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«Pourquoi importer des produits d'ailleurs quand on peut les cultiver dans son propre pays ?» : Stéphane Lévin, Explorateur scientifique et défenseur de l'environnement
Les Echos quotidien : Comment définiriez-vous un éco-dirigeant ? Stéphane Lévin : Pour moi, un éco-dirigeant consiste à définir la stratégie de l'entreprise en ayant pour fil conducteur une utilisation raisonnée des ressources énergétiques, tout en contribuant à la dynamique générale de la planète qui va vers la réduction des gaz à effet de serre. Malheureusement, le paradoxe réside dans notre mode de consommation. Plus celle-ci augmente, plus le besoin en ressources énergétiques augmentera. Nous serons fatalement amenés à opérer une modification de notre comportement, mais cela passe d'abord par l'émergence d'une conscience collective en ce sens. Faire attention à notre façon de consommer les matières premières, l'énergie, la nourriture. Pourquoi consommer des produits importés de l'autre bout de la planète, les acheminer jusqu'à nous avec toute la consommation d'énergie que cela implique alors que l'on peut les cultiver ou les produire dans son propre pays ? La dimension formation, et même éducation, est très importante à ce sujet. De par les conférences que j'anime à travers le monde, je constate tout de même que cette conscience collective commence à se développer parmi les plus jeunes, c'est le premier pas qui permettra à cette tendance de se généraliser jusqu'aux décideurs, et d'en faire de véritables éco-dirigeants. Les concertations internationales à ce sujet ont tout de même du mal à aboutir sur du concret... Copenhague a été considéré par plusieurs comme un échec. J' y étais présent et je peux vous dire que c'est la première fois depuis Kyoto que les chefs d'Etat de 190 pays se sont réunis pour discuter de questions environnementales. On peut aussi dire que toutes les décisions n'ont pas été prises. Cette réunion témoigne avant tout de la prise de conscience du problème, de l'urgence de la situation. Il y a tout de même eu du concret à Copenhague, notamment en matière de lutte contre la déforestation. En votre qualité d'explorateur, avez-vous été témoin de la dégradation de l'environnement ? Les multiples expéditions auxquelles j'ai participé m'ont permis de constater de visu l'impact des activités humaines sur la nature. Au pôle Nord par exemple, les Inuits sont révoltés de voir leur milieu naturel se détériorer pour des causes indépendantes de leur volonté. Ils subissent ce qu'on appelle des pollutions telluriques, qui proviennent de la circulation atmosphérique des rejets originaires de pays développés. Au-delà des modèles physiques qui démontrent l'impact de l'industrie sur l'environnement, mes voyages m'ont permis de voir que tout est lié. À cause de la déforestation, nous diminuons les puits de carbone, qui permettent de filtrer les gaz à effet de serre (GES). C'est là que réside le danger, car nous continuons de produire de plus en plus de CO2, tout en réduisant la capacité de la planète à absorber ces GES. Mais il existe tout de même un engouement pour les énergies propres... La question que je me pose, c'est pourquoi les énergies alternatives ont du mal à se démocratiser. Si l'être humain est suffisamment intelligent pour créer des stations spatiales, il peut certainement tirer profit des sources gratuites d'énergie disponibles dans la nature. Je pense que le problème est plus politique que technologique. Il est clair que les lobbys industriels qui tirent profit des énergies fossiles font obstacle au développement des énergies alternatives. Leur principale préoccupation est : que vais-je faire de mon pétrole si d'autres formes d'énergie se développent ? Au-delà des modes de production et de consommation, serait-ce plus selon vous un problème d'attitude ? Absolument. L'égoïsme de l'homme, sa volonté de s'enrichir de plus en plus pourrait à terme causer sa perte. Tant que la logique du profit à tout prix domine notre monde, il sera de plus en plus difficile de