La rancune que voue Habiba à son beau-fils pousse ce dernier à lui interdire l'accès de son domicile. Il finira même par poignarder sa femme et tenter de se suicider. Verdict : Dix ans de prison. Chambre criminelle près la cour d'appel de Casablanca. La salle n° 8 est archicomble. Youssef, vingt-deux ans, cordonnier de son état, est debout au box des accusés. Il risque la réclusion à perpétuité. «Il le mérite», chuchote sa belle-mère, Habiba, à sa fille, Malika, qui est assise près d'elle. Malika se contente de la dévisager curieusement, sans dire un mot. Elle souffre encore des blessures que lui a occasionnées son mari et pourtant elle l'aime encore. Elle est convaincue que c'est sa mère qui lui a détruit son foyer. Elle jette un regard sur sa petite fille, Hasna, assise sur ses genoux, puis l'embrasse. Des larmes coulent de ses yeux. «Vous êtes accusé, selon les dispositions des articles 114 et 392 du Code pénal de tentative d'homicide volontaire, qu'avez-vous à dire ?», demande le président de la cour à l'accusé. Youssef garde le mutisme pendant quelques secondes avant de déclarer : «…C'est ma belle-mère qui a verrouillé la porte, j'étais resté, moi, ma femme et notre petite fille, à l'intérieur durant cinq jours…Elle ne voulait plus de nous…Elle voulait nous chasser…Je ne sais pas pourquoi, Monsieur le président…». Le président lui demande de dire la vérité et rien que la vérité. «…C'est la vérité, Monsieur le président…», répond Youssef. Le président reprend : «…Il y a dans le dossier d'autres données qui n'ont rien à voir avec ce que tu racontes…On lit que lorsque ta belle-mère a été relâchée après avoir purgé une peine de quatre mois de prison ferme pour débauche, vous lui avez interdit d'accéder à son domicile et vous lui avez fermé la porte…Vous lui avez demandé de ne plus revenir chez elle et menacé de tuer sa fille et de vous suicider si elle avisait la police…Et quand elle a informé la police, vous avez ligoté votre femme et l'avez poignardée avant de tenter de vous suicider…». Youssef baisse la tête, puis regarde autour de lui. Le président lui demande de répondre. Youssef écarquille les yeux comme s'il venait de découvrir une nouveauté. «…Oui, elle est la cause de tout ce qui nous arrive maintenant…Je vivais en entente parfaite avec ma femme…Mais ma belle-mère saisissait la moindre occasion pour détruire notre foyer et elle y est arrivée…Elle me déteste…». Youssef se tait, attend la décision du président. Le président s'adresse au premier témoin. Bouchaïb prête serment. «Nous avons entendu des cris et appris que Youssef avait un problème avec sa femme et sa belle-mère…Je ne sais pas lequel…», dit-il au président. Le deuxième témoin arrive à la barre, explique: «…Youssef est un très sympathique, il a une bonne réputation…J'ai vu Habiba, sa belle-mère qui tentait vainement d'ouvrir la porte…Il est respectable et respecte tout le monde…Je ne sais pas ce qu'il avait avec sa belle-mère…». Le troisième témoin n'a rien dit. Il s'est avéré qu'il n'avait pas assisté à la scène. Le représentant du ministère public se lève, prend la parole : «…Il s'agit d'un conflit familial…Un mari qui vit avec sa femme et leur fille de deux ans sous le toit de sa belle-mère…Ils étaient toujours en conflit au point qu'il n'a pas voulu inscrire sa petite au livret de l'état civil…Il a décidé de ne plus laisser sa belle-mère entrer chez elle au point qu'il l'a menacée de la tuer elle, sa fille et de se suicider par la suite…». Le représentant du ministère public a requis la peine maximale contre Youssef, à savoir le réclusion à perpétuité. Car l'article 114 du Code pénal stipule que «toute tentative de crime qui a été manifestée par un commencement d'exécution ou par des actes non équivoques tendant directement à la commettre, si elle n'a été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est assimilée au crime consommé et réprimée comme tel». Et l'article 392 stipule que «quiconque donne intentionnellement la mort à autrui est coupable de meurtre et puni de la réclusion perpétuelle…». L'avocat de Youssef, qui écoutait attentivement le réquisitoire, se lève, s'avance de quelques pas vers le box des accusés et s'approche de son client. Il commence sa plaidoirie. «L'essence du problème est né dès le premier jour de la grossesse de Malika…Elle est tombée enceinte après avoir eu une relation extra-conjugale avec Youssef…Une relation qui n'a jamais plu à la mère et qui a fini par un mariage après la grossesse…C'est à ce moment que la mère a commencé à nourrir une rancune envers Youssef et tentait à chaque fois de se venger…Et le voilà devant le box des accusés en train d'attendre votre sentence M. le président…C'est la rancune de la belle-mère qui a détruit ce foyer bien que le couple s'aime…», souligne l'avocat de la défense. «…L'histoire se fonde sur la vengeance, ni plus ni moins, et ses victimes ne sont autres que Youssef, sa femme et leur fillette… », reprend l'avocat qui a réclamé l'acquittement au bénéfice du doute. À ce moment, l'épouse de Youssef quitte sa place, se dirige vers le président et lui délivre un désistement au profit de son mari. Mais la cour était ferme, bien qu'elle lui ait accordé les circonstances atténuantes. Youssef a été condamné à 10 ans de prison.