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Flux migratoires orientés, sanctions économiques implicites : l'Algérie convertit sa rivalité avec le Maroc en levier contre Paris et Madrid, mais épargne Londres et Washington
La guerre larvée menée par l'Algérie contre le Maroc, façonnée par des coups de menton, des divergences idéologiques et des affrontements diplomatiques, ne se cantonne plus à l'espace régional. Elle gagne désormais les centres de décision européens où elle redessine les équilibres entre partenaires et rivaux. Selon le média espagnol The Objective, «le différend historique qui oppose Rabat et Alger a cessé d'être un bras de fer limité au Maghreb pour s'exercer désormais dans les principales capitales européennes, au cœur de la Méditerranée politique». Le journal relève que «Madrid et Paris sont devenus les scènes centrales d'une confrontation diplomatique, économique et médiatique dont la vigueur s'affirme dans les marges invisibles de la géopolitique méditerranéenne» et souligne que «l'Italie apparaît comme la grande bénéficiaire, tandis que l'Espagne perd de l'influence et que la France en supporte les représailles». Routes migratoires détournées et pression calculée sur l'Espagne Le tournant de la diplomatie espagnole remonte à 2022, lorsque le gouvernement de Pedro Sánchez a soutenu la proposition d'autonomie marocaine pour le Sahara, jugée par Madrid comme «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible» pour résoudre ce conflit. The Objective précise que «l'Algérie a réagi par une mise en sommeil progressive des relations diplomatiques et commerciales, doublée d'une hausse notable des flux migratoires irréguliers dirigés vers l'Espagne». Le quotidien rapporte que «les données révèlent un changement de schéma demeuré inaperçu du grand public». Sur les 23 549 migrants arrivés par mer sur les côtes espagnoles depuis le début de l'année 2025, 18 % provenaient d'Algérie (3 229 personnes), contre 11 % venus du Maroc (1 970). Le journal insiste sur le contraste géographique, rappelant que «les côtes algériennes se trouvent à plus de 300 kilomètres des rivages espagnols, quand le Maroc n'est séparé de Tarifa que par quatorze kilomètres». Le texte ajoute que «l'évolution n'est pas isolée : en 2023, les migrants algériens ne représentaient que 12 % du total, contre 25 % pour les Marocains ; en 2024, l'Algérie atteignait déjà 16 %, tandis que le Maroc tombait à 13 %». Selon la même source, «en deux ans et demi, les rôles se sont inversés dans la migration irrégulière de Méditerranée occidentale». The Objective précise encore que «les routes maritimes reliant l'Algérie aux Baléares, à Almería et à Murcie connaissent une intensité croissante tandis que le Maroc a accru ses contrôles tant sur ses plages que sur ses frontières terrestres». Le dernier rapport de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) avertit que «des personnes aux intentions potentiellement délictueuses pourraient s'infiltrer dans ces traversées, ce qui accentue l'idée d'un usage politique du flux migratoire par Alger». La même agence relève que «ces embarcations empruntent des itinéraires communs avec les filières de trafic de drogue». Répliques ciblées contre Paris et recomposition des alliances énergétiques Le média espagnol relève encore que «la politique étrangère algérienne applique une stratégie différenciée : pression migratoire sur l'Espagne et pression diplomatique sur la France». En 2024, le président Emmanuel Macron a infléchi la position traditionnelle de Paris sur le Sahara en se rapprochant de Rabat. Selon le quotidien, «Alger a riposté par l'expulsion de diplomates français, le retrait de visas, l'annulation d'accords bilatéraux et des déclarations publiques sur la rupture d'un entendement historique». Le point de crispation maximale est survenu «avec l'arrestation à Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, critique à la fois de l'islamisme et du régime, condamné à cinq années d'emprisonnement, déclenchant les protestations d'intellectuels et du gouvernement français». Le journal poursuit en notant que «Paris a rappelé son ambassadeur pour consultations et accusé Alger de détériorer unilatéralement les relations bilatérales». Le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot a jugé cette décision «injustifiée» et averti que «le dialogue ne peut être unilatéral». Selon la même source, «le président Macron a tenté de renouer avec Abdelmadjid Tebboune, mais les canaux diplomatiques demeurent bloqués, et le refroidissement s'est aggravé après le ralliement français au plan d'autonomie marocain, considéré par Alger comme une trahison à son appui historique au Front Polisario». Pendant ce temps, «l'Italie a occupé l'espace laissé vacant par l'Espagne comme interlocuteur privilégié de l'Algérie». Le 23 juillet, Giorgia Meloni a reçu Abdelmadjid Tebboune lors de la cinquième rencontre intergouvernementale Italie–Algérie, où «plus de quarante accords stratégiques ont été signés dans les domaines de l'énergie, de l'industrie et de la technologie». Le quotidien ajoute que «le soutien italien ne se limite pas au gaz naturel : Rome accompagne Alger dans des déclarations conjointes sur la Syrie, la Libye, Gaza et l'Ukraine, tandis que sur le Sahara occidental, les deux pays affirment leur attachement à une solution mutuellement acceptable dans le cadre des résolutions onusiennes, en contraste avec la ligne suivie par Madrid et Paris». Il est également relevé que «l'absence de pression migratoire sur l'Italie est notable : à peine six cents migrants algériens y sont arrivés en 2025, malgré la proximité de la Sardaigne, ce que les analystes attribuent à une relation pragmatique qu'Alger souhaite préserver». Enfin, l'article indique que «les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont eux aussi soutenu le plan marocain pour le Sahara, mais l'Algérie a veillé à maintenir des rapports stables avec ces puissances, concentrant ses représailles sur l'Espagne et la France, ses voisins européens immédiats». Ce double standard, commente The Objective, «suggère que l'hostilité ne vise pas seulement des positions politiques, mais exploite la vulnérabilité stratégique de ceux qui les adoptent». Le média note en final que «dans ce jeu instable, l'Espagne paie en migrants, la France en ambassadeurs, et l'Italie encaisse en gaz, l'Algérie déployant son influence avec une froide logique où les principes s'effacent devant les intérêts tandis que, une fois encore, la politique étrangère espagnole semble avancer à contretemps».