Et si Emmanuel Macron était non seulement dans l'impossibilité de procéder à un remaniement gouvernemental, mais aussi était dans l'incapacité de trouver l'oiseau rare pour remplacer utilement Elisabeth Borne. Le maître des horloges semble subir les aléas d'une équation politique qui limite visiblement sa marge de manœuvre. Est-ce un hasard donc si le président Français Emmanuel Macron s'est privé de sa traditionnelle intervention télévisée du 14 juillet ? Lui qui aime tant saturer l'espace politique de ses interventions. Non ce n'est pas un hasard. C'est une nécessité politique. Avec ce 14 juillet, l'ultimatum des cents jours donné au gouvernement pour lancer de grands chantiers et élargir la majorité présidentielle devait arriver à son terme. Emmanuel Macron devait faire le bilan d'étape et tirer les conclusions qui s'imposent. Sans doute cette annulation reflétait-elle cette grande hésitation présidentielle. Elisabeth Borne, la première ministre, n'a pas, de son propre aveu, réussi à séduire les parlementaires du Parti les républicains pour rejoindre sa majorité. Elle n'a pas non plus fait état du lancement de grands projets qui changent le quotidien des français. Elle a donc officiellement échoué dans sa mission au regard des critères posés par l'ultimatum présidentiel. En toute logique politique, Emmanuel Macron devait tirer la leçon suivante: Ce gouvernement a montré les limites de son action et de son ambition. Le changer devenait une nécessité politique pour redonner un nouveau souffle à son second mandat. Et pourtant rien ne se passa comme la logique politique l'imposait. Elisabeth Borne est plus intouchable que jamais. Les raisons ne sont pas celles qu'on croit. Elisabeth Borne, qui s'est livrée depuis des semaines à une vraie opération de communication pour défendre son bilan et exprimer son envie de rester à Matignon, semble avoir profité de deux facteurs essentiels qui ont changé l'ambiance générale. Le premier réside sans aucun doute dans les manifestations violentes qui ont émaillé les nuits françaises ces derniers temps. Ces événements dramatiques ont eu pour conséquences de rebattre les agendas et de bouleverser les priorités. Alors que s'imposait un intérêt politique pour Emmanuel Macron pour insuffler une nouvelle dynamique, ces manifestations violentes ont remis au centre des intérêts la grande préoccupation sécuritaire qui ne supporte ni grands chambardements ni grandes ruptures. Alors que le pays était au bord de recourir à l'exceptionnel état d'urgence, il paraît politiquement inopportun de procéder à de grands changements au risque de brouiller les cartes et d'accentuer une atmosphère de fébrilité. Pour certains observateurs, les émeutes urbaines ont involontairement prolongé le bail d'Elisabeth Borne au poste de cheffe du gouvernement. Le second facteur qui explique que le grand remaniement attendu n'a pas eu lieu malgré les grandes attentes des français en la matière est à trouver dans les choix de substitution qui s'offre à Emmanuel Macron. Les personnalités qui sont capables de faire mieux qu'Elisabeth Borne en termes de négociations d'une nouvelle majorité ne se bousculent pas au portillon. Les profils cités régulièrement par la presse et qui sont souvent des proches d'Emmanuel Macron peinent à démontrer qu'ils peuvent apporter une plus-value politique à la gouvernance de l'Elysée. A ce jour, le mieux disant politique reste aux côtés de l'actuelle première ministre Elisabeth Borne. Et la question qui a taraudé l'esprit des conseillers de l'Elysée est la suivante: À quoi bon changer Borne si c'est pour se coltiner un personnage moins performant ? Malgré cette situation qui impose à Macron une forme de continuité et de permanence, le président de la République est dans l'obligation quasi systématique de procéder à des modifications de son exécutif, même à minima, en nommant des ministres délégués ou à des ministères de moindre importance. Certains ministres nécessitent en urgence un remplacement immédiat. Entre ceux qui ne parviennent pas à imprimer par leurs actions et leurs présences et ceux qu'un halo de scandales et d'incompétence entoure en permanence, Emmanuel Macron est obligé de les sortir au plus vite sous peine de miner en profondeur sa gouvernance. Et pourtant, ce ne fut pas le cas, à part pour Marlène Schiappa, mais l'ossature du gouvernement reste inchangée. Emmanuel Macron s'est longtemps présenté aux français comme le maître des horloges, l'homme qui imprime le tempo et la respiration au pays. Or dans le contexte actuel, il donne cette vague impression de subir les événements plutôt que de les provoquer ou les dompter. Son silence, voir son inaction, son report de grandes décisions témoignent en tous cas de l'étroitesse de plus en plus avérée de sa marge de manœuvre, et révèlent la pauvreté des choix politiques qui s'offrent à lui. Ses détracteurs ne manquent pas de souligner que même un remaniement si large soit-il, n'aurait pas participé pas à relancer son mandat. Seules de grandes idées, comme une dissolution avec élections législatives anticipées ou un référendum pourrait ré-enclencher l'indispensable dynamique dont son second mandat a terriblement besoin.