On leur a imputé le déclenchement du printemps arabe, certains sont même allés jusqu'à nommer le soulèvement populaire en Tunisie «La révolution Facebook», d'autres y ont vu un espace de rencontres et d'échanges, à l'instar des salons de thé de l'ère de la révolution française. C'est que l'usage des réseaux sociaux a, de très loin, dépassé les ambitions de leurs créateurs. Devant ce succès, nombre de chercheurs ont tenté de décrypter les tendances qui se cachent au travers des algorithmes des Facebook, Twitter, MySpace, Hi5, LinkedIn... Socialisation embryonnaire Au Maroc, c'est l'équipe du Centre d'étude sociologique, économique et managérial (CESEM), menée par Driss Ksikes, qui s'y est attelée. En septembre 2011, le centre de recherches d'HEM avait lancé un sondage en ligne afin de décrypter les profils des utilisateurs marocains. Sur un total de 456 internautes qui ont répondu au questionnaire du centre, le CESEM est parvenu à étalonner un échantillon représentatif de la population marocaine en âge et en géo-localisation. Les résultats de cette étude, démontrent ainsi que 75% des utilisateurs interrogés ont plus d'une fois fait appel aux médias sociaux pour dénoncer un fait. Pour 65% des répondants, c'est un moyen de se reposer mentalement, alors que 33% déclarent y avoir déjà eu recours pour draguer. Bien que ces nouveaux médias, soient de plus en plus habituels, il apparait que la socialisation virtuelle est encore à un stade embryonnaire. En effet, bien que 63% des usagers interrogés aient un compte Twitter, seulement 20% l'utilisent régulièrement et seuls 17% du panel comptent plus de 50 suiveurs sur Twitter. Sur Facebook, 76,7% des répondants ont moins de 500 amis. Qui se cache vraiment derrière ces profils ? À l'issue de cette enquête, le CESEM a retenu quatre groupes d'utilisateurs qu'il nommera –un peu à l'image des héros de BD- les affectifs, les communicateurs, les mobilisateurs et les observateurs. Quels utilisateurs êtes-vous ? Vous êtes affectifs. Vous discutez avec des inconnus, faites de nouvelles rencontres, draguez pour oublier les soucis du quotidien, cherchez du soutien moral... Autant de raisons qui motivent 25,87% des répondants à utiliser les différents réseaux. Généralement, les affectifs sont étudiants (55,9%), ont entre 15 et 24 ans (59,3%), sont de sexe masculin (68,6%), font rarement partie de la diaspora marocaine et sont de loin les moins engagés dans la vie réelle. Cependant, 31,4% d'entre eux affirment être actifs dans le milieu associatif, 6% sont engagés dans un organisme politique. Leur intérêt pour les médias communautaires reflète leur mode de consommation des médias «classiques». Les affectifs lisent peu les journaux nationaux, mais sont surtout adeptes des chaînes de télévision internationales (45%). Vous êtes observateurs. Indifférents à ce qui se passe dans l'univers virtuel, vous vous distinguez par votre faible «motivation à recourir aux médias sociaux et votre comportement est plutôt passif, une fois que vous êtes connectés», précise le rapport du CESEM. Dans la vie réelle, les observateurs sont plutôt de jeunes citadins des grandes villes, majoritairement âgés de 15 à 24 ans (57,7%), masculins ( à 52,6%) et féminins ( à 47,4%), cette catégorie d'utilisateurs est constituée majoritairement d'étudiants et de cadres. Par rapport aux affectifs, les observateurs «sont encore plus désengagés dans la vie sociale, ce qui se reflète sur leur attitude en ligne». D'où leur faible présence sur les réseaux, car en dehors de Facebook, qui reste «le» portail de référence, les observateurs n'ont pas de réseau de prédilection précis. Vous êtes communicateurs. En voilà qui savent choisir leurs réseaux. Présents sur la Toile pour du réseautage professionnel, ils se tiennent informés, encouragent leurs connaissances voire même militent pour des causes réelles. Vous êtes jeunes, ( 83%), âgés de moins de 34 ans, majoritairement issus de la diaspora (55,6%) et vous êtes pour 63,1% des femmes. Bien que «faiblement concernées par l'engagement politique et/ou partisan» (seulement 7,9% se disent membre actif dans une organisation politique), cette majorité de femmes sont, par contre, très actives dans les structures associatives (51,8%), ce qui explique en partie leur implication sur le Net. D'ailleurs, 71% des femmes interrogées lors de cette étude se disent «convaincues par l'efficacité communicationnelle des médias sociaux et s'y investissent pour parvenir à des objectifs personnels, telle que leur carrière, ou collectifs». Vous êtes mobilisateurs. Comme ce nom l'indique, votre motivation est de mobiliser et de vous exprimer à travers le Web. Contrairement aux idées reçues, vous êtes plus âgés que les autres catégories d'utilisateurs ne le sont. 37,4% des mobilisateurs ont plus de 35 ans et sont professionnellement stables. Pour 51% il s'agit, en effet, de cadres supérieurs, qui sont de ce fait «les mieux rémunérés des quatre catégories». Seuls 28% d'entre eux perçoivent un revenu égal ou inférieur à 6.000 DH. En plus du fait qu'ils soient «de loin les plus engagés dans les affaires de la cité», 32% le sont dans une organisation politique et 67% dans l'associatif. Les mobilisateurs recensés prouvent donc que le cyber-militantisme (leur principale occupation) est le prolongement de leur engagement citoyen dans la vie réelle.