Le marché immobilier marocain traverse une zone de turbulences marquée par un net ralentissement des transactions et des ventes. Les derniers indicateurs publiés par Bank Al‐Maghrib et l'Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie via l'Indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) confirment un repli structurel qui inquiète les professionnels. Selon ces données, le nombre global de transactions a chuté de 30,3 % au premier trimestre 2025, entraînant un recul de 29,3 % des ventes de logements. D'un trimestre à l'autre, l'indice des prix reste quasi atone avec une hausse de 0,1 % pour le résidentiel, une baisse de 0,1 % pour les terrains urbains et une baisse de 0,3 % pour les biens à usage professionnel. Sur un an, les volumes de transactions reculent de 15,2 %, un tassement dû à la fois à la contraction du segment résidentiel, à celle des terrains constructibles et à celle des actifs professionnels. Derrière ces chiffres se profile une remise en question du programme gouvernemental d'aide directe à l'acquisition de logements, lancé début 2024. Les statistiques actualisées à juillet indiquent que seuls 55 000 dossiers ont été validés sur plus de 177 000 demandes déposées, révélant un décalage persistant entre l'offre et la demande sur le marché de l'habitat. Pour Anis Benjelloun, vice‐président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers, le constat est sans appel. « Le dernier rapport de l'IPAI met en lumière l'ampleur d'un cycle de ralentissement qui perdure depuis deux ans. Cette année, nous observons des baisses proches du tiers sur plusieurs segments. Les chiffres sont publics et incontestables, émanant de Bank Al‐Maghrib et des services de la Conservation foncière ». Dans une déclaration à Hespress, Benjelloun souligne aussi la chute des autorisations de construction et le repli du pipeline de projets. « Le nombre de logements en chantier ou livrés officiellement est en nette diminution. Ni les volumes de crédits immobiliers ni les ventes de ciment ne reflètent aujourd'hui la vraie dynamique du secteur ». Les professionnels évoquent également l'inflation des coûts de construction et des matériaux comme facteur aggravant. Les charges de main‐d'œuvre et les prix des intrants affichent une progression de près de 30 %, accentuée par la redirection d'une partie des travailleurs vers de grands chantiers d'infrastructures publiques, portés par la reprise du secteur agricole et les investissements étatiques. À ces difficultés conjoncturelles s'ajoutent des blocages administratifs. Amine Mernissi, expert en immobilier, explique que la délivrance des quitus fiscaux par les notaires via la plateforme Tawtik connaît des lenteurs liées à l'application de la loi 14‐25 modifiant la loi 47‐06 sur la fiscalité locale. Ces retards paralysent de nombreuses transactions. L'expert évoque également les incidents techniques et les failles de cybersécurité ayant perturbé certaines plateformes professionnelles, entraînant une perte de confiance ponctuelle chez les investisseurs et les acquéreurs potentiels. Malgré cette morosité, les analystes observent des signaux de résilience. Le retour massif des Marocains du monde cet été et un regain d'intérêt pour les logements à 300 000 dirhams, notamment à Fès qui concentre une forte demande, sont perçus comme des éléments porteurs. Toutefois, les contraintes foncières dans les grandes métropoles, où les prix du terrain demeurent prohibitifs, continuent de freiner l'offre. Amine Mernissi préconise ainsi d'accélérer la mise en œuvre de la loi sur les agences régionales d'urbanisme et d'habitat récemment adoptée, afin de fluidifier l'accès au foncier et de mieux coordonner les interventions des acteurs locaux. Ainsi, l'immobilier marocain est à un tournant stratégique. Si la demande latente existe, la conjonction de coûts élevés, de lenteurs administratives et d'un cadre réglementaire encore peu fluide empêche le marché de retrouver son élan. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si les ajustements attendus du dispositif d'aide au logement et les réformes institutionnelles suffiront à relancer la machine.