Cinq ans après sa fondation, le congrès national ittihadi (CNI) rate, non sans fracas, son premier et réel congrès. L'empoignade au retrait, le tableau n'était pas de toute beauté. Ses fondateurs avaient choisi, lors des élections législatives en 2002, le bateau comme emblème et symbole, le congrès national ittihadi (CNI) du docteur Abdelmajid Bouzoubâa, donne l'effet qu'il lance. Vu les conditions dans lesquelles se sont déroulées les assises de son 7ème congrès, il serait même difficile de ne pas penser au “bateau ivre”. Quelque 300 congressistes ont effectivement quitté le navire. « Ce qui s'y est passé, note non sans amertume un ex-membre du bureau politique, Abdeslam Bensaleh, est pire de ce que le 6ème congrès de l'USFP a connu en termes de zizanie ». L'USFP ? Oui, car c'est l'histoire d'un désamour qui a donné naissance à l'actuel CNI. Retour en arrière : Nous sommes en mars 2001. Après trois ans d'une alternance consensuelle, initiée en 1998 par son premier secrétaire à l'époque et non moins premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, la vie interne du parti socialiste, dont l'histoire est une succession de dissidences, vivait au rythme des grandes tensions. Les protagonistes, à la croisée des chemins, se sont livrés à des affrontements sans ménages. D'une part, l'aile syndicale, autrement le bras séculaire du parti socialiste au temps de l'opposition ; de l'autre, les apparatchiks, ou l'aile politique plus réalpolitik. Le troisième groupe, celui de la Chabiba ittihadia, menée par l'universitaire Mohamed Sassi, avait déjà fait son choix de boycotter un congrès qui, selon toutes les prémices, ne serait pas prêt à institutionnaliser les courants, une revendication majeur de Sassi et les siens. D'ordre plutôt organique et statutaire, le différent finit par dégénérer. Le divorce est consumé, et le CNI voit le jour. Les syndicalistes, mus en politique durs comme fer, et en dépit de toute la vulgate populiste, peine à donner corps à cette idée d'un parti idéologiquement plus à gauche et socialement très enraciné. La preuve : les urnes lui ont donné un maigre score, et seul un élu, Abdelkader Assouli, de Ben Ahmed, (région de Settat). C'est la déconfiture totale. Arrosage Politiquement faible, très faible même, le parti tente par l'actuel congrès, tenu à Bouznika le week-end dernier, de redorer son blason, sinon retrouver l'esprit guerrier. Peine perdue : les congressistes de 11 régions, au moins, se sont retirés, tambour battant. L'arroseur est arrosé. Le même schéma où presque, est réédité : le syndrome hante les esprits. Le magnanime Bouzoubaâ, parent proche du ministre de la Justice, a son camp : certes, lui s'en défend : « Je suis le camarade et le secrétaire général de tous les militants », a-t-il déclaré à “Assahifa” de la semaine dernière. Néanmoins, il ne faut pas être dans les secrets des Dieux pour se rendre compte qu'il fait dans la théorique pour sauver… l'avenir. En face de lui, un camp dit syndicale s'est formée autour de Abdelkader Zaïer, « l'homme de paille » de Amaoui en personne, laisse-t-on entendre dans les coulisses du congrès. Simples conjectures ou réelle zizanie ? Quoi qu'il en soit Noubir Amaoui, le mastodonte syndical, n'y est pas allé de main morte. Lors d'une intervention, on ne peut plus musclée, le guide spirituel a même menacé de « ne pas être élément avec ceux qui sapent les bases du parti ? Trop, c'est trop. » Ceux qui espéraient un arbitrage, n'en reviennent pas. Un exemple parmi d'autres : Ali Lotfi, membre influent et cheville ouvrière des congrès – il a veillé au grain lors de la préparation des assises- a quitté Bouznika sans crier gare. Et a surtout « coupé l'écoute ». Najia Malek, l'aînée de l'animatrice télé Malika, réputée une inconditionnelle de A. Bouzoubaâ, elle, a préféré boycotter les travaux. Raisons Sur un fond d'empoignades, les congressistes se sont pliés au diktat du chef. Au fond, l'enjeu majeur des congrès résidait dans l'indépendance du parti vis-à-vis du… syndicat. Un chamboulement, si l'on tient compte que, durant l'histoire de la politique, se sont les syndicats qui revendiquaient l'autonomie ! L'histoire marche sur sa tête parfois, et c'est le CNI qui subit la crise ! Pour Noubir Amaoui, et partant la CDI, il n'est nullement question que le CNI prenne ses distances. Cela a un nom : la trahison que de mettre le parti indéfiniment sous la tutelle du syndicat. Dans les faits, les supporters de Bouzoubaâ insistaient sur l'élection directe, par vote secret, du secrétaire général. Ainsi, projettent-ils, il aura une autorité incontestable qui lui laissera les coudées franches. Une légitimité qui l'affranchirait de la mainmise du secrétaire général de la CDT. Pas question, rétorque ce dernier, lui-même élu par suffrage direct ! S'ensuivent alors des tractations autant infructueuses qu'improductives. Certes, le CNI a choisi son instance suprême, le comité administratif et ses 170 membres, il n'en reste pas moins que le parti a déjà inscrit sa continuité dans un esprit conflictuel. Son avenir n'en sera que plus incertain.