Les demandeurs de visas F, M et J à destination des Etats-Unis doivent désormais rendre publics leurs comptes sur les réseaux sociaux. Derrière cette exigence, justifiée officiellement par des impératifs de sécurité, se dessine une architecture de contrôle algorithmique, aux implications profondes notamment la mobilité académique internationale. Le Département d'Etat des Etats-Unis a annoncé, le 18 juin 2025, un renforcement significatif du dispositif de contrôle appliqué aux ressortissants étrangers sollicitant un visa étudiant ou d'échange. En vertu de ces nouvelles directives, les candidats aux visas non-immigrants F (étudiants), M (formation non universitaire) et J (échanges culturels ou académiques) devront désormais rendre publics l'ensemble de leurs profils sur les réseaux sociaux — une mesure qui fait franchir un nouveau seuil à la diplomatie sécuritaire américaine. « Un visa américain est un privilège, non un droit », rappelle la note officielle diffusée par le Bureau du porte-parole du Département d'Etat. C'est au nom de cette distinction que Washington justifie l'instauration d'un filtrage numérique intensifié. L'objectif revendiqué : s'assurer que les personnes demandant l'admission sur le territoire américain ne présentent aucun risque pour la sécurité nationale ni pour les intérêts stratégiques du pays. Concrètement, chaque demandeur devra désormais configurer les paramètres de confidentialité de ses comptes Facebook, Instagram, X (anciennement Twitter), TikTok et autres plateformes numériques sur « public », afin que les agents consulaires puissent examiner librement les contenus partagés, les interactions, voire les orientations personnelles ou politiques du candidat. Cette exigence s'ajoute à la procédure déjà complexe du « screening » biométrique, des entretiens consulaires et de la vérification documentaire. Lire aussi: Trois ans de e-Visa marocain : un bilan numérique à la hauteur des ambitions touristiques du Royaume Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la délivrance de visas est de plus en plus intégrée aux mécanismes de prévention du terrorisme et aux outils de lutte contre l'immigration irrégulière. Avec l'administration Trump, puis sous l'administration Biden, cette doctrine sécuritaire s'est consolidée à travers l'usage de technologies intrusives, de bases de données transversales, et de partenariats inter-agences avec le Département de la Sécurité intérieure (DHS) ou le FBI. La décision de juin 2025 s'inscrit dans cette continuité, renforcée par les préoccupations actuelles liées à la désinformation numérique, aux cybermenaces et à la montée des radicalismes. Un dilemme pour les jeunes talents internationaux Cette évolution place les futurs étudiants et chercheurs étrangers face à un choix cornélien : accéder à une formation de prestige aux Etats-Unis au prix d'un renoncement à leur sphère privée, ou préserver leur intégrité numérique au risque d'essuyer un refus de visa. Pour le gouvernement américain, il ne s'agit nullement d'une censure préventive mais d'une exigence « de transparence minimale dans l'intérêt de la sécurité nationale ». Reste que, dans les faits, les conséquences d'un simple message critique ou d'une opinion exprimée sur un conflit international pourraient désormais suffire à invalider une candidature. L'initiative américaine n'est pas isolée. Plusieurs Etats européens renforcent également leurs dispositifs de criblage des visas, notamment pour les profils à haut risque ou les zones géopolitiquement sensibles. Mais l'exigence de rendre publics ses comptes sociaux franchit une ligne rouge que peu de démocraties occidentales avaient osé établir jusqu'ici. Les universités américaines, traditionnellement perçues comme des espaces de liberté intellectuelle, risquent d'être perçues, à tort ou à raison, comme des lieux soumis à une sélection politique implicite. Le contrôle des flux ne s'exerce plus à la frontière, mais dans les flux de données. Ce n'est plus la nationalité, mais l'opinion exprimée en ligne qui devient un critère d'entrée.