Tout en restant critique à l'égard du Maroc, le parti espagnol VOX s'est fermement opposé à une exposition organisée dans l'enceinte du Parlement de Cantabrie en faveur du Front Polisario. Le parti d'extrême droite dénonce une opération de réhabilitation d'un mouvement qu'il qualifie de « groupe terroriste », responsable selon lui de la mort de près de 300 Espagnols entre 1973 et 1986. Une position inattendue qui relance le débat sur le passé violent du Polisario, longtemps occulté dans les discours publics espagnols. À Santander, la tenue de l'exposition intitulée « Frente Polisario : la lucha de un pueblo » dans les locaux du Parlement régional a suscité un tollé. Le groupe parlementaire VOX, connu pour sa ligne nationaliste dure et traditionnellement hostile au Maroc, a dénoncé « une tentative de blanchiment inacceptable d'une organisation armée responsable d'actes de terrorisme contre l'Espagne ». Le ton employé est sans appel : le Front Polisario est qualifié par le parti de « groupe ennemi déclaré de l'Espagne, par sa violence extrême et son terrorisme ». Ce positionnement, inattendu de la part d'un parti qui ne cache pas son hostilité envers le Maroc, met en lumière une fracture mémorielle longtemps enfouie : celle des victimes espagnoles du terrorisme sahraoui, en particulier dans les années 1970 et 1980, période marquée par une guérilla soutenue par Alger contre les intérêts économiques et militaires espagnols dans l'ex-Sahara. Entre 1973 et 1986, 289 Espagnols auraient été tués par des actions revendiquées ou attribuées au Front Polisario, selon les chiffres rappelés par VOX. Un bilan qui en ferait, après l'ETA, le second groupe terroriste le plus meurtrier pour l'Espagne. Les attaques, souvent passées sous silence dans les récits officiels, incluent mitraillages de navires civils, enlèvements, attentats à la bombe, disparitions et actes de torture visant des militaires, des pêcheurs ou des employés civils, notamment ceux de l'entreprise publique Fosbucraá. VOX accuse l'exposition d'« insulter la mémoire des victimes » en osant, dans l'une de ses cartouches explicatives, affirmer que « le Front Polisario a défendu les eaux territoriales sahraouies contre les accords illégaux entre le Maroc et les pêcheurs espagnols ». Un passage que le parti qualifie d'« affront intolérable », dénonçant un révisionnisme historique doublé d'un négationnisme du terrorisme. ACAVITE, une mémoire refoulée remise au premier plan Derrière ce retour brutal du passé, une ONG peu connue du grand public espagnol : l'Asociación Canaria de Víctimas del Terrorismo (ACAVITE). Fondée par la fille d'un technicien espagnol assassiné par le Polisario, l'association documente depuis deux décennies des dizaines de cas de victimes civiles espagnoles, principalement issues des îles Canaries. Lire aussi : Le Mirage Polisario s'effondre : Un demi-siècle d'imposture dévoilé Selon ses archives, près de 300 personnes – marins, ouvriers, coopérants, fonctionnaires – auraient été tuées ou portées disparues à la suite d'attaques du Front Polisario. Certains cas sont toujours classés sans suite. L'association évoque des crimes non prescrits relevant du droit international : actes de terrorisme, disparitions forcées, crimes contre l'humanité, voire tentatives de génocide. Cette mémoire longtemps marginalisée commence à s'imposer dans le débat politique. VOX en fait désormais un marqueur de son discours sécuritaire, exigeant des réparations pour les familles et un retrait immédiat de toute reconnaissance officielle accordée au Polisario dans les institutions publiques espagnoles. Une dénonciation qui fragilise le parrain algérien du Polisario La virulence du communiqué de VOX ne vise pas seulement le Front Polisario, mais interroge aussi indirectement le rôle de l'Algérie, accusée depuis longtemps d'entretenir un mouvement devenu, selon ses détracteurs, un instrument d'ingérence dans les affaires du Maroc et de la région. À travers la relecture de ce passé violent, c'est aussi la responsabilité des réseaux diplomatiques et intellectuels pro-Polisario en Espagne qui se retrouve en question. Pour VOX, toute tentative de légitimation actuelle du mouvement sahraoui revient à « normaliser le terrorisme ». Un discours qui fait écho à la décision du gouvernement de Felipe González, en 1986, de rompre les relations avec le Polisario après l'assassinat d'un marin espagnol par des combattants sahraouis. L'ironie du moment tient au fait que ce réquisitoire contre le Polisario émane d'un parti notoirement anti-marocain. VOX n'a eu de cesse de critiquer la politique migratoire de Rabat, l'influence économique du Royaume en Espagne, ou encore les positions du gouvernement de Pedro Sánchez sur le Sahara. Pourtant, en dénonçant les exactions passées du Front Polisario, VOX s'aligne — sans le dire — sur une réalité que Rabat martèle depuis des décennies : le caractère violent et subversif d'un mouvement qui s'est construit dans la logique armée et non dans le dialogue.