Le monde a célébré, ce 4 février 2021, la Journée internationale contre le cancer. Malheureusement, ce fléau poursuit sa progression. Selon les dernières données de l'Organisation Mondiale de la Santé, le nombre de cas de cancer diagnostiqués a presque doublé dans les deux dernières décennies. Cependant, l'OMS estime que 40% des cancers sont potentiellement évitables, 40% autres peuvent être traités et 20% traités à des fins palliatives. Qu'en est-il de l'état des lieux au Maroc? Le Pr. Abdellatif Benidder, chef du service d'oncologie au CHU Ibn Rochd de Casablanca, repond aux questions de 2M.ma concernant les récentes statistiques nationales en la matière, de l'impact de la pandémie sur le diagnostic et le traitement des malades, ainsi que sur les mesures de prévention à adopter pour se prémunir de certaines formes de cancer. Interview. 2M.ma : Combien de nouveaux cas de cancer sont recencés chaque année au Maroc, et quelles en sont les formes les plus répandues ? Actuellement, on estime à environ 40.000 les nouveaux cas de cancer enregistrés annuellement à l'échelle nationale, toutes types confondus. D'après les données des registres nationaux des cancers, ce chiffre augmente d'une année à l'autre. Pour ce qui est des types de cancers les plus fréquents, le cancer du sein figure en première place chez les dames. Il représente près de 36% des cancers chez la femme, dépassant de loin les autres formes. Il est suivi par le cancer du col de l'utérus, puis les cancers colorectaux et ceux de la thyroide. Chez l'homme, le cancer le plus fréquemment diagnostiqué est celui du poumon, suivi de celui de la prostate, puis les cancers colorectaux. Dans ce contexte marqué par la pandémie et la crise qu'elle a générée, est-ce que le diagnostic, la prise en charge et le traitement des malades du cancer ont été impactés? Certainement. La pandémie de nouveau coronavirus s'est répercutée sur tous les secteurs d'activité, en particulier sur les métiers de la santé. Cet impact a été observé surtout chez les spécialistes du secteur privé, dit d'organes (pneumologues, cardiologues, etc.). Il faut dire que les cancérologues, les radiothérapeutologues et les oncologues sont presque entièrement dépendants des médecins spécialistes d'organes. Lorsque les cabinets de ces derniers étaient fermés durant le confinement, cela s'est automatiquement répercuté sur le nombre de diagnostics de cancers. Par conséquent, beaucoup de malades ne sauront pas qu'ils sont porteurs de la maladie et, de facto, ne viendront pas se faire traiter. De même, lors du confinement, les malades habitant loin des centres de traitement, voir qui résident dans d'autres villes, ont trouvé beaucoup de difficultés à se déplacer. Ceci a engendré des retards aux niveaux de la prise en charge thérapeutique et de l'administration des traitements. De plus, au niveau même des centres de traitements, quelques difficultés directement liées à la pandémie ont été enregistrées. Il est arrivé que les membres du personnel de santé contractent la Covid-19. Cela a non seulement constitué un risque sur leur santé et celles des patients, mais leur absence pour les besoins de leurs traitement a pesé en termes de ressources humaines disponibles. Cependant, le corps de la santé s'est grandement impliqué dans le suivi et le traitement des malades de cancer malgré tous ces freins. Pendant le confinement total, on a essayé, en particulier dans le secteur public, de travailler à distance et par téléconsultation, surtout au volet des séances de contrôle de patients déjà traités. Mais comme vous le savez, les malades qui sont en cours de traitement sont dans l'obligation de se déplacer physiquement aux centres pour se faire administrer leurs différents traitements. Heureusement, nous avons l'impression ces derniers jours que les choses commencent à rentrer dans l'ordre, surtout après la reprise progressive des consultations effectuées par les spécialistes d'organes. De plus en plus de malades arrivent à se faire diasnostiquer et traiter, et ont aussi moins de problèmes pour se déplacer. Les projections de l'OMS indiquent que le nombre de cas de cancer est appelé à progresser. Quels conseils donnez-vous pour s'en prémunir efficacement? Il est vrai que le cancer est entrain de prendre de l'ampleur, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Dans certains pays aux revenus élevés, certains types de cancer sont entrain de régresser. Et là, j'attire l'attention sur le cancer du poumon, entrain de régresser dans les pays qui ont ratifié la loi anti-tabac et qui l'appliquent de façon stricte et rigoureuse. C'est ainsi que je mets le tabagisme en tête de liste des facteurs de risque à éviter. Le tabac n'est pas seulement en cause du cancer du poumon mais également de ceux du larynx et de la sphère ORL en général, de la vessie, et d'autres types. Je conseille ainsi sérieusement aux fumeurs d'essayer de décrocher le plus tôt possible. Une autre forme de cancer, qui est justement entrain de disparaitre des pays développés, est celle du col de l'utérus. Depuis plus d'une dizaine d'années, ces pays ont commencé à généraliser la vaccination contre le virus du papillomavirus humain, en cause de cette forme de cancer. Cette vaccination se fait chez les jeunes filles de 10 à 15 ans, et ceci a permis de freiner le développement du cancer du col de l'utérus. Pour ce qui est des cancers colorectaux, je conseille à toute personne de plus de 50 ans de faire des dépistages périodiques. Ceci permet la détection précoce de polypes (tumeurs bénignes) et de les extraire à un stade précoce. Pour ce qui est du cancer du sein, j'invite toutes les femmes de 45 ans et plus à réaliser une mammographie toutes les deux années car, comme pour toutes les formes de cancer, la détection précoce est le garant d'un traitement simple et efficace. * Journée mondiale contre le cancer : Les cancer du sein et du poumon restent les plus fréquents au Maroc