Rabat. Le SG de l'ASEAN salue le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI    La ZLECAf, un moteur de compétitivité pour l'Afrique    Crédit Agricole du Maroc. valide son plan stratégique    Ouganda. Museveni brigue un autre mandat    CIO. Kristy Coventry présidente    Lacs de barrage : Une campagne contre les baignades mortelles    Politique monétaire : Le statu quo dans un contexte de forte croissance    IMIS : 10 leviers pour optimiser la gouvernance hydrique [INTEGRAL]    Tanger et Tarifa bientôt reliées par une liaison maritime électrique décarbonée    À San Salvador, Ould Errachid salue le soutien du PARLACEN à la souveraineté du Maroc sur son Sahara    Rétro-Verso : Quand Feu Hassan II mettait en garde contre le fanatisme...    «Marathon 25» : Huit F-16 des FAR et 5 "Rafale" français mènent un exercice tactique    Palestine : Sept soldats israéliens tués dans des combats à Khan Younès    Au CDH, hommage à feue Halima Ouarzazi, doyenne des femmes diplomates africaines    CDM. Clubs (groupe D) / J3 : Chelsea surclasse l'Espérance    CDM. Clubs (groupe D) / J3 : Flamengo accroché mais qualifié !    Coupe d'Excellence / Match de classement : Le Raja s'offre le bronze aux tirs au but    Service militaire : les critères d'établissement des listes des conscrits du prochain contingent au menu d'une réunion de la Commission centrale    Deroua : La décharge sauvage empoisonne le quotidien des habitants    Accidents de la circulation : 23 morts et 2.874 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Bulletin d'alerte : Vague de chaleur avec chergui de mercredi à lundi dans plusieurs provinces    Abderrahmane Sissako : "Le Maroc, un modèle en matière de politique cinématographique en Afrique"    Le patrimoine immatériel marocain traduit en mandarin grâce à un partenariat éditorial    « Merci Dix » : un court-métrage américain sublime l'héritage des grands taxis marocains    Maroc Telecom réussit sa première émission obligataire de 3 milliards de dirhams    COBCO: inauguration de la 1ère unité de fabrication de matériaux pour batteries lithium-ion    Mondial des Clubs 2025 : les nouvelles règles qui font débat    Real Madrid : Un prodige de 17 ans prêt à concurrencer Brahim Diaz    L'Olympique Lyonnais officiellement relégué en Ligue 2    Développement des PME : le Sénégal vient s'inspirer du modèle de la région Fès-Meknès    Présentation de « Nous étions une île », le nouveau roman de Noor Ikken    Attaque iranienne sur le Qatar: « aucune victime américaine n'a été signalée », selon le Pentagone    Le SG de l'ONU salue l'annonce d'un cessez-le-feu entre Israël et l'Iran    Coopération : Rome investit en Afrique dans l'espoir de limiter l'immigration    Maroc-France : La DGSN/DGST et la Police nationale française signent un Plan d'action conjoint    « L'Algérie pourrait sombrer dans une crise plus grave que prévu » (ancien MAE du Pérou)    Le SG de l'ASEAN exprime son soutien indéfectible à l'intégrité territoriale du Maroc    Mawazine 2025: Ragheb Alama ce soir sur la scène Nahda    FICAK 2025. Le Sénégal et la Mauritanie à l'honneur    Voies express : le ministère de l'équipement supervise la construction de 300 km et prévoit 900 km supplémentaires    Le Maroc structure son offre nationale en hydrogène vert autour de sept projets industriels dans les provinces du Sud    Des avions de chasse marocains et français mènent des manœuvres aériennes tactiques avancées    À Casablanca, l'arrondissement d'Aïn Sebaâ demeure enlisé dans une crise de gouvernance aggravée par des projets contestés    Au Festival Mawazine... Quand Nancy Ajram méprise le maillot de la sélection marocaine !    Cannabis: L'ANRAC et l'UM6P signent une convention pour le développement de la recherche    Hakimi brille au Mondial des Clubs et affiche ses ambitions : « Le PSG vise très haut »    Révélations 2025 – 36e édition MADE IN MOROCCO : L'EXCELLENCE DE LA CREATION MAROCAINE À L'HONNEUR    Les prévisions du mardi 24 juin    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Idéologie : discours et stratégie
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004

Si toute idéologie a tendance à tout expliquer à partir d'une idée simple, en s'affranchissant et de la complexité de la réalité et de la diversité des expériences humaines, l'Etat impérial américain a développé un double discours idéologique : interne et externe.
