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Finance participative : La montagne accouchera-t-elle d'une souris ?
Publié dans Finances news le 05 - 06 - 2014

Omar Kettani, professeur et économiste, spécialiste de la finance islamique, fait un diagnostic sans concessions de la nouvelle loi bancaire en discussion au sein de la Commission des Finances, et livre une analyse critique du volet relatif à la finance islamique.
Finances News Hebdo : Comment jugez-vous ce texte de loi ? Répond-il, selon vous, aux attentes des opérateurs ?
Omar Kettani : Nous n'avons pas encore la version définitive du texte de loi. Il y a eu certes des améliorations par rapport au projet de départ qui était tellement maigre en matière de réglementation et de sécurisation des investisseurs bancaires, qu'il était de l'ordre de l'absurde même de le considérer comme un projet de loi. La dernière version du projet discutée dernièrement dans une journée d'études au sein du Parlement est certes améliorée, mais elle reste très en deçà des espérances. D'abord, parce qu'il y a des vides juridiques, notamment en ce qui concerne les relations avec la banque centrale, l'adaptation nécessaire au code des impôts, au code des assurances, au code de commerce, ainsi que les lois sur la concurrence, l'immatriculation foncière et le marché des capitaux On a l'impression que la banque dite participative est un bébé non légitime que la maman porteuse, en l'occurrence Bank Al-Maghrib, n'est ni en mesure de l'avorter, pour s'en débarrasser, ni en mesure de le reconnaitre à part entière, puisqu'il ne portera pas, entre autres, son nom de famille islamique. Or, on aurait espéré démarrer après 25 années de reports du projet et de tergiversions par un modèle avancé de cette institution, et non un modèle primaire.
F.N.H. : Faut-il s'attendre à un décollage des activités de finances participatives dès l'adoption du texte ? Cela aura-t-il un impact sur les investissements et le financement de l'économie ?
O. K. : Pour répondre correctement à cette question, il faut d'abord poser une question fondamentale : quel est le but réel de l'introduction des banques dites participatives au Maroc. Est-ce pour répondre à un besoin moral d'une large frange de la population et de la mettre en osmose avec ses principes religieux ? Dans ce cas, l'objectif principal est moral. Ou bien est-ce d'apporter un nouveau mode de financement que le système financier classique ne couvre pas généralement touchant particulièrement les PME, et le secteur du financement social où il y a un vide énorme ?
La réponse malheureusement est la première, et donc l'impact prévu sur l'économie marocaine sera relativement limité. En effet, le modèle des banques islamiques qui va apparaitre sera calqué sur le modèles standards des banques du Golfe qui sont des banques islamiques qui pratiquent, pour 80% de leurs activités, la Mourabaha, c'est-à-dire le crédit commercial, et qui touche donc essentiellement les consommateurs (de maisons et de voitures) que les producteurs. Donc, ce ne sont pas réellement des banques participatives qu'on aura, mais des banques commerciales.
En outre, les banques dites participatives seront très probablement des filiales des banques marocaines, qui elles-mêmes sont des banques commerciales. On ne peut pas espérer que des banques commerciales classiques produisent des banques d'investissement. Or, pour assurer le financement du développement économique, nous avons besoin aussi bien de banques commerciales que de banques d'investissement. Les banques d'investissement courent plus de risques, mais participent plus au financement de grands projets qui ont plus d'effet multiplicateur. Elles ont donc besoin d'un autre état d'esprit où l'Etat n'est pas neutre, mais participe au financement des banques dites participatives pour qu'elles soient réellement participatives (financement Moucharaka et Moudaraba). L'Etat déclare clairement par la voix de Bank Al-Maghrib, qu'il va être neutre. Ce n'est pas la voie suivie par un pays comme la Malaisie où la finance islamique, qui ne couvre actuellement que 25% de la finance du pays, est actuellement équivalente en valeur à la totalité de la finance marocaine. Pourquoi l'Etat regarde plus l'intérêt des banques que l'intérêt national ? Pourquoi le pouvoir de BAM échappe totalement aux orientations économiques et aux priorités des gouvernements du Maroc ? Pourquoi trois millions de jeunes chômeurs au Maroc ont nettement moins de poids que celui de quelques familles qui gouvernent la finance bancaire au Maroc ?
Il y aurait certainement un fort démarrage du recours au crédit Mourabaha au Maroc si les coûts du crédit sont semblables ou proches du crédit usuraire. Selon un expert bancaire, le coût du crédit bancaire islamique serait toujours plus cher de 1 point par rapport au crédit bancaire classique, ce qui resterait encore surprenant. Quant au financement de l'investissement, il pourrait être indirecte par le biais de la Mourabaha sur des équipements industriels, mais si des conditions contraignantes au niveau des sommes et des délais et des garanties sont introduites à l'image des crédits traditionnels de consommation, cela aura un impact limité sur le financement des entreprises marocaines.
