Lech Kaczynski, tellement plus grand mort que vivant ! Jamais la Pologne qui a vu passer tant de conquérants naura accueilli autant de chefs dEtat quaux funérailles de celui qui se voulait un Polonais ordinaire. Il sétait hissé à la tête de lEtat comme malgré lui, (« Je mentirai en disant que je ne regrette pas dêtre devenu Président ») mais cest au Wawel, la cathédrale de Cracovie où reposent les Rois de Pologne et le maréchal Pilsudski, le Père de lindépendance quil est inhumé, avec son épouse qui aura voyagé à ses côtés jusquau bout. Les drapeaux sont en berne de la Baltique à la Mer Noire. Cela fait oublier que depuis laccouchement pénible du traité de Lisbonne, les Européens navaient pas de mots assez cinglants pour dénoncer lobstination avec laquelle Lech Kaczynski défendait les intérêts de son pays, forcément décrits à Bruxelles comme des « intérêts égoïstes ». On critiquait son chauvinisme ? On loue à présent son patriotisme. Les mêmes qui dénonçaient hier létroitesse desprit dun négociateur répugnant aux compromis célèbrent aujourdhui «lhomme aux fortes convictions». Il mesurait moins dun mètre soixante et dans son dos, on le traitait volontiers de «nain hargneux» mais désormais, on pleure la disparition dun géant Le grand cinéaste Andrzej Wajda, qui a signé un chef-duvre avec son film «Katyn» a décrit Lech Kaczynski comme «un homme modeste et bon». Cest déjà beaucoup. Lessentiel est ailleurs : les circonstances de sa disparition. Sa mort ressemble à un signe du destin. Elle dépasse lentendement des Européens qui ont oublié le tragique de lhistoire et tirent fierté de nêtre plus dupes de rien. Quelle énigme troublante que létat-major polonais disparaisse dans la forêt de Katyn, à lendroit même où furent assassinés de sang froid 22000 officiers qui représentaient lélite dun pays que Staline avait annexé et dont il voulait enterrer à jamais tout espoir quil renaisse. Quel symbole que la Pologne soit décapitée le jour même où pour la première fois, les chefs dEtat russe et polonais se retrouvaient sur les lieux du crime pour sceller leur réconciliation. Et ces coïncidences troublent dautant plus lEurope sans racines que Lech Kaczynski est mort à la veille de la fête de Stanislas, saint patron de ce pays fervent. Encore mieux : selon le calendrier liturgique catholique, il est mort alors quon célébrait la Sainte Miséricorde, exactement comme son héros et compatriote Jean-Paul II (en 2005) qui avait institué cette fête annuelle. Il y a ainsi une mystérieuse unité dans la vie et la mort de Lech Kaczynski qui na cessé de lutter pour empêcher son pays de disparaitre. Il laura servi jusque dans la tombe. En rapprochant soudain les Polonais et leurs voisins Russes, ce qui porte la promesse de retrouvailles entre lest et louest du continent. En rappelant à ses alliés Européens que les nations ont une âme et une histoire singulière qui font leur grandeur. Cest comme si la Pologne qui été si souvent colonisée, dépecée, effacée de la carte témoignait une fois encore de son génie propre.