Le discours interne de la stratégie de la sécurité est fondé sur la peur d'un ennemi fictif dont le régime amplifie le danger, dans le but de mobiliser des masses “désolées” et dépolitisées pour défendre les valeurs de la liberté. L'important ici n'est pas la nature de l'ennemi, mais qu'il y ait un ennemi qui focaliserait le mal absolu et qui justifierait les budgets sécuritaires. Si le Juif avait joué ce rôle pour l'Allemagne, l'Etat américain lui, tout au long de la guerre froide, a amplifié le danger communiste pour créer une solidarité interne dans une société atomisée d'une part, et un système d'alliances à travers le monde contre le communisme d'autre part. L'Etat américain qui s'est servi de l'Islam pendant toute cette période pour contrecarrer l'influence soviétique et chinoise dans les pays arabes et musulmans, semble avoir changé d'ennemi après l'effondrement de l'Union Soviétique : l'Islam représenterait dorénavant la menace contre la civilisation occidentale. La thèse de Samuel Huntington sur “le choc des civilisations” ne fait que conforter une opinion publique américaine déjà convaincue de l'éminence de cette menace, surtout après les événements du 11 septem-bre. Le discours externe et fondé sur la glorification de la puissance de l'Etat américain qui représenterait la quintessence de la suprématie techno-scientifique et militaire, et l'exécuteur des lois de l'Histoire, de la Justice et de la Liberté. La glorification de cette puissance américaine est fondée sur un nouveau fait : la mondialisation des échanges économiques, réalité vieille de 500 ans qui s'est toujours déployée sous l'égide des pouvoirs étatiques des anciens empires rivaux, s'est métamorphosée avec le nouvel Etat impérial américain en un nouveau totalitarisme économique vers le début des années 1980 appelé globalisation. La globalisation apparaît comme un ambitieux projet de gouverner la planète par de puissants intérêts économiques transnationaux et supra étatiques (Jacques B. Gélinas, La Globalisation du monde). Si le train était le moyen de communication essentiel qui liait les anciens empires à leurs sujets à travers le monde au beau vieux temps de l'impérialisme à la fin du XIXè siècle, la cybernétique est devenue le moyen privilégié de communication entre l'Etat impérial américain et ses périphéries à travers le village global que nous sommes censés habiter ensemble, comme si nous étions tous devenus contemporains de la même modernité.
Cette nouvelle réalité a créé trois illusions:
Le monde ne peut plus rester multiple pour des peuples qui habitent le même village global et que tous les habitants de ce village global appartiennent déjà à l'ère de la “révolution technétronique”, et parlent la même langue américaine qui est devenue la langue de la post-modernité (tout le monde Speak White), comme si la post-modernité américaine avait intérêt à se globaliser en divulguant les secrets techniques de sa domination. Or, Zbigniew Brzezinski n'a inventé le concept de “révolution technétronique” que pour nous décrire justement l'écart technologique qui sépare la société américaine post-moderne de la modernité européenne, et que dire du reste du monde ?
Etant donné que le village global est devenu un fait accompli à l'ère de la globalisation, et ce au détriment de l'Etat-nation qui ne fait que décliner avec sa souveraineté devant le pouvoir souverain qui gouverne le monde, toute forme d'action en dehors de ce pouvoir mondial est devenue inconcevable. C'est ce à quoi nous invitent Michael Hardt et Antonio Negri dans leur ouvrage “Empire”. Ce n'est qu'un “appel d'empire” lancé aux peuples pour occulter la multitude de leurs noms propres et devenir citoyens de l'empire mondial unique comme destin de l'humanité. Ce nouvel empire se distingue des empires britannique et français qui l'ont précédé par une connaissance rudimentaire des peuples qu'il s'apprête à soumettre à travers la planète. Si les Britanniques et les Français ont pu faire perdurer leur pouvoir d'empire, c'était, entre autres, grâce à une anthropologie et un orientalisme qu'ils ont pu développer à leur contact avec le monde musulman, arabe, chinois, indien et africain. A défaut d'un orientalisme américain élaboré, l'empire américain se fie à l'orientalisme israélien dans sa lecture du monde arabe et musulman et à une ignorance quasi totale de l'histoire des peuples de la planète qu'ils essaient de dominer.
