Du 8 au 13 août 2007, le centre Hassan II des conférences internationales a accueilli un congrès mondial sur la musique dans le monde de l'Islam. À coup sûr un rendez-vous qui fait date dans les annales de la musique mondiale et qui pose les jalons d'une réflexion plus exhaustive de ce vaste patrimoine humain. Il est temps d'engager une réflexion pour la mise en place d'un cadre de la recherche scientifique dans les musiques du monde de l'Islam», c'est ainsi que Mohamed Benaïssa, secrétaire général de l'Association du Forum d'Assilah, a posé une assise mobile pour d'abord définir les musiques dans le monde de l'Islam, car il ne s'agit pas là d'un type ou d'un genre musical défini, mais de variétés innombrables de musiques qui sont autant de manifestations des mondes de l'islam avec toute sa panoplie de différences culturelles, humaines et civilisationnelles. Et cet appel vient, quelque soixante-quinze ans après le Congrès de la musique arabe, qui a eu lieu au Caire en 1932, mettre en valeur les acquis d'un patrimoine musical riche et diversifié, et surtout relancer le débat sur l'avenir de toute cette variété musicale. Et Pierre Bois le coordinateur du Congrès a souligné que «La situation de ces traditions musicales a en effet considérablement changé après la seconde guerre mondiale, du fait des indépendances, de la guerre froide et de la politique des non-alignés, du développement des medias et de la mondialisation. De nouveaux enjeux apparaissent aujourd'hui avec les concepts de diversité culturelle, de sauvegarde des patrimoines culturels immatériels voire de développement durable. Selon les pays et leurs cultures, diverses réponses sont apportées qui méritent d'être confrontées.» Travail de recensement et influences C'est aussi le propos de Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des cultures du monde, l'un des grands connaisseurs de toute cette richesse musicale, qui a précisé que «les Musiques dans le monde de l'islam sont aujourd'hui dans une phase d'interinfluence. Elles ont un réel impact sur d'autres musiques du monde comme elles sont influencées par d'autres sonorités, d'autres courants, d'autres apports culturels. Et le congrès apporte des réponses concrètes sur cette diversité islamique avec des traditions et des pratiques aussi variées qu'innombrables». Autant de cultures islamiques pour autant de musiques et de genres musicaux, avec autant de langues et dialectes, autant d'influences et d'apports multiples, tout ce trésor n'a pas encore été recensé. Et la tâche n'est pas aisé, comme le souligne Chérif Khaznadar : «la création d'un centre de recherche et de recensement est une étape importante pour créer une base de documentation sinon exhaustive du moins diversifiée pour constituer une bibliothèque musicale du monde de l'islam. Il y a de nombreuses initiatives qui sont entreprises de par le monde, qui doivent converger vers un centre commun pour comprendre et faire le point sur les relations musicales qui se sont tissées et continuent de se nouer entre diverses régions du monde islamique», à savoir la circulation des formes musicales, des savoirs musicaux, les échanges, les influences, les appropriations. Et c'est à partir d'un tel travail que l'on peut aussi comprendre l'évolution de tous ces genres musicaux, entre tradition, innovation et création musicale, qui du fait devient un indice socioculturel qui nous renseigne sur «la construction des identités, l'effet des mutations sociales sur la pratique musicale et sur les répertoires, le rôle des femmes et des enfants, les rapports de la musique avec la religion et avec le pouvoir.», comme le précise Pierre Bois. Espace de musique et espoir Et Chérif Khaznadar d'insister sur le fait que malgré ce que l'on a souvent entonné sur les dangers qui guettaient les musiques de l'islam du fait de certaines interdictions et certains régimes politiques, cette musique, dans son ensemble : «se porte bien et suit son cours avec ce que cela comporte comme échanges issus des changements qui touchent ces mondes de l'islam. Immanquablement, la musique comme expression identitaire est constamment remodelée, mais on le voit bien, de nombreuses traditions, ont gardé jalousement leurs acquis, au-delà des temps. Il n'y a qu'à chercher du côté des musiques en Afrique comme les Hawsa au Nigeria pour se rendre compte que les musiques dans le monde de l'Islam ont défié toutes les menaces qui n'ont eu aucune incidence sur leurs cours». Mohamed Benaïssa a annoncé, lors de ce congrès, qu'un espace sera dédié aux Musiques dans le monde de l'Islam. Il s'agit d'un espace dans la Bibliothèque Bander Ibn Soultan, et qui sera l'assise d'un Salon réservé à ces musiques pour en réfléchir à la fois toute l'importance et aussi créer un rendez-vous permanent pour suivre de près l'évolution de toutes ces musiques. Une idée qui revêt toute son importance si l'on prend en compte qu'un tel rendez-vous permettra de créer une synergie dans la durée autour et par les musiques du monde de l'islam. Il s'agit bien là d'un patrimoine humain, à la fois à consonances identitaires et culturelles, mais aussi une marque de fabrique de la diversité de ce monde islamique constamment façonné. Finalement Assilah pourrait devenir une plate-forme pour ces musiques, à la fois centre de recherches, lieu de rencontres, salon d'exposition, scène de dialogue pour rendre un constat suivi de l'avenir des musiques dans le monde de l'islam.