L'option de l'indépendance du Sahara défendue par l'Algérie est une "erreur stratégique" et les sahraouis "s'épanouiront mieux dans le cadre du Maroc que dans un tout petit pays" sous l'influence de l'Algérie, a soutenu M. Béchir Ben Yahmed, le directeur de l'hebdomadaire "Jeune Afrique" paraissant à Paris. Le fondateur de ce magazine de référence pour l'actualité du Maghreb et de l'Afrique assure qu'il a jugé, dès 1976, que la position de l'Algérie sur ce dossier était une "erreur stratégique, pour elle, pour le Sahara et pour la région". Dans une longue interview parue dans l'hebdomadaire, à l'occasion des 50 ans de "Jeune Afrique", ce fin connaisseur des dessous des grandes questions de la région affirme qu'il a soutenu dès le début, et soutient toujours, le point de vue marocain parce qu'il "me paraissait juste, dans le meilleur intérêt des Sahraouis eux-mêmes". Et d'argumenter : "Les Sahraouis (...) s'épanouiront mieux dans le cadre du Maroc que dans un tout petit pays privé de richesses, assisté et sous l'influence de l'Algérie ou de pays tiers". "Et je sais que la moitié des Sahraouis se sentent marocains. La plupart des gens qui ont créé le Polisario étaient des Marocains" de l'opposition, ajoute Béchir Ben Yahmed . "En fait, c'était une opposition intérieure, et leurs griefs, même fondés, étaient conjoncturels". Pour l'auteur des célèbres éditoriaux intitulés "Ce que je crois", l'Afrique "n'a pas intérêt à avoir un micro-État de plus, elle a besoin d'intégration et non de partition". "Allant à l'encontre de nos intérêts et de l'opinion dominante de nos lecteurs, j'ai défendu +et j'ai obligé Jeune Afrique à en faire de même+ le point de vue marocain, qui me paraissait juste, dans le meilleur intérêt des Sahraouis eux-mêmes. Et je le crois encore aujourd'hui", assure M. Ben Yahmed. A la question de savoir si sa position découlait d'une inclination personnelle en faveur du Maroc au détriment de l'Algérie il répond: "Pas du tout, au contraire. J'ai eu plus d'affinités avec la politique algérienne et avec des algériens" qu'avec le Maroc de feu le souverain Hassan II. "Nous n'avons donc pas soutenu l'Algérie, qui nous a interdits. Le président Boumédiène a cru qu'il allait avoir la peau de Jeune Afrique et a fait ce qu'il a pu pour nous tuer". De fait, cette position aura valu à Jeune Afrique d'être banni en Algérie où la publication écoulait le tiers de sa diffusion globale. L'interdiction aura duré de 1976 à 1992, a-t-il précisé.