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Les recruteurs de l'enfer
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 05 - 2003


Reportage
Quand Hassan a été abordé dans une boîte de nuit de la corniche casablancaise par deux autres jeunes à peine plus âgés que lui, il ne se doutait pas que c'était là sa dernière danse. Les trois compères passent une soirée bien arrosée à la bière, se défoulent jusqu'à l'aube et rentrent ensemble dans la voiture de Hamid, l'un des deux lurons, émergent du brouillard capiteux du dancing…
“Déjà dans la voiture, à la sortie de la boîte, je ne comprenais pas la transition faite avec une cassette de coran qu'il faisait marcher à fond la caisse”. C'était déjà le premier cercle de l'enfer qui pointait du nez. Hassan se tient calme et rentre chez les copains. Ils ne sont pas allés bien loin de la côte. À Bourgogne, on stationne et les potes montent deux étages pour arriver dans un appartement “super bien meublé”. On remet d'autres versets du coran et on commence à expliquer à Hassan pourquoi c'était là la dernière danse. “On s'est couché à huit heures du matin. On m'a demandé d'aller me laver, de m'acquitter de mes ablutions, de faire ma prière. Ce qui m'échappe jusqu'à aujourd'hui, c'est la facilité avec laquelle je m'exécutais. Je n'opposais aucune résistance mentale ni idéologique. Je disais amen à tout ce qu'ils me disaient. Ce n'était pas la peur, mais un sentiment étrange que je ne saurai vous expliquer ”. La mère de Hassan, elle, pense toujours que l'on a drogué son fils. Ce même gamin, branché, cool, sympathique qui aimait la belle vie, les filles, les matches de foot, la musique et les voyages, est aujourd'hui un type renfermé, coléreux. “Pas méchant du tout, mais il n'est plus le même ”. Ces copains de boîte et de foot ne s'approchent plus de lui, ne le reconnaissent plus. Ils disent qu'il est foutu. Lui, pense qu'il est sur “la bonne voie” et espère que tous les jeunes feront comme lui “ avant qu'il ne soit trop tard”. Faire comme lui, c'est prêcher tous les jours, à tous les coins de rue, dans les hammams, les taxis, les bus, harceler ses amis pour “regagner le droit chemin…”. Ce qui est arrivé à Hassan est symptomatique de ce que des milliers d'autres gamins de son âge ont vécu. Aujourd'hui, et sans donner dans la paranoïa gratuite, les réseaux d'infiltration des jeunes courent les rues. Ils frappent un peu partout. Clubs de sport, boites de nuit, taxis, cinéma, cafés et même dans les prisons. On profite du désarroi des jeunes, de leur manque d'assises solides pour planter en eux la graine de la haine de tous ceux qui ne sont pas comme eux. On leur sert l'islam dans une version revue et corrigée, une version noire, maladive intolérante, criminelle en guise de repos de l'âme. Quand on est friable comme le sont les jeunes Marocains qui ont toujours manqué de solide encadrement, on ne s'étonne pas de voir les barbus se multiplier comme du chiendent dans la ville. Et ce n'est qu'un début. Les lendemains qui déchantent marquent le trait entre un citoyen responsable et un justicier qui se permet le pire.
