Abderrahim Berrada De tous les noms du diable, je préfère le malin et de tous les avocats, j'aime Abderrahim Berrada. Du calme ! je ne suis pas en train d'insinuer qu'il est l'avocat du diable. Cela, je m'en passe. Maître Berrada ne trouve en revanche aucun inconvient pour s'ouvrir sur le diable. Qu'on l'appelle Belzebuth, Lucifer, Satan, l'Antechrist ou simplement le malin, le diable est une vraie personnalité de l'actualité. C'est le diable quand même ! Donc, faut pas ouvrir grands vos bouches, oreilles et yeux. De telle manière, vous allez rater le scoop de votre vie. Chers confrères, chers journalistes, il n'y a aucun mal à faire tomber l'ennemi numéro 1 de toute l'humanité dans vos escarcelles ! Plus : tant que vous croyez au diable, tout ce qui vous arriverait est intelligible, clair et vendeur. Selon Maître Berrada, " on peut toujours donner la parole au diable ! ", et c'est paraît-il un exercice journalistique très louable. Dans une déclaration à notre confrère " Al Ayyam ", l'avocat n'y va pas de main morte : " ouvrir les colonnes de la presse à Nadia Yassine, au président du Polisario, aux Premiers ministres israéliens, l'ancien Netanyahu ou l'actuel Sharon, aux adorateurs de Satan, ou à Satan lui-même, ce n'est là que le droit des journalistes et de la société ". Diable ! Et moi qui croyais que Nadia Yassine était une vertueuse : là voilà, ma foi, très bien logée, entre au pire, Abdelaziz Marrakchi au mieux Satan. Elle n'a que l'embarras du choix, la pauvre ! Le diable lui-même aura pitié d'elle. Est-ce là le scoop ? Imaginez un peu, la " Une " : le diable trouve que Maître Berrada a injustement, abusivement, "belzébuthement " catégorisé la fille de Cheikh Yassine parmi les êtres les plus abhorrés. Et tout cela, bien évidemment, pour la défendre ! Ce qu'il y a de terrible dans cette histoire, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup de diable ! Rien à dire. Si ce n'est pas ce petit conseil du dramaturge français, le père d'Electre, Jean Anouil : " il ne faut pas avoir peur des gens méchants, madame, ce sont de pauvres diables comme les autres. Les imbéciles seuls sont vraiment redoutables ! ". Passons… La suite : " il est de notre droit de savoir ce qui se passe dans le monde ". A vrai dire, je suis de cet avis. Depuis que Satan a été perdu de vue, on ne sait pas à quel saint se vouer. Aussi, il serait utile de savoir ce que pense le diable de la dévaluation du dirham, de l'ALE avec les USA, du prix du pétrole et des festivals qui pullulent ces temps-ci. Seul problème : comment arriver à le dénicher si je trime, vainement, à avoir un simple mortel, dans le simple des cabinets ministériels. Peu importe, on se débrouillera. En attendant, mettons-nous d'accord. A en croire Maître Berrada, si le diable est diable, c'est parce qu'il se croit bon. Bon à être interviewé ; comme Sharon et comme Nadia Yassine. (P.S : aucune déduction n'est de moi. Soit !). Ensuite, le diable représente en quelque sorte les défauts de notre démocratie. Sans le diable, le Maroc serait anti-démocratique. Et sans aller jusqu'à jeter tout le pays dans la poubelle de Nadia Yassine, il ne manque pas de diaboliser ceux qui ne sont pas du même bord. Satané, Abderrahim! Il n'hésite pas à traiter, dans la foulée, les présidents de " macaques ". La Syrie, l'Algérie, la Tunisie et la plus grande majorité des pays africains sont gouvernés par des macaques ! La dignité humaine dans tout ça ? Lire Schopenhauer: " Il semble que le bon Dieu ait créé le monde –l'Afrique et le monde arabe a fortiori- au profit du diable !” On n'est pas sorti de l'auberge : le diable est partout, et personne pourtant n'a jamais tenté de le " coincer ". Y aurait-il vraiment un sujet plus saisissant ? Plus accrocheur que le malin ? Aucun. J'aime bien, cependant, voir la tête du rédac-chef, lundi matin, à l'heure de la réunion écarquiller les yeux, et le journaliste non sans fébrilité lui annoncer qu'il vient de " décrocher " une interview avec Satan ! Je pense déjà à la photo de la " Une ". Et le titre : " Après Abdelaziz Marrakchi et Nadia Yassine, le diable déballe tout ! ". Diable !