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MAGAZINE : Abdou Cherif, une voix n'est pas coutume
Publié dans L'opinion le 17 - 03 - 2024

Le chanteur aux cordes vocales gracieuses s'en est allé prématurèrent le 8 mars à 52 ans, à quelques heures d'un spectacle qu'il devait donner à Casablanca. Il aimait la vie, ceux qui l'entouraient et ceux qui venaient vers lui. Un garçon d'une simplicité déroutante, un être à l'humanité touchante.
Ce garçon est la sculpture inespérée d'un corps truffé de cœurs, une âme jonchée d'un trop-plein d'aimance. Là où on touche, cela renvoie à de bonnes ondes, belles telles les aventures qu'il entreprend. Un amoureux de l'amour que la mort vient d'enlacer. Un artiste que le monde arabe nous envie avec affection malgré l'absence de productions personnelles.
Pourtant, ses reprises, ses interprétations époustouflantes de grands classiques allant du Machrek aux sublimes scies marocaines en passant par d'émouvantes appropriations du répertoire de Charles Aznavour, le mettent définitivement aux cimes du génie vocal. Abdou Cherif trouble l'ouïe. Il se balade avec une rare dextérité entre les merveilles de Abdelhalim Hafed, les rythmes linéaires aux textes imagés du malhoun, les sensationnelles réinterprétations du chgouri... avec de l'émotion, encore de l'émotion, toujours de l'émotion.
Son attachement à la chanson qui a du sens ne se dément jamais. Interpréter avec intelligence est son crédo. Il est capable de faire couler des larmes à une assistance -souvent féminine- dès qu'il s'aventure dans des ritournelles risquées mais chargées de finesses toujours étonnantes. Et ce sont ces risques qui le maintiennent très haut, tutoyant la perfection.

Une attitude aérienne

Abdou Cherif frappe finement là où cela fait du bien. Avec un sourire chevillé au corps, il séduit avant de passer le relais à de solides cordes vocales. Grâce au trac qui l'illumine, il foule la scène, la jauge, la cogne avant de faire corps avec elle. Le professionnel se déchiquette ainsi l'âme pour gratifier un public -nombreux- de graduels moments d'extase.
Sa voix est, sans conteste, l'une des plus belles que l'ici-bas connaît. Il n'a pas la part du gâteau qu'il mérite ? Répondre à cette malheureuse question par l'affirmative, c'est ignorer ce qui a toujours fait courir Abdou Cherif : son militantisme pour la beauté de l'art et pour son respect. L'attitude aérienne qu'il suggère à l'écoute de la médiocrité ambiante, installée depuis plusieurs années au Maroc et pas seulement, le rend plus charismatique, fait de lui cet oiseau volant sans discontinuer vers le paradis.
C'est que cet artiste à la rage omniprésente n'entend pas se laisser abattre par des propositions qui lui mettraient la tête sous l'eau. Tomber dans la soif du gain au détriment de ses profondes convictions, l'aurait atterré il y a bien longtemps. Il choisit, en revanche, la complexité d'une vie artistique où l'épanouissement de ses aspirations est pris en otage par la torture que subit l'oreille de tout mélomane biberonné à la finesse d'une composition et à la grandeur d'une interprétation. Il a raison de nous dire qu'il ne se reconnait pas dans ce nouveau monde « artistique », celui qu'il exècre avec gourmandise et qu'il cultive à pas fermes.
Un crooner arabe
Abdou Cherif commence tôt son apprentissage. Dans sa carrière, il se frotte à de fins maîtres de la chanson arabe. Ce parcours est jalonné de belles rencontres. Ceux qu'il côtoie sont de purs gardiens d'un temple où la grande musique est reine. Et puis vient le contact déterminant avec feu Mahmoud Saâdi, membre fondateur de Nass El Ghiwane et de Jil Jilala.
Celui-ci le prend sous son aile et lui inculque les bases d'une entreprise de carrière. Il devient son manager jusqu'à son ultime voyage. Abdou le pleure de tout et de partout, se laisse taire, ne se fait plus entendre pendant longtemps. Mais Cherif est également ce jeune et beau marocain qui fait craquer artistes et public égyptiens en interprétant « Jabbar » de Abdelhalim Hafed d'une voix de maître.
Le rossignol marocain remplace ainsi celui des pharaons comme le souligne la critique du pays de Néfertiti au lendemain de sa prestation à l'Opéra du Caire. Abdou Cherif, un crooner que le monde célèbre, que le Maroc idôlatre. Son ami et auteur-compositeur-interprète Karim Tadlaoui, caresse sa mémoire en s'adressant à Abdou qu'il rencontre il y a 37 années : « Tu m'as dit un jour, alors qu'on roulait sur l'autoroute vers Rabat, que dans l'ADN de la musique classique mondiale, il y avait ce qui s'appelle ''l'interprétation''.
Cela signifie que chaque chef d'orchestre peut exécuter les plus emblématiques pièces des grands compositeurs à sa manière. Je t'ai répondu que nous avions, au Maroc, la même approche par rapport à la musique andalouse. Tu m'as signifié que tu avais le droit absolu de reprendre les chansons éternelles de Abdel Halim Hafeb, à ta manière. Cet échange entre nous a lieu il y a plusieurs années mon frère. Aujourd'hui, je me le remémore comme je me remémore notre première rencontre au Café Niagara à Casablanca. Tu chantais en tapotant sur la table. Je t'ai dit que je chantais également, que je jouais du luth et que c'était ma dernière année au conservatoire municipal. Nous sommes partis ensuite chez moi. Ma mère nous a préparé du thé et on a scellé un pacte artistique entre nous. Voilà que tu me quittes, me laissant seul face à ce fardeau. Mais c'est la volonté de Dieu. » Il y a quelques années, Tadlaoui propose à Cherif la chanson « Ard Al Baraka ».
S'adressant toujours à son ami, le compositeur poursuit : « Tu voulais savoir qui avait écrit les paroles. Lorsque je t'ai dit que c'était Mohamed El Batouli, tu m'as tout de suite répondu : ''c'est donc du sérieux''. Et quand je t'ai fait écouter la composition, tu étais emballé et tu m'as donné ton accord. Nous sommes partis en France pour effectuer l'enregistrement avant de recevoir une décoration royale. En quittant la cérémonie, tu m'as dit que la chanson jouissait d'une Baraka. » Abdou Cherif, une générosité sans faille et une humilité propre aux plus grands.

Anis HAJJAM


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