Vigilance
“Les Marocains ne sont pas des terroristes”. C'est ce qu'on nous disait quand on tirait les sonnettes d'alarme de la menace terroriste et des affinités avec Ben Laden. Il est bien des cafés populaires qui ont fait entendre une clameur de joie à la vision, sur un écran de télévision, de la destruction des tours de Manhattan avant que cela n'arrive près de chez soi, dans nos hôtels, dans nos restaurants, dans nos rues. Derrière cela, se cache une vérité plus insidieuse. Une opinion qui se répand qu'Oussama Ben Laden “dirait en quelque sorte ce que les autres pensent tout bas . Le Maroc, pas plus qu'un autre pays, n'est imperméable à la propagande de Ben Laden et de ses filiales à travers le monde”. Nier que dans l'ombre, dans les méandres des rues des quartiers populaires, s'agitent quelques-uns de ces zélés propagandistes d'un retour pur et dur à la Charia serait faire preuve d'aveuglement, de mauvaise foi, voire de complicité. Alors, c'est à cette question que l'on aimerait avoir des éléments de réponse : jusqu'à quel point sommes-nous infiltrés par la tentation terroriste? Et surtout jusqu'à quel point serons-nous capables de lui résister ? Ce qui s'est passé en dit long sur le degré de préparation, des desseins tramés dans l'ombre et de la volonté de plusieurs criminels de faire de ce pays un bain de sang. Le Maroc d'aujourd'hui n'est pas en position de force. Dans les milieux défavorisés, l'exaspération est parfois telle qu'elle peut conduire aux pires égarements. “Comme dans d'autres pays, la jeunesse, qui se sent frustrée de ne pas participer au partage du gâteau que d'autres dégustent sans elle, peut être attirée par la politique du pire. Alors, il y a tout lieu de rester vigilants”, lance, sceptique, un simple citoyen qui dit avoir répété à qui voulait l'entendre que le Maroc n'est pas à l'abri des fous de Dieu. Ce Maroc où aujourd'hui personne ne peut plus nier la montée en puissance des mouvements et mouvances islamistes de tous bords, “modérés” ou “radicaux”. Leurs terrains de chasse sont les bidonvilles. Les éléments de l'enquête menée aujourd'hui pour y voir plus clair ont démontré que tous les jeunes sont issus de douars et autres baraquements de fortune. Là où il fait bon prêcher la haine. “ Trois types, jeunes comme moi, m'ont demandé si je manquais d'argent. Ils m'en ont donné sans me demander quoi que ce soit en retour. Ils n'ont même pas exigé de moi que je fasse la prière. L'un d'eux m'a dit que c'est Dieu qui décidera de mon retour sur le droit chemin. Il m'a dit qu'il s'appelait Abou Ahmed ”. Ce jeune homme accro au haschich, habitant Douar Skouila, raconte qu'on lui a payé ses joints, son “ Karkoubi ” et son litre de vin rouge pendant plus de trois mois. Après, ils ne sont plus venus le voir. Il ne sait pas pourquoi. D'après un barbu à la mosquée en zinc du même douar : “ils se sont rendus compte qu'il ne faisait pas l'affaire. Parce que d'autres jeunes ont quitté le
douar et habitent aujourd'hui à Bernoussi ou à Lahjajma et ont même trouvé du travail grâce à ces hommes qui venaient distribuer les sacs de farine aux femmes et vieilles personnes”.
On voit naître, ici et là, depuis quelques mois de nouvelles tendances radicales, extrémistes et criminelles qui sont passées à l'acte.Dans ce contexte, les mouvements modérés se sont retrouvés dépassés par l'émergence de nouveaux groupuscules obscurantistes. Pourtant, le travail de terrain est le même malgré les apparentes divergences de point de vue. Pour les fêtes, ils achètent le mouton à la veuve, offre des djellabas aux femmes, apportent des friandises aux enfants “et un sac ou deux de farine ”.
Vide social
Devant les cafés, il leur suffit de “payer un verre de jus d'orange et
d'entamer la conversation. Vous êtes marié.Vous travaillez ? Vous avez une famille ? On a du travail et une femme pour toi.
Ne t'occupes de rien. Juste retrouve la voie de Dieu”. Selon un professeur à la faculté de droit de Casablanca ceci est “ une conséquence logique d'une somme d'erreurs accumulées depuis des décennies. Des fautes à mettre au passif du régime, des gouvernements précédents et des partis politiques de gauche, du centre comme de droite”.
Il y a d'abord le vide politique et social. En premier lieu les partis politiques de gauche qui se sont éclipsés laissant le terrain vide aux autres qui l'ont exploité en tablant sur le désespoir des populations. Lors des dernières législatives, ce sont les islamistes qui ratissaient large dans les rues, dans les bidonvilles et chez les franges sociales les plus marginalisées. Et puis il y a les partis de la droite qui n'ont tout simplement rien fait, ayant été toujours coupés du reste du peuple. “A ces ingrédients qui favorisent généralement la montée des extrémismes s'ajoute la misère qui frappe les masses et que les fanatiques ont mis à profit pour monter en puissance”, explique un jeune étudiant à la faculté de Mohammédia. Cette institution qui est devenue avec le temps le fief de tous les extrémistes. “Ici, ils ont leur tribunal. Ils émettent des fatwas, décident de la vie et de la mort de leurs semblables. Ils se marient entre eux avec juste un verset du coran et refusent tout document officiel de l'Etat. Ils n'ont pas d'acte de mariage et appellent cela “ zawaj al moutâa”. Selon ce même étudiant, tout le monde le sait et pourtant, rien n'a été fait pour qu'on arrête l'hémorragie. “ Aujourd'hui, ils se font plus discrets, mais gardent toujours la même hargne et la même arrogance”.