F.N.H. : Le texte est en discussion à la commission des finances ? D'après vous, quels sont les points qui seront les plus discutés ? Faut-il s'attendre à des amendements importants ?
O. K. : Vu l'état d'esprit qui a en permanence guidé BAM, je ne pense pas qu'il y ait des amendements notables comme celui proposé d'intégrer la microfinance, même pour un pourcentage minime (5 % du total des crédit bancaires des banques dites participatives au Maroc) par exemple, comme c'est le cas dans la réglementation des banques islamiques dans certains pays arabes.
F.N.H. : Le fait de placer la finance participative dans le giron de la loi bancaire et non pas dans une loi à part entière ne traduit-il pas selon-vous une hésitation des autorités vis-à-vis de ces produits ? Quid du rôle du Conseil des Oulémas et de son articulation avec les autres autorités de régulation comme Bank Al-Maghrib?
O. K. : Lorsque le sondage d'opinion mené par l'IFAS a montré que plus de 80% de Marocains sont prédisposés à changer de banque s'il y a apparition des banques islamiques, les banques conventionnelles ont été prises de panique et elles ont définitivement opté pour des filiales islamiques, au risque de perdre leur clientèle. Or, le marché bancaire marocain est un petit marché. Si la majorité des banques marocaines crée des filiales islamiques pour préserver sa clientèle qui n'aurait pas à changer de banque, mais simplement à changer de guichet bancaire, dans ce cas, BAM serait amenée à restreindre les autorisations pour les banques du Golfe qui veulent s'installer au Maroc, autre manière de protéger l'avenir des banques classiques dans une période de mutation à l'échelle mondiale vers un système financier mixte.
En ce qui concerne le conseil des Oulémas, encore une fois BAM donne la preuve d'une méconnaissance totale de la finance islamique. En effet, la finance islamique est une spécialité très technique de la Charia appelée (Fiqh Al Mouamalat) et un Alem n'est pas forcément habilité à contrôler des contrats financiers s'il n'est pas spécialisé dans Fiqh Al Mouamalat. Donc, quel contrôle peut-on espérer d'un conseil dont la plupart des membres n'ont jamais écrit, ou publié des recherches dans ce domaine ? Etant non habilité, ce conseil risque d'être formel, d'autant plus que ce sont des personnes qui sont financièrement parlant sous la tutelle du ministère des Habous et donc n'ayant aucune autonomie intellectuelle. Un amendement proposé par l'association marocaine de l'économie islamique a été d'intégrer dans ce conseil des Oulémas indépendants et qui sont réellement des spécialistes du domaine. Là encore, c'est BAM qui doit trancher, étant elle-même sous la pression du lobby bancaire très puissant au Maroc.
F.N.H. : Le Maroc a vocation à devenir un hub pour la finance en Afrique. En quoi le développement de la finance islamique permettra-t-il d'accroitre l'attractivité du Maroc et son développement ?
O. K. : Je dois dire sans fausse modestie que je suis le premier au Maroc à relier la finance islamique au marché excédentaire des pays du Golfe et au marché prometteur et demandeur de l'Afrique. Je suis le premier à dire que le Maroc doit sortir de la vision restreinte d'une économie domestique et internationalement centrée d'une manière absurde et inintelligente au seul marché de l'Europe, en négligeant et le marché financier des pays du Golfe et le marché de l'investissement de l'Afrique. Je suis le premier depuis quelques années déjà à dire que la porte de sortie du Maroc, c'est une relecture de sa situation géostratégique qui est une situation de passage inévitable entre trois continents : l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient. Je suis le premier à dire au Maroc que la porte de sortie, ce sont les grands projets économiques et que les petits projets que nous voyons régulièrement réalisés par les différents gouvernements ne font que lutter contre la pauvreté, mais sont insuffisants pour le développement. Je suis le premier à avoir écrit que le Maroc a une opportunité historique, celle de la conjonction de deux facteurs favorables au Maroc, la crise mondiale de 2008 et le printemps arabe. Que l'atout majeur au Maroc actuellement et son meilleur fonds de commerce, c'est sa stabilité politique qui peut attirer beaucoup de capitaux qui peuvent faire de la place financière de Casablanca un pôle financier islamique international dans une région totalement vierge qu'est l'Afrique du Nord. Les banques islamiques ne sont qu'une infime partie de la finance islamique, et la finance islamique n'est qu'une infime partie de l'économie islamique ; le jour où une partie des responsables marocains le comprendra, le rythme de croissance au Maroc pourrait connaître un bond à la manière asiatique. La finance islamique est une opportunité historique maintenant, rien ne garantit qu'elle le sera dans 10 ou 15 ans. Or, les grandes idées, ce sont les idées qui traitent 15 ou 20 ans à l'avance les situations futures. L'une des caractéristiques d'une économie rentière, c'est qu'elle fait abstraction du temps, et donc des changements.


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