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Le fils du soldat
Publié dans La Gazette du Maroc le 30 - 01 - 2006


Paysages humains
Saïd a un père qui le malmène ces temps-ci. Il n'en peut plus, Saïd ; et il le répète avec cette véhémence propre à ceux qui n'aiment pas se coltiner des problèmes avec leurs paternels. Saïd, évidemment, boit pour noyer son chagrin et son incapacité à dire ses quatre vérités à son père. "Mon père fait partie de cette race d'hommes qui pensent tout savoir. Il est l'un des défenseurs de l'adage qui voudrait que quelqu'un qui a un jour de plus que toi en sait forcément davantage. Je n'ai pas besoin de m'étaler en tergiversations sur ses capacités à voir la vérité sous ce tas d'immondices, mais je dois dire que dans des moments de lucidité, je peux lui donner raison. Je dis bien je peux si j'arrive à remporter la partie de bras de fer avec moi-même. Parce qu'au fond qu'est-ce qui me gêne dans toute cette sombre affaire entre mon père et mon moi le plus secret ?
C'est que je n'arrive pas à l'éliminer symboliquement. Cela crée des non-dits, et là la communication entre nous est morte. Je tente, des fois, quand je suis d'humeur légère et dispose, de lui faire parvenir mes idées. Mais ce sont toujours des bribes de ce que je pense qui dépassent mes lèvres. C'est triste, tout ceci." Saïd fréquente ce boui-boui depuis le jour où son père lui avait lancé droit dans les yeux qu'il n'attendait plus rien de lui. "Comment voulez-vous que je fasse. Il m'a mis dehors en me traitant d'incapable. Alors j'ai décidé de lui montrer qui j'étais. J'ai fait deux passages par la prison pour des pépins pas très méchants, parce que n'allez pas croire que je suis une crapule, loin de là, mon ami. Je suis même un gars de valeur, mais bon, on développera cette partie après coup. Pour le moment, il faut noter que mon père voulait me tester. Alors il a eu un large aperçu sur mes capacités à mener la vie que je veux ". Et Saïd de revenir en détails sur le passé de toute sa famille. Nous avons tous eu droit à la genèse de la famille du soldat. Oui parce que le père de Saïd est un militaire. Un bonhomme qui a laissé femme et enfants et qui s'en est allé faire la guerre. Où ? On ne l'aura jamais su car le fils est convaincu que le père a passé tout ce temps dans une caserne à jouer les sous-fifres, ce qui l'a rendu aigri et lui a collé ce mauvais goût à la bouche. En fait de guerre, il n'en a vu que le mirage dans l'immensité du sable. Mais là encore, c'est une autre affaire que Saïd a promis de développer le moment venu. Quoi qu'il en soit, le soldat a gardé de gros morceaux en travers de la gorge. Pourquoi ? Saïd n'est jamais parvenu à lui tirer les vers du nez, et ce dont il est convaincu c'est que son père, en garnison, a eu d'autres femmes et même d'autres enfants. "Dix ans, ce n'est pas rien. Il est parti et on l'a vu rarement. Je ne sais pas pour ma mère, mais pour lui, ma main au feu que c'est un coureur qui s'en est payé dans la chaleur du sable. Il ne peut pas s'en passer, mon paternel et il m'en veut à moi parce que des fois, pour tuer ma solitude, je partage mon lit avec une solitaire comme moi. Il ne faut pas charrier, tout de même, mais est-ce qu'une fois je suis allé lui demander pourquoi a-t-il disparu tout ce temps, sans donner de raisons valables ? Jamais je n'ai osé, et c'est peut-être là la source du problème. Il faut qu'un jour on arrive à faire sauter le silence en mille morceaux pour en savoir plus sur ce que nous avons tous les deux dans le ventre.". Quand Saïd tire sur la corde des vieux jours, il lui faut vider son verre pour supporter ce qu'il dit. Et quand on lui demande à quoi peut ressembler le vieux soldat, il dit sans trop de surprise : "On dirait que je suis une copie de ce bonhomme. Oui je suis mon père avec trente ans de moins, et des fois, j'ai peur de lui ressembler même dans le cœur." Au fond Saïd sait que les plis qu'il a pris durant ces vingt dernières années sont irréversibles. Il le sait même s'il ne se le dit qu'à demi-mot. Et à quoi pourrait servir cette longue accointance avec la vérité de soi ? Le fils du soldat sait que son père aura toujours de l'ascendant sur lui. C'est inévitable "parce que la guerre ou ce qu'il appelle la guerre lui donne cette impression d'avoir touché du doigt le fin mot de l'histoire. Moi, je dis foutaises. Je le dis à vous, entre nous, mais il faut le lui dire à lui. Mais j'ai comme la nette impression que le jour où cela sera fait, il y aura l'un de nous deux qui va manquer à l'appel".
Il ne faut surtout pas dire à Saïd que la boisson n'est pas la solution. Là, il est capable de changer de visage et de fulminer comme un dragon sans ailes. "La vérité n'est pas dans le vin que je bois. Ceci je ne le sais que trop. Et je n'ai pas besoin de quelqu'un d' autre pour venir me souffler ce que je dois et ne dois pas. Le vin est fait pour me servir de locomotive vers un état de non-lieu.
Oui, c'est peut-être compliqué ce que j'avance, mais cet état d'esprit où l'âme et le corps fusionnent est mon salut. L'alcool m'ouvre cette brèche sur l'infini de mes sentiments. Et je dois dire que si j'avais la possibilité de décrire tout ce qui traverse mon être quand je touche à la vacuité de la vie, je pourrais aider tant de mes semblables à faire la paix avec des douleurs inguérissables. Mais je dois aussi affirmer, et là c'est l'expérience qui parle, que la souffrance est le suc de la vie. Sans elle, nous ne pouvons savoir qui nous sommes ni tester notre endurance. Alors pourquoi je noie mon chagrin dans le creux de ce verre ? Bonne question. Je n'ai pas une seule réponse valable à servir à qui que ce soit. Alors je me tais et je me laisse me griser jusqu'à perdre pied ".
Ne plus savoir s'il faut continuer ou s'arrêter, si tout ceci a un sens ou cette mascarade n'est qu'une absurdité de plus. Saïd boit, et dans le verre il voit son père avec son uniforme gesticuler en attendant une armée fantôme pour lui faire la peau. L'armée n'est jamais venue et le désert des tartares du soldat s'est mû en chemin de croix pour le fils.


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