C'est en les laissant faire qu'on les a vus investir les universités, les quartiers populaires qui leur servent encore de terrain de recrutement des déshérités, les rues, les mosquées, les bus, les autocars, les trains et même les cités huppées pour répandre leur message, grossir leurs rangs, semer leurs cellules, structurer leurs organisations, prêcher les sermons de la violence contre les mécréants (la fatwa de Sidi Moumen qui a entraîné la mort d'un jeune soûlard, Idriss El Kerdoudi, par lapidation, l'assassinat du jeune notaire, Abdelaziz Assdi pour adultère, dont le corps a été retrouvé à Ahl Leghlam, et d'autres jugements où des innocents ont fait les frais de la colère et de la haine), appeler à la désobéissance civile (refuser tous les papiers officiels), prononcer des fatwas, s'ériger en juge et partie, encadrer les misérables et les ignorants qui constituent les proies les plus faciles à embrigader, à influencer et même à pousser aux crimes. Aussi ont-ils pu étendre leurs tentacules à l'ensemble du territoire national où ils sont solidement implantés et n'attendent que le moment propice pour transformer le pays en une deuxième Algérie.
Les étincelles de certains groupuscules armés ont déjà commencé à faire leurs effets et à imposer leur loi. Les bandes à Fikri et autres extrémistes ne sont que l'avant-goût d'une détermination farouche et aveugle pour faire table rase de tout ce qui existe pour l'avènement d'un Etat totalitaire dit “ Dar Al-Islam ” où l'individu est réduit à un texte, à un dogme au-delà duquel toute nuance est prohibée. Mettant à profit la misère qui frappe une grande partie de la population, ils ont pu nourrir les affamés, scolariser les enfants démunis dans des écoles qui prônent leur idéologie, ouvrir des colonies de vacances pour laver les cerveaux aux jeunes et aux enfants, organiser des campagnes de solidarité avec les défavorisés, de prosélytisme et de sensibilisation à leur version de l'Islam. Pour convaincre, ils diagnostiquent la société et offrent un remède taillé sur mesure. Chacun selon son cas et son degré de nécessité
Fin de la propagande ?
Enfin, il paraît que des campagnes de lutte contre la propagande obscurantiste auraient été diligentées par les pouvoirs publics pour mettre un terme au commerce des cassettes audio et de certains livres qui prônent un Islam extrémiste. Mais à voir de plus près les places qui jouxtent certaines mosquées et les transports publics en commun, la réalité est tout autre. A titre d'exemple, la mosquée du quartier de Lissasfa et la rue commerçante qui donne sur sa “ Joutia ” sont encore des lieux où ce genre de commerce se fait au grand jour. Des barbus et des femmes habillées à l'afghane sont toujours là, comme par le passé, pour vendre et même faire entendre aux passants et à haute voix le contenu de leurs enregistrements audio.
Dans les bus, en particulier les lignes desservant le boulevard Abdelmoumen et l'avenue Panoramique, les barbus montent avec des radio-cassettes pour faire entendre aux passagers le contenu d'enregistrements au verbe véhément et à l'accent virulent. C'est le cas d'une cassette qui porte sur la conduite à tenir par les femmes musulmanes. Parmi les messages qu'on cherche à leur faire passer, un hadith que l'auteur de l'enregistrement prête au Prophète selon lequel toute femme qui se promène avec les cheveux découverts est une prostituée. Des enregistrements que leurs marchands proposent à 10 dirhams pièce mais que les passagers ne semblent pas empressés d'acheter.
Il est vrai que pour lutter contre ce genre de commerce, il est difficile de mettre un agent de police dans chaque bus, à l'aller, comme au retour. Reste que les autorités sont capables de sensibiliser les compagnies de transport en commun pour les amener à interdire de tels commerces dans leurs bus. Le conducteur et le receveur de chaque véhicule sont capables de faire l'affaire, comme certains le font d'ailleurs envers les mendiants. Pourquoi pas envers les obscurantistes ?
“Comme dans d'autres pays,
la jeunesse, qui se sent frustrée de ne pas participer
au partage du gâteau que d'autres dégustent sans elle,
peut être attirée par la politique du pire. Alors,
il y a tout lieu de rester vigilants”.


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