Ils sont de plus en plus nombreux à se présenter aux entreprises en qualité de consultant. S'agit-il réellement d'un métier ou d'une formule destinée à prolonger la période d'activité ? Anciens cadres d'entreprise ou jeunes lauréats des écoles supérieures, ils s'affrontent dans un marché émergent. Un conflit de générations. Sommes-nous en présence d'une telle situation dans le marché du consulting? «Quand on se présente en tant que consultant, les entreprises s'attendent à avoir affaire à une personne ayant de l'expérience en entreprise», souligne Yassine Karim, consultant manager à la tête du cabinet Isocele Consulting. Ce dernier vient juste de lancer sa boîte. Témérité ou confiance en soi : la question se pose. Mais, il est clair que le marché du consulting au Maroc connaît une morphologie qui pousse à des conclusions nuancées. Tout d'abord, le marché n'est pas régulé par l'Etat : ni en termes de prix des prestations ni au niveau de la définition des critères de détermination de la profession. Ensuite, le secteur est empreint d'une classification dualiste. D'une part, d'anciens cadres et responsables au sein de grandes entreprises mettent à disposition leur expertise. D'autre part, le consulting devient un métier pour certains. Ce cas d'espèce concerne les lauréats d'écoles de commerce ou d'ingénierie qui montent leurs propres structures et offrent aux entreprises leurs prestations. « Ces derniers dénotent notamment par leur esprit entrepreneurial. Ils ont généralement fait leurs preuves aux seins de cabinets spécialisés », rajoute notre interlocuteur. Comment se défendent-ils, sachant que les budgets importants sont souvent l'apanage de cabinets de consulting de dimension critique ? Pour l'un des représentants de cette catégorie, la solution se présente comme une démarche professionnelle. «Il s'agit d'être en réseau. Comme de soumissionner avec un grand cabinet», indique Yassine Karim. Par ailleurs, le combat s'annonce d'autant plus difficile que ceux que l'on qualifie d'«anciens» se distinguent par leur rapport direct et privilégié avec les structures économiques de la place. Souvent, ils n'ont pas besoin de présenter leur curriculum vitae. Nombreux sont ceux qui ont décidé de faire du consulting leur métier dès l'époque des études supérieures mais reconnaissent, évidemment sous couvert d'anonymat, afin d'éviter de s'attirer les animosités de ceux qui sont bel et bien installés, que «les anciens ne laissent pas de champ de manœuvre aux jeunes ni de place. Et c'est un tort». L'explication ne manque pas d'acuité. En effet, «sur ce marché, il va falloir assurer la relève. Et il revient également aux entreprises de faire appel aux jeunes. La compétence n'est pas liée à l'âge ; elle est un corollaire à la motivation et au degré de compétence», ajoute la même source. À une époque pas très lointaine, la grande majorité des consultants opérant au Maroc étaient étrangers et essentiellement de nationalité française. Suite à un transfert de compétences à leurs collaborateurs nationaux, on a vu l'émergence de consultants marocains. Reconnaissons que le débat est toujours d'actualité aujourd'hui. Les grandes entreprises marocaines penchent vers l'expertise des ressortissants étrangers et les Français tiennent le haut du pavé. Les départements de l'Etat eux aussi adoptent cette approche. La majorité des contrats-programmes qu'élaborent le gouvernement et les représentants des secteurs économiques en témoignent. Qu'en pensent les consultants tentant de se faire un nom sur la place? «Une telle démarche paraît légitime lorsque les consultants étrangers maîtrisent des domaines de compétences dans lesquels nous n'avons pas la maturité suffisante». À noter également que le même phénomène se profile, depuis quatre à cinq ans, en ce qui concerne les coachs. Le facteur d'extranéité à lui seul semble déterminer la compétence de ces derniers. Amine Jamai, directeur général de Valoris Conseil Challenge Hebdo : ces dernières années, le terme « consultant » est de plus en plus galvaudé. Au Maroc, s'érige-t-il consultant qui le veut ? Existe-t-il une réglementation de la profession ? Amine Jamaï : le terme consultant est un terme général et large, qui englobe une multitude de métiers aux expertises très différentes les unes des autres : consultant en organisation, en logistique, en technologies de l'information, en stratégie…Quand un spécialiste dans une activité pointue se présente, il dit, pour faire court, qu'il est consultant. C'est probablement ce qui donne cette impression de métier aux contours difficiles à définir, et finit par laisser à penser que « beaucoup » de personnes travaillent dans le même domaine. Ce qui est faux. Notre pays, comme la plupart des pays émergeants, souffre d'un manque patent en nombre de consultants. Consultant n'est pas une profession à proprement dit. C'est plus un type de contrat de vente de savoir-faire, plus flexible que ne le serait un contrat à durée indéterminée. Le consultant définit avec son client, à travers les clauses d'une mission déterminée, ce qu'il est supposé apporter comme solutions à un problème donné. Une relation de gré à gré, basée sur un contrat commercial, qui ne peut être réglementée en dehors de la législation en la matière. C. H. : de nombreux anciens responsables au sein de grandes entreprises s'installent à leur compte en tant que consultants. Dominent-ils le marché notamment en termes de chiffre d'affaires ? A. J. : non, du moins pas encore… Ce sont les grandes multinationales du conseil qui aujourd'hui dominent le marché. Et c'est naturel, car il est logique de devoir payer le prix fort pour une expertise organisée, multidisciplinaire, ayant accès à des données de qualité et ayant déjà fait ses preuves dans de nombreux pays. Les entreprises de conseil locales sont souvent dans des niches de marché où elles sont réputées pour leur compétence et évidemment beaucoup moins coûteuses. Un jour viendra certainement où elles chercheront à avoir elles aussi une taille critique et un important éventail d'offres de compétences. Elles pourront ainsi de la sorte concurrencer les multinationales. Nous assisterons probablement dans les années à venir à plusieurs opérations de fusions entre des cabinets locaux. Il faut rappeler qu'à l'origine, les grands du conseil mondial ne sont le fruit que de successions de regroupements. C. H. : peut-on parler de «grands» et de «petits» consultants ? A. J. : encore une fois, il ne s'agit pas d'une profession, mais d'un type de service contractuel, et comme tous les métiers de services, c'est la réputation et l'image qui font la différence. Celles-ci sont construites à force de success stories, qui donnent du poids et de la consistance au consultant. Une question d'image. Un nouvel Einstein, dans le domaine de la physique quantique, aurait moins de crédit qu'un vieux chercheur assez moyen…du moins jusqu'à ce qu'il ne communique sur ses découvertes et que l'on reconnaisse ses résultats… C. H. : les derniers arrivés sur la place ont-ils réellement des chances de percer, sachant que la plupart d'entre eux travaillent comme sous-traitants pour les grands cabinets ? A. J. : c'est une fausse idée que celle de la sous-traitance. Les grands cabinets, encore plus que les autres, ne peuvent mettre en caution leur image. Et je doute qu'ils prennent le risque de sous-traiter du conseil. Encore une fois, il y a un marché qui souffre d'un manque de consultants. Même s'ils sont « bons », ils devront prendre le temps de construire leur propre image, à travers des missions, qui deviendront leurs références. C. H. : le système de rémunération des prestations repose-t-il sur une grille tarifaire ? Quel est le niveau moyen des honoraires ? A. J. : une offre de mission de conseil est variable selon la rareté des compétences nécessaires et l'image de l'entreprise de conseil. Le marché se charge ensuite du reste…