Et tout remonte à la surface : nostalgie hégémonique, clichés anachroniques et l'histoire entièrement «en mal d'Espagne». La visite de Juan Carlos, rejetée avec véhémence des Marocains de tout bord a été une provocation… Et pas uniquement! Manifestations, sit-in, colère : l'indignation a été des plus virulentes et les Marocains unanimes à condamner la visite du Roi Juan Carlos de Bourbon aux deux enclaves marocaines, Ceuta et Mellilia. Longtemps symbole de la sagesse et de la mesure, parangon de la démocratisation et modèle de la transition réussie, le roi d'Espagne a facilement, presque indignement cédé à la nostalgie colonialiste. Voire, aux démons du franquisme. Unanimité La provocation, a suscité une émotion grandissante chez le peuple marocain, et les démocrates, par le monde, ont été plusieurs à noter le caractère offensif de la visite. Mais l'essentiel reste la volonté, l'unanimité qui a marqué de son sceau la réaction du peuple marocain. Ainsi la riposte marocaine ne s'est pas fait attendre. Le gouvernement marocain a annoncé le rappel pour consultation de son ambassadeur à Madrid, Omar Azziman pour protester contre la «regrettable visite» du souverain espagnol dans les villes occupées de Sebta et Mellilia. La première visite officielle de Juan Carlos dans ces deux villes depuis son accession au trône en 1975, a uni la nation, toutes tendances confondues. Des nationalistes de l'Istiqlal aux progressistes et autres tendances de gauche, en passant par les centristes et les conservateurs et les berbéristes les marocains ont organisé des manifestations, a Ceuta et Mellilia et à travers le pays. Un leader islamiste, Abdelilah Benkirane, également membre de la Commission parlementaire des Affaires étrangères a clairement défendu le droit du Maroc de «recourir notamment à l'ONU et à la Cour internationale de justice (CIJ) pour récupérer les deux villes occupées». Aussi a-t-il appelé à une autre marche verte, à l'image de celle organisée par Feu Hassan II vers le Sahara et à laquelle avaient participé 350.000 Marocains. En fait, il y a des coïncidences qui ne trompent pas. Ainsi en est il du choix du timing par le souverain espagnol, dont la visite tombe les 5 et 6 novembre courant,: l'anniversaire de la marche verte, ce coup de génie qui a affranchi nos provinces du Sud. Calcul Il va sans dire que l'Histoire, et ses remugles ne sont pas les seules motivations de ce déplacement inacceptable. Nombreux sont les observateurs qui, à raison ont fait le lien entre les élections prochaines sur le territoire occupé et la concurrence entre les deux grands partis espagnols, le PSOE de Zapatero et le PP de Rajoy. C'est aussi l'avis du président d'une association de ressortissants marocains établis à Ceuta, Mohamed Ali. Il a estimé sur Al Jazeera que la programmation de cette visite faisait partie d'un calcul politique interne en Espagne. «Les socialistes du PSOE et le Parti populaire de droite sont déjà en compétition (à travers ce voyage du roi) pour gagner des voix» en vue des élections législatives de 2008», a-t-il dit. Au-delà de l'actualité politique animant les centres de pression, et partant la visite en elle-même, La provocation du souverain espagnole prête le flan à un retour du refoulé colonial espagnol et fait rejaillir des clichés anachroniques dans le rapport entre les deux pays. L'Espagne, pays à l'origine du conflit au Sahara, et par le colonialisme et par le soutien, aussi politique que militaire par Franco des premiers groupes séparatistes a le devoir moral d'aider le Maroc à tourner cette page douloureuse et non oeuvrer pour ranimer des nostalgies hégémoniques dont le bassin méditerranéen peut se passer pour le bien de la communauté limitrophe. Reste qu'au-delà des stratégies et des pôles de pression ibériques, une image d'Epinal n'est plus de mise. Le roi Juan Carlos, érigé en modèle de la tolérance et de la mesure, est tombé dans le piège des bellicistes de Madrid. Une statue s'est également écroulée, pour tous ceux qui croyaient que Juan Carlos de Bourbon est le modèle humaniste, démocrate qui n'osera jamais remuer le couteau de la politique politicienne dans les plaies de l'Histoire, dommage!