Le gendarme de la Bourse s'attelle à lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Hassan Boulaknadel nous éclaire sur les nouvelles mesures prises par le CDVM. ALM : Vous venez d'imposer de nouvelles mesures pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La Bourse est-elle désormais la nouvelle cible des réseaux terroristes pour blanchir leurs fonds? Hassan Boulaknadel : Il faut rappeler que le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux est institué par la loi. La circulaire du CDVM, comme les décisions prises par l'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF), est édictée pour préciser quelques règles pratiques devant être observées par les intervenants de marché dans l'exercice de leur activité, en vue d'accroître leur vigilance. À ce titre, la circulaire n'impose pas de nouvelles mesures, mais elle précise juste quelques modes de veille et de vigilance. Ceci dit, il ne faut pas en tirer des conclusions hâtives, plaçant la Bourse de Casablanca au centre de suspicions injustifiées. Tout le dispositif législatif et réglementaire, dont la circulaire du CDVM, reflète un souci de prévention et de dissuasion. Bien évidemment, ce dispositif, comme toute norme de protection de l'ordre public, comprend des sanctions applicables en cas d'infractions ou de manquements. Ces sanctions sont édictées aussi bien dans une logiqu e de dissuasion que de répression. La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont un chantier prioritaire du ministère de l'Intérieur. Quel type de collaboration y-a t-il entre le CDVM et le ministère de l'Intérieur en ce qui concerne ce sujet? Comme tout autorité publique, les interactions du CDVM avec les autorités en charge de la protection de l'ordre public sont définies par la législation en vigueur. En matière de blanchiment de capitaux, le CDVM est représenté au sein de l'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF), qui comprend également les représentants d'autres autorités publiques, dont le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice. Dans ces nouvelles mesures, vous exigez des fiches signalétiques détaillées sur les clients. Pensez-vous que c'est suffisant pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ? Tout d'abord, les obligations de veille et de vigilance pesant sur les intervenants de marché ne sont pas nouvelles. Elles sont édictées par d'autres circulaires adoptées, il y a bien longtemps, par le CDVM. La nouvelle circulaire est venue les renforcer et les mettre à jour, pour les rendre plus conformes avec la loi récente sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ensuite, il faut bien préciser que la lutte contre le blanchiment de capitaux est un faisceau de petites actions complémentaires, intégrées et pertinentes conçues de manière à multiplier les critères et les indices d'alertes et à réduire au maximum les zones d'ombre pouvant être exploitées par les «blanchisseurs». Il ne faut pas prendre la fiche signalétique isolément, mais reconstituer tout le puzzle de diligences requises par le dispositif législatif et réglementaire en vigueur pour pouvoir donner un jugement pertinent et réfléchi sur son efficacité. Les sociétés de Bourse, les teneurs de comptes titres et les sociétés de gestion doivent désormais respecter ces mesures. Quelles sont les sanctions prévues contre les sociétés qui ne se plient pas aux nouvelles règles? Comme toutes les dispositions édictées par les circulaires du CDVM, elles sont sanctionnées par des mesures disciplinaires et pécuniaires prévues par le dahir portant loi instituant le CDVM. Bien évidemment, lorsque les manquements sont de nature pénale, des sanctions pénales sont prévues à cet effet par le Code pénal. Comment comptez-vous contrôler ces sociétés et savoir si elles prennent en compte les nouvelles mesures ou pas? Le contrôle des intervenants de marché est inscrit dans le texte institutif du CDVM et ce dernier l'a exercé depuis sa création dans les conditions requises par la loi. Le contrôle, sur place ou sur pièces, n'est pas l'apanage de la lutte contre le blanchiment. Il est exercé systématiquement par le CDVM, selon les procédures bien rodées pour veiller au respect de l'ensemble de la législation et de la réglementation applicables aux marchés des capitaux. Les rapports annuels publiés par le CDVM en rendent régulièrement compte. Vigilance et veille interne Le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) a élaboré une circulaire relative au devoir de vigilance et de veille interne dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La date d'entrée en vigueur de la circulaire a été fixée au 1er janvier 2011. Sont concernés les sociétés de Bourse, les teneurs de comptes titres et les sociétés de gestion. Aussi, parmi les principaux objectifs de cette circulaire, c'est d'abord de contribuer à protéger le marché financier national contre le phénomène du blanchiment de capitaux. Cette contribution s'articule autour de la mise en place de règles pour tous les intervenants afin de prémunir le marché financier national contre les méfaits du blanchiment de capitaux. Le second objectif est d'accroître le niveau de vigilance des intervenants de marché. En effet, en plus des règles prévues par plusieurs circulaires du CDVM notamment en matière de moyens à mettre en place, de formalisation de la relation avec la clientèle, de contrôle interne, la circulaire prévoit des niveaux de contrôle spécifiques et supplémentaires qui permettent un suivi rapproché des opérations effectuées par la clientèle et ce, dans l'objectif de rehausser le niveau de vigilance des intervenants de marché. Et enfin, le dernier objectif est de contribuer à la mise en place des standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. S'inspirant des normes et pratiques internationales notamment celles du Groupe d'Action Financière (GAFI), la circulaire vise à compléter le cadre réglementaire du marché financier national en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. avant son examen et son approbation par les membres du Conseil d'administration du Conseil. Identification du client - Dès l'entrée en relation avec les clients, les intervenants s'assurent de l'identité de leurs clients et constituent un dossier par client. - Le dossier client doit comporter des pièces attestant de son identité, de l'activité qu'il exerce, des pouvoirs des personnes qui agissent en son nom, le cas échéant, ainsi qu'une fiche signalétique. Les exigences minimales n'exemptent pas l'intervenant de toute diligence supplémentaire nécessaire ou utile à l'identification du client, eu égard notamment à la nature de son activité, sa nationalité, la nature des opérations qu'il réalise ou de l'identité de ses actionnaires, de ses membres ou des personnes qui agissent en son nom, le cas échéant. - Préalablement à l'entrée en relation avec leurs clients, les intervenants leur soumettent un questionnaire portant, notamment, sur l'identification de leur profil, leurs motivations, leur capacité financière et l'origine de leurs fonds. - Les intervenants s'assurent, également, le cas échéant, de l'identité du bénéficiaire effectif des opérations à exécuter. - Les intervenants s'abstiennent de réaliser des opérations pour le compte des clients pour lesquels l'ensemble des conditions relatives à leur identification n'a pas été rempli.