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Tamaghribit, entre identité et politique publique, expliquée par Pr. Saïd Bennis
Publié dans Barlamane le 18 - 11 - 2023

« Tamaghribit », ou marocanité, est un narratif, récit propre au Maroc, au même titre que celui de l'Egypte « mère du monde », la « citoyenneté » aux USA, l' « interculturalisme » au Canada. Tamaghribit. Ce narratif est intrinsèquement lié au sentiment duel d'appartenance, d'une part aux espaces ouverts que sont le monde en général, mais aussi l'Afrique, la région MENA, la Méditerranée et l'Atlantique, et d'autre part à des espaces plus intimes que sont le territoire et la culture du Royaume du Maroc. Le récit du Tamaghribit, est un ferment qui sert à renforcer et consolider le sentiment d'appartenance et de citoyenneté. Du fait qu'il repose sur l'ouverture, il s'adapte aux évolutions sociétales. La question qui se pose est la suivante : suit-il les évolutions de toutes les composantes de la société marocaine en les embrassant entièrement ou est-il encadré par un discours formel, officiel voire constitutionnel ? L'éclairage du Professeur en sciences sociales, Said Bennis, expert de la question.
Question : Est-ce réducteur de cantonner le concept Tamaghribit dans l'espace territorial marocain et non pas maghrébin ?
Réponse :Tamaghribit, c'est d'abord se définir en tant que Marocain appartenant à un territoire et un bassin de vie et d'histoire bien définis. Actuellement ce territoire s'étend de Tanger à Lagouira. Plus encore, Tamaghribit revisite un récit, raconte une histoire politique et civilisationnelle au-delà de l'identité territoriale que le concept renferme bien sûr, et sans forme de chauvinisme crispé ou d'identité tendue. A travers le vocable Tamaghribit, dont le radical est « maghrib » placé entre le pronom discontinu du féminin en amazigh (t ...t), je me réfère à une dimension identitaire, humaine, culturelle, territoriale et civilisationnelle qui entretient un bon nombre de traits partagés avec les voisins, notamment les pays du Grand Maghreb, l'Algérie, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye. Ces intersections et ces recoupements font que le concept du Tamaghribit n'est nullement réducteur, ou foncièrement territorialisé, il est avant tout ancré, enraciné dans un bassin humain et une épopée historique alliant Océan Atlantique, Méditerranée, Afrique du Nord et Moyen-Orient.
C'est pourquoi, le récit du Tamaghribit ne peut nullement être cantonné à un territoire géographique mais il fait partie essentiellement du Grand Maghreb et de la région MENA. Son ancrage dans le territoire marocain est intimement lié à une dimension politique et civilisationnelle à savoir celle de l'ampleur de l'Etat du Maroc. Cette dimension, lui a été conférée par le Royaume du Maroc, vieux de 12 siècles mais aussi par les 33 siècles de civilisation et de culture amazighes.
Tamaghribit s'inscrit à la fois dans un continuum d'appartenance à l'identité marocaine qui permet aux Marocains de s'ouvrir sur le monde, et de s'identifier en tant que Marocains. Ainsi, au 17ème siècle l'empire marocain chérifien alaouite était reconnu au même titre que l'étaient l'empire ottoman, l'empire perse et l'empire mongol. Je souligne, dans ce contexte, que les autres territoires d'Afrique du Nord étaient alors sous souveraineté ottomane.
Q : Que nous raconte le terme « Tamaghribit ?
R : Il semble que le vocable Tamaghribit, en tant que mot employé dans la société marocaine est apparu dans les années 70. Déjà, sa composition lexicale, mixant l'arabe et l'amazighe, rappelle les deux composants de base de la personnalité marocaine, à savoir la diversité culturelle et la pluralité linguistique. C'est un terme qui raconte un vivier de contact humain, civilisationnel, inhérent au territoire du Maroc. Il est à la fois récit, concept, lien social et vivre ensemble. A partir de cette étendue polysémique, on peut postuler que la représentation du récit de Tamaghribit a été axée sur des valeurs de coexistence, de convivialité, de tolérance et du vivre en commun. Il est en fait le récit d'une transition du « Tous ensemble » à « Tous pareils » qui transcende les différences et les antagonismes et qui parsème la vie quotidienne des Marocains.
Q : Ce concept identitaire d'abord est-il politique aussi ?
R : Au départ le concept est identitaire, en ce sens qu'il se constitue en socle d'appartenance au Royaume du Maroc. Ensuite, d'autres usages se sont greffés dessus. Son sémantisme social, sa teneur symbolique attachés à l'humain, au culturel, au civilisationnel et au territorial ont glissé et ont été empreints d'autres charges et contenus renvoyant à des champs divers comme ceux de l'économique, de l'industriel (le Made in Morocco), du politique, de l'associatif … Le concept a été généralisé à d'autres champs mais garde toutefois sa facture identitaire rappelant l'appartenance au Royaume du Maroc et la marque marocaine.
Q :Tamaghribit est-elle aujourd'hui vécue différemment par rapport aux années 1970 ?
