Yahya Abd El Galil Mahmoud, ambassadeur du Soudan au Maroc Après la présentation de sa lettre d'accréditation au Souverain, l'ambassadeur du Soudan à Rabat nous livre cette interview exclusive dans laquelle il met l'accent sur la coopération bilatérale et la position ferme de son pays vis-à-vis du conflit au Sahara marocain. La Gazette Du Maroc : suite à sa réconciliation avec sa partie sud, le Soudan connaît une vague de contestations contre cette union. Ne pensez-vous pas que cette situation, conjuguée à celle de Darfour, met en péril cette union encore fragile ? Yahya Abd El Galil Mahmoud : L'accord de paix signé en Janvier 2005 entre le gouvernement soudanais et le mouvement populaire pour la libération du Soudan entame une nouvelle étape dans l'histoire contemporaine du Soudan en mettant un terme à un conflit armé qui a duré prés d'un demi-siècle entrecoupé de périodes limitées de cessez-le-feu. Cet accord fut fondé sur l'espoir d'établir un pouvoir démocratique garantissant les valeurs de justice, de démocratie et de bonne gouvernance ainsi que le respect des droits élémentaires et liberté des individus, l'entente mutuelle et le respect des diversités au sein de la société soudanaise; ce qui implique que la réalisation couronnée de cet accord va donner un exemple de bonne gouvernance au Soudan, base fondamentale pour préserver une paix permanente, la sécurité pour tous, la justice et l'égalité, rendant de ce fait cette union positive et attrayante pour les soudanais. Nous ne pensons pas qu'il y a des courants qui refusent et réfutent l'union nationale. Néanmoins, il y a une main étrangère au Soudan qui essaie d'exploiter des contestations sociales à des fins de déstabilisation afin d'internationaliser le dossier du Darfour après l'apaisement des tensions et l'instauration d'une paix globale au Soudan. Ces mouvements rebelles n'ont aucun impact sur le processus d'union nationale et ne représentent pas la volonté des citoyens de Darfour qui refusent la division et expriment leur attachement à cette union. Il y a une ferme volonté de la part du gouvernement pour réaliser un accord de paix avec les mouvements rebelles de Darfour. Ce même accord représente un choix stratégique et urgent aux yeux du gouvernement. Nous invitons la communauté internationale à soutenir nos efforts de paix, et lever l'embargo et les sanctions imposées au Soudan, afin que notre pays puisse s'épanouir et créer un développement global, de même qu'il faut cesser d'émettre des discours erronés et négatifs pouvant entraver le processus de paix. Quels sont les efforts entrepris par le gouvernement soudanais pour traduire en justice les personnes impliquées dans des actes de violation des droits de l'homme ? En date du 16 Juin de l'année courante, le gouvernement a créé le premier tribunal pénal chargé des crimes et violations des droits de l'homme au Darfour. Ce même tribunal, qui comprend des personnes hautement qualifiées, a pu traiter des affaires concernant des crimes de guerre au Darfour. D'ailleurs, un procès daté du 16/11/2005 s'est soldé par l'exécution de deux soldats appartenant à l'armée soudanaise pour homicide volontaire perpétré au Darfour, et ce en présence d'observateurs détachés par les Nations Unis. Les relations bilatérales Maroco-soudanaises, sur le plan économique, sont loin de répondre aux ambitions des deux pays. Comment évaluez-vous cette situation ? Les relations bilatérales maroco-soudanaises sont empreintes d'un héritage spirituel, culturel et social profondément ancré dans l'histoire. De même, nos deux pays sont unis par leurs adhésions à plusieurs organismes régionaux. Nul besoin de rappeler les liens d'amitié de coopération qui réunissent nos dirigeants en politique et entraide régionale. Cette amitié traverse l'espace temporel sans incidents depuis des décennies grâce à Dieu. Certes, les relations économiques sont très faibles. Aussi faut-il redynamiser les acteurs chargés d'organiser les rencontres interministérielles et autres protocoles et programmes de coopération pour arriver à renforcer nos liens directs surtout que nombre de marchandises soudanaises sont introduites au Maroc via un tiers. Il faut également aider le secteur privé à s'épanouir au regard de son importance et surmonter les obstacles gênant le développement des échanges commerciaux à travers la création de lignes aériennes et maritimes. Il existe notamment 20 accords et protocoles de coopération en cours de développement. D'ailleurs, une commission mixte chargée d'élaborer une stratégie de coopération à même de répondre aux attentes de nos deux peuples, se réunira au courant de l'année 2006. Le Maroc soutient l'intégrité territoriale du Soudan. De quelle manière Khartoum peut-elle, à son tour, aider à trouver une solution au conflit du Sahara Marocain? J'aimerai rappeler que le Soudan a massivement et concrètement participé à la glorieuse marche verte en 1975. Le Soudan a donc depuis toujours une position ferme et inaltérable à ce sujet. Cette position se résume à l'affirmation de l'unité et intégrité territoriale du Royaume du Maroc. Le Soudan soutient la souveraineté du Royaume sur la totalité de ses terres. Il n'a jamais et n'a nullement l'intention de reconnaître la légitimité de cette entité dénommée Polisario. Notre position est en harmonie avec les résolutions de l'ONU qui n'a jusqu'à ce jour point reconnu le Sahara Occidental en tant qu'entité indépendante. Par ailleurs, notre pays soutient toute résolution garantissant l'union, la souveraineté et la sécurité du Maroc. Quelle est votre vision pour les relations futures entre nos deux pays ? A la lumière des liens historiques et civilisationnels unissant les citoyens des deux pays frères et la volonté politique des deux dirigeants de promouvoir les relations bilatérales, la prochaine décennie verra se développer, si Dieu le veut, une réelle coopération englobant plusieurs niveaux.