Au Maroc, la jeunesse se tourne de plus en plus vers la drogue. Ce phénomène, loin d'être le fruit du hasard, s'inscrit dans un contexte marqué par une série de défaillances structurelles et sociales. Le recul du rôle éducatif et encadrant de l'école, devenue pour beaucoup un simple lieu de passage, a laissé un vide que ni les partis politiques, ni les institutions locales n'ont su combler. L'absence d'espaces de dialogue, de repères idéologiques ou d'opportunités concrètes a fragilisé des générations entières. À cela s'ajoutent des facteurs économiques de plus en plus pesants : chômage endémique, précarité grandissante, pauvreté rurale comme urbaine. Dans ce climat d'incertitude, certains jeunes trouvent dans les substances psychoactives un exutoire, un refuge ou une échappatoire. Le dernier rapport de l'ONU sur la drogue et le crime vient mettre en chiffres cette réalité inquiétante, notamment chez les mineurs, de plus en plus exposés à des substances dures ou détournées. En effet, le rapport 2025 de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) met en évidence une stabilité relative de la consommation de drogues chez les adultes, mais alerte sur une évolution préoccupante chez les mineurs âgés de 0 à 17 ans. D'après les données analysées pour l'année 2023, certaines substances connaissent une progression notable chez les plus jeunes. La consommation de cannabis, bien que globalement inchangée à l'échelle nationale, enregistre une légère baisse chez les mineurs. En revanche, les groupes d'âge 18-24 ans et 25 ans et plus maintiennent des niveaux de consommation constants. Plus préoccupante est l'augmentation, certes modérée, de l'usage de cocaïne parmi les mineurs, signalant ainsi une possible expansion de cette drogue dure dans des tranches d'âge auparavant moins touchées. Chez les adultes, aucune variation significative n'a été relevée. Mais c'est du côté des médicaments détournés de leur usage thérapeutique que le constat devient le plus alarmant. Le rapport note une hausse de plus de 10 % de la consommation non médicale de produits pharmaceutiques chez les mineurs. Cette tendance reflète la banalisation de l'usage de sédatifs et d'analgésiques sans prescription, souvent favorisée par un accès facile à ces substances ou par la présence de troubles psychologiques non détectés, souligne le rapport. L'héroïne, pour sa part, reste globalement stable au niveau national, mais une augmentation préoccupante, estimée entre 5 % et 10 %, a été enregistrée chez les moins de 18 ans, exposant ainsi cette tranche d'âge au risque d'addiction sévère. Les données évoquées dans le rapport reviennent aussi sur les chiffres de 2021 concernant le tramadol, un antidouleur opioïde dont l'usage abusif ne cesse de croître. Au Maroc, près de 10 % des personnes traitées pour dépendance cette année-là avaient désigné le tramadol comme substance principale. Aussi, le rapport met en lumière une particularité rare sur le continent : la proportion de femmes concernées par cette addiction dépasse celle des hommes. En effet, 17 % des femmes suivies pour addiction consommaient du tramadol, contre 9 % des hommes. Ce déséquilibre place le Maroc parmi les rares pays africains où la consommation féminine surpasse celle des hommes pour cette molécule. Comparé à d'autres pays comme l'Égypte ou la Sierra Leone, où les taux d'usage dépassent 30 %, le Maroc reste cependant dans une zone moyenne. À l'échelle mondiale, l'ONUDC souligne une hausse des saisies de cocaïne dans les marchés dits classiques – Amérique, Europe, Océanie – avec 2.235 tonnes interceptées en 2023, représentant à elles seules 98 % du total mondial. Toutefois, l'évolution la plus significative se produit dans les marchés émergents, notamment en Afrique et en Asie, où les quantités saisies ont bondi de 85 % en un an. Cette dynamique reflète une extension des réseaux de trafic vers des zones naguère moins touchées, dont fait désormais partie le Maroc. Une augmentation des admissions pour consommation de cocaïne y a été constatée, tout comme dans plusieurs pays africains notamment l'Angola, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, le Libéria, le Sénégal et la Zambie. Pourtant, malgré ces signaux, l'Afrique et l'Europe ne concentrent que moins de 3 % des saisies mondiales, suggérant l'existence de circuits encore peu repérés par les autorités.