. Pourquoi le pouvoir algérien s'attaque-t-il aussi frontalement aux avocats ? se demande Le Monde. «Nous sommes le dernier verrou de la contestation, clame Aïssa Rahmoune. Qui va dénoncer la torture, les arrestations arbitraires, les mandats de dépôt excessifs ? Qui va rendre public ce qui est caché dans les couloirs de la justice ?», a-t-il déploré. L'idée est de relocaliser le militantisme algérien pour constituer une base arrière en Europe est une idée bienvenue. «Ici, on a accès à la presse et aux institutions internationales, on peut continuer à servir notre pays», s'enthousiasme Aïssa Rahmoune au Monde, qui a été élu vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le 27 octobre à Paris.