R : Avec l'ère digitale, nous avons évolué d'une société réelle à une société virtuelle, et dorénavant d'une société de communication à une société de connexion. Dans l'ouvrage
« Tamaghribit . Essai pour comprendre les certitudes locales » « تَمَغْرِبِيتْ …محاولة لفهم اليقينيات المحلية »
Je présume qu'on est passé de Tamaghribit « réelle » vers Tamaghribit « digitale » que je désigne par le concept de « Neotamaghribit ». C'est une forme de Tamaghribit co-construite au travers de la blogosphère et au sein des réseaux sociaux. Et ce, à travers le redéploiement d'un bon nombre de symboles comme le drapeau marocain, la photo du roi, la carte géographique du Maroc, les joueurs de l'équipe nationale, les emblèmes du Royaume du Maroc, les éléments marquant du patrimoine matériel et immatériel marocain, des productions locales, etc. Et suite à la pandémie du Covid-19 et de la prestation de l'équipe nationale de foot marocaine au Qatar, on a assisté à un retour inouï des certitudes locales et des sentiments d'appartenance, appuyé par le truchement du digital et l'émergence d'une nouvelle citoyenneté virtuelle, que j'appelle « Netoyenneté ». Les Marocains sont devenus plus « Netoyens » que citoyens. Avec ce passage au virtuel, Tamaghribit comme élément fédérateur, fondement et matrice de valeurs et d'appartenance au Maroc est vécue de manière médiatisée et digitalisée. Tamaghribit a acquis de nouvelles configurations d'ordre interactionnel et discursif qui viennent enrichir les actions, les comportements et les pratiques qu'il reflétait auparavant.
Q : Pouvez-vous développer cette phrase : « On est devenus plus Netoyens que citoyens »
Les chiffres de l'ANRT sur la connectivité des Marocains révèlent que leur connectivité dépasse la moyenne mondiale. En effet, le spectre de la connectivité s'est nettement élargi. Le taux de pénétration à Internet se situe à fin 2022 autour de 97,01% contre 82,90% à fin 2020 alors qu'il ne dépassait pas les 5,92% au dernier trimestre 2010. Ce taux de pénétration infère que les Marocains débattent, interagissent, négocient, se concertent, s'informent sur la chose publique, sur les questions qui se rapportent à leurs pays, sur la conjoncture nationale, sur les faits divers, sur le sport, sur l'art, sur tous les champs de la vie sociale à partir du pont du virtuel. Leur citoyenneté est vécue plus sur le net que dans la réalité. L'espace public est en passe de devenir un espace virtuel et partant, les citoyens de l'espace public se sont convertis en netoyens de l'espace virtuel. Il faut souligner également que cette transition est corroborée par une politique publique de numérisation de l'administration.
Q :Tamaghribit est-ce vécu différemment selon que l'on réside à l'intérieur ou à l'extérieur du Maroc ?
R : Le sentiment de Tamaghribit est vécu de la même manière par le Marocain de l'Intérieur et par le Marocain du Monde du fait de la révolution digitale. Les ponts sont établis, le vécu réel et territorial est abordé presque au même moment et les interactions sont instantanées de part et d'autres. Plus encore, je préconise que les Marocains du Monde vivent une certaine compensation positive à travers les réseaux sociaux. Leur Tamaghribit semble plus émotive et enthousiaste.
Q : Dans ce contexte, comment expliquer le « phénomnène » des Moorish sur les réseaux sociaux et particulièrement sur X (ex-Twitter) souvent contredits par leurs concitoyens dans leur façon de se réapproprier l'histoire du Maroc et leur aspiration à un retour aux frontières de l'empire chérifien ?
R : Les Moorish que j'évoque dans mon ouvrage, représentent un nouveau nationalisme un peu à la manière des retours des nationalismes en Europe. Il s'agit d'un retour mythique, fictif et symbolique à une histoire et à une carte politique et géographique qui s'étend de la Castille à Tombouctou, avec comme emblème le drapeau de l'empire Mérinide. C'est un retour à une histoire certes reconnue et véridique, mais ce retour peut être aussi considéré dans les temps présents comme l'expression d'un « chauvinisme exacerbé » ou d'un « nationalisme excessif » et « exclusif ».
Q : Est-ce dangereux ?
R : Il semble dangereux car un tel discours parait renfermer une rhétorique de verrouillage et de fermeture à l'autre, alors que la politique marocaine ainsi que le projet social adoptent les devises de l'ouverture, de la diversité et la stratégie des passerelles. Cependant, il est souhaitable de mentionner que les Moorish sont un groupe virtuel qui s'active sur les réseaux sociaux, ce qui a créé une nouvelle configuration sociale virtuelle basée sur un activisme identitaire digital. Leur impact sur la réalité marocaine demeure moindre et sans grande envergure. Il faut tout de même rappeler que sur le terrain et dans le débat public, ce qui relève de l'actualité et du pragmatisme se rapporte aux frontières réelles du Royaume du Maroc s'étalant de Tanger à Lagouira.
Actuellement, le projet sociétal et l'histoire politique du Royaume du Maroc répondent à des logiques de territoire dont celle du plan d'autonomie des provinces du Sud sous souveraineté de l'Etat marocain. C'est dans cet espace que Tamaghribit est aussi bien implantée par le digital que par le réel. Il en constitue le substrat, le plaidoyer et le leitmotiv de l'appartenance au territoire marocain.


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