Une semaine après la publication des huit nouvelles mesures de libéralisation de change, Attijariwafa bank a réuni ses clients ce 18 juillet 2007 pour leur présenter les opportunités qu'elles offrent. Compagnies d'assurances, institutionnels, importateurs, exportateurs, ont tous répondu en masse. Les nouvelles mesures de libéralisation de change sont hautement stratégiques pour vous. Elles marquent le franchissement d'une étape importante vers la convertibilité totale du dirham», a annoncé d'emblée Mohamed Kettani, directeur du groupe Attijariwafa bank. Il faut dire également que ce workshop s'inscrit dans la foulée de l'annonce faite le 18 juillet 2007 par Fathallah Oualalou, ministre des Finances et de la Privatisation, sur un ensemble de nouvelles mesures inscrites dans le cadre du renforcement de la libéralisation financière. Mais pour autant, cela fait déjà plusieurs mois que la première banque privée marocaine anticipe sur ces nouvelles mesures, histoire de prendre les devants face à ses concurrents. «Déjà en termes de couverture des matières premières, nous détenons 90 % de parts de marché. Cela nous a permis par exemple de développer une expertise en interne. En ce qui concerne les nouvelles mesures de change, nos équipes se sont penchées dessus depuis quelques mois déjà», souligne Mohamed Kettani. Le passage à un régime de change flexible est attendu à l'horizon 2009-2010. Mais si le Maroc se dirige depuis 1990 vers un régime de change plus flexible (voir encadré), les autorités n'avancent jusque-là aucun calendrier officiel. À en croire Hicham Boularbah, directeur Corporate Trading d'Attijariwafa bank, «la démarche du Maroc peut être alignée sur les expériences, notamment du Chili ou encore de la Pologne. Par contre, les libéralisations précipitées au Brésil et en République Tchèque ont connu un échec retentissant», prévient-il. C'est à se demander si le Maroc est prêt pour ce 1er août 2007, date d'entrée en vigueur de ces nouvelles mesures. «Ces mesures d'assouplissement de la réglementation des changes arrivent au moment opportun. Elles sont absorbées par une situation économique saine, avec une inflation modérée et une position extérieure solide même si la situation budgétaire demeure fragile », considère Mohamed Kettani, directeur général d'Attijariwafa bank. Des mesures et des impacts... Autre élément renseignant sur le bon timing des nouvelles dispositions, les réserves de change sont confortables. Elles se sont élevées, à fin avril 2007, à 21,4 milliards de dollars, un niveau supérieur à la dette extérieure. Sans oublier que le taux de change du dirham n'est pas désaligné. «Un différentiel d'inflation favorable avec l'Union européenne a empêché une appréciation effective réelle malgré le niveau élevé de l'euro par rapport au dollar», selon un récent rapport des services du FMI. En avril dernier déjà, lors du séminaire régional de haut niveau sur le ciblage de l'inflation, Abdellatif Jouahari, gouverneur de Bank Al Maghrib, affirmait que comme pour de nombreux pays émergents, l'accélération de l'intégration commerciale et financière du Maroc dans l'économie mondiale avait des implications importantes pour la politique monétaire. «En particulier, le régime de change fixe actuel, qui introduit aujourd'hui un élément fort de discipline macroéconomique, devra évoluer. Dans un contexte d'ouverture accrue, l'expérience internationale indique en effet que les régimes de change fixe conventionnels se sont avérés fragiles», dit-il. Quoi qu'il en soit, le management d'Attijariwafa bank est conscient que ces nouvelles mesures ne sont pas sans impact sur les marchés financiers marocains (voir tableau). «Les nouvelles règles d'investissement à l'étranger changeront la physionomie des OPCVM et la structure des actifs des compagnies d'assurances», estime le directeur Corporate Trading d'Attijariwafa bank. Signalons que les OPCVM auront la possibilité d'investir dans des titres de créances et de capital (actions) cotés dans un marché réglementé. Ces mêmes organismes pourront également investir dans des OPCVM et des instruments financiers selon les conditions qui seront fixées par voie réglementaire. A cet égard, le CDVM n'a pas encore rendu sa copie. Les circulaires devant préciser l'application de la mesure touchant les OPCVM sont toujours attendues. A ce niveau, Attijariwafa bank se targue de son partenariat avec le Crédit Agricole Asset Mangement qui gère 500 milliards d'euros. Une tension sur le marché Le marché des changes est appelé également à devenir plus sophistiqué, notamment à travers des couvertures plus longues, répondant à des besoins plus complexes, qui devraient réduire la liquidité devises. Ce qui n'est pas sans susciter des tensions sur les taux. Les couvertures longues sont de nature à absorber la liquidité sur le dirham. D'ailleurs, cette tension sur le marché des taux devrait être également alimentée par la libéralisation des placements, à l'étranger, d'actifs des OPCVM et des assureurs. D'où la nécessité de développer un marché à terme sur les taux dirham. Outre les assureurs et les OPCVM, les mesures d'assouplissement portent également sur le relèvement de la part des recettes d'exportation pouvant être conservées dans les comptes en devises ou en dirhams convertibles de 20 à 50%, parallèlement à l'assouplissement des conditions d'utilisation de ces comptes, en plus de la libéralisation des crédits acheteurs pour les exportateurs. Le crédit accordé peut atteindre 85% de la valeur du bien ou des prestations de services fournies et le délai de remboursement peut s'étaler jusqu'à huit ans dans le cas des biens d'équipement. Elles concernent également l'assouplissement des conditions de règlement par anticipation des importations. Les opérateurs auront ainsi la possibilité de régler par anticipation jusqu'à 40% de la valeur des importations des biens et 20% de la valeur des importations des services. L'élargissement des instruments de couverture contre les risques de change, dans le sens notamment de l'augmentation de la duration pour la couverture du risque de change portée désormais à 5 ans, est également prévue par ces mesures.