Le dialogue des cultures Epictète, l'esclave stoïcien solitaire, fut le premier philosophe à distinguer entre “désolation” et “solitude”. L'homme désolé se trouve entouré d'autres hommes avec lesquels il ne peut établir de dialogue ou de contact, ou à l'hostilité desquels il est exposé, le solitaire, au contraire, est seul et peut par conséquent “être ensemble avec lui-même”.
Les peuples vaincus à travers la planète sont dans ce sens en état de “désolation” sous l'emprise du nouveau pouvoir impérial américain qui a multiplié leurs divisions. La communication entre eux est médiatisée par le pouvoir mondial, alors que ce nouveau pouvoir mondial, comme tout pouvoir unique, est dans la solitude absolue, il n'a à proposer aux vaincus que la reddition ou la terreur de la guerre. A partir de la solitude de ce pouvoir unique, deux tentatives philosophiques de “dialogue de cultures” ont été élaborées pour remplacer la “guerre des civilisations”, la première aux Etats-Unis et l'autre en Allemagne.
1- Aux Etats-Unis c'est le philosophe politique John Rawls qui propose comme base de dialogue l'idée de la position originelle qui consiste à établir une procédure équitable (fair) de telle sorte que tous les principes sur lesquels un accord interviendrait soient justes. L'objectif est d'utiliser la notion de justice procédurale pure en tant que base de la théorie :
“Nous devons, d'une façon ou d'une autre, invalider les effets des contingences particulières qui opposent les hommes les uns aux autres et leur inspirent la tentation d'utiliser les circonstances sociales et naturelles à leur avantage personnel. C'est pourquoi je pose que les partenaires sont situés derrière un voile d'ignorance… Je pose ensuite que les partenaires ignorent certains types de faits particuliers. Tout d'abord, personne ne connaît sa place dans la société, sa position de classe ou son statut social, personne ne connaît non plus ce qui lui échoit dans la répartition des atouts naturels et des capacités, c'est-à-dire son intelligence et sa force, et ainsi de suite”.
(John Rawls, Théorie de la Justice, P. 168).
Cette théorie de la justice par consensus appliquée au dialogue des cultures en relations internationales (John Rawls, Droits des Gens) évacue le rapport de forces entre le pouvoir impérial américain et ses sujets périphériques, dialogue fictif qui invite les peuples à oublier leur nom propre de peuples vaincus et de résonner le nom commun universel de la suprématie absolue.
2- En Allemagne, c'est le philosophe Jürgen Habermas qui essaie d'élaborer une “Ethique de la discussion” (Jürgen Habermas, Ethique de la discussion) sur la base de la “dé-contextualisation” des partenaires comme condition sine qua non de tout dialogue possible entre des partenaires inégaux.
C'est une autre manière encore plus élégante d'éviter, encore une fois, l'inconvénient du nom propre des peuples et des cultures vaincus par le pouvoir impérial américain. Si l'Etat impérial américain n'a pas développé une connaissance élaborée des peuples de la planète, c'est parce qu'il a choisi de les soumettre et non de les libérer, selon la maxime de Machiavel : mieux vaut être craint que d'être aimé.
Espérons que la dernière guerre américaine contre l'Irak puisse donner aux intellectuels libres l'occasion de réfléchir profondément sur la nature du nouvel ordre international qui est en train de se mettre en place, et sur la nature du nouvel Etat impérial américain qui est en train de se constituer sur les ruines de la démocratie, et cela au nom de la démocratie et du progrès.
Parler français ou arabe au XXIè siècle, est une façon de résister contre le “Speak White” de l'empereur Bush et de son Sénèque israélite Paul Wolfowitz. C'est aussi une façon d'être seul au sens d'Epictète, c'est-à-dire “être ensemble avec nous-mêmes”, et de questionner ensuite le “Speak White” américain de la pensée unique qui a mis les peuples de la planète en état de “désolation”, état qui ne leur permet pas de communiquer directement entre eux en parlant chacun sa propre langue. Résister contre la force absolue de la technique militaire qui est le leitmotiv de l'empire américain qui émerge, c'est défendre des vieux principes du vivre ensemble, ces principes transgressés par tous les empires de l'histoire, car tous les empires se sont donné comme tâche d'annoncer la fin de l'histoire, alors que les peuples dans leur mouvement ne font qu'ouvrir la même histoire : celle de la liberté de recommencer.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.