Dans un environnement des affaires de plus en plus complexe, marqué par l'ouverture de notre économie et générant sans cesse des incertitudes sur la croissance et parfois même la pérennité des entreprises, aujourd'hui encore, la majorité des administrateurs marocains s'intéressent uniquement à la rentabilité, abstraction faite des risques y afférents. Ce sont là les propos tenus par Ali Alami Idrissi, associé fondateur du cabinet Optima Finance Consulting, lors d'une conférence sur le risk management, organisée mercredi dernier à Casablanca par l'Ecole de management ESCA . Ainsi, 90% des administrateurs ignorent encore l'importance stratégique de la gestion du risque. Pire encore, «Quand on demande aux administrateurs quel niveau de risque ils sont prêts à accepter pour atteindre un niveau de rentabilité entre 10 et 12%, la réponse est systématique : s'il s'agit d'une rentabilité de 12% ne nous parlez pas des risques», souligne l'expert. Pourtant, l'intégration de la composante risque dans le système de management est essentielle. Celle-ci permet aux entreprises, confrontées aussi bien aux risques métiers qu'aux risques financiers, d'éviter des pertes considérables. La gestion du risque permet aux managers «d'économiser plus de 60%» des charges produites en l'absence de prévention des risques. En son absence, les pertes peuvent même conduire à la faillite en ces temps de crise. En effet, «quand le prix d'une matière première passe de 50 à 180 dollars pour ensuite se rétablir à 120 dollars en l'espace d'une année, cela représente des pertes qui peuvent coûter quasiment la vie à une entreprise», précise Ali Alami Idrissi. D'ailleurs, la mauvaise gestion ou la gestion approximative des risques notamment financiers a déjà coûté cher à un bon nombre de grandes entreprises marocaines. La perte enregistrée en 2010 par la RAM en est la preuve. La compagnie arienne nationale avait, en effet, affiché un résultat net déficitaire de 930 MDH, dû en grande partie à la mauvaise gestion liée aux achats de kérosène. «Même cas de figure pour Managem et la Samir», souligne l'expert, sans ajouter plus de précisons. Pour une bonne gouvernance L'ONEE ex-ONE ne déroge pas à la règle et a été victime d'importants écarts dans la gestion du risque matières premières. «Face à la montée des incertitudes en lien avec la recrudescence de la volatilité des cours énergétiques, L'électricien national avait encaissé des pertes sèches relatives à des opération d'achat de charbon et de petcoke pour la station de Jorf Lasfar», explique Ali Alami Idrissi. C'est dire également que la gestion des risques n'est pas le souci des seuls établissements financiers, mais des industriels aussi. Outre le risque financier, un autre risque plane sur l'activité économique au Maroc. «Il s'agit du risque d'engagement», avise Mohamed Barnia, expert consultant certifié en Risk Assurances de l'Institut des auditeurs internes d'Orlando aux Etats-Unis. En l'absence d'engagement, les administrateurs restent moins sensibles aux risques dans l'exercice de leur métier. Cela pose aussi la question de la gouvernance. Une bonne gouvernance implique ainsi que les administrateurs aient une stratégie de gestion du risque. Une gestion efficace des risques implique à son tour que les objectifs généraux soient clairement formulés. «On peut alors voir la gestion du risque comme un élément fondamental de la gouvernance, qui permet d'atteindre les objectifs de celle-ci, en maintenant un niveau de risque acceptable», explique l'expert. Dans un contexte où les administrateurs sont de plus en plus tenus d'exercer leur pouvoir avec compétence et diligence, au mieux des intérêts de la société, la gestion des risques prendra de plus en plus d'importance, d'autant plus que l'environnement est en train de se complexifier. Selon Ali Alami Idrissi, «les marchés financiers et les produits qui y sont commercialisés sont de plus de plus complexes. Le développement de nouveaux secteur d'activité (e-commerce) ajoute son lot de complexité». Les entreprises sont pour leur part plus ambitieuses. «Qui dit ambition, dit prise de risque». Le meilleur exemple dans ce sens est la crise actuelle, qui est survenue malgré toutes les réglementations qui sont mises en place. Tout un processus La gestion de risque ne signifie pas obligatoirement un transfert du risque. En effet, «C'est tout un processus en quatre étapes», souligne Ali Alami Idrissi. La première partie qui concerne l'identification des risques, vise à repérer les problèmes potentiels, avant qu'ils ne se transforment en problèmes réels. Cette première étape va conduire à la réalisation d'une cartographie des risques, qui doit être la plus exhaustive possible. Cette cartographie donnera lieu à la hiérarchisation des risques après leur quantification. La hiérarchisation va permettre à l'entreprise de se focaliser sur les risques les plus importants. La mise en place de la stratégie de gestion, de couverture et de transfert de risques constitue ensuite la troisième étape. La dernière phase, elle, est une phase de reporting et de suivi. Cette étape vise à recueillir l'information pertinente permettant de mettre à jour les fiches de risque. L'objectif ultime de l'information résultant de la phase de suivi est de pouvoir prendre une décision à l'égard de chaque risque faisant l'objet d'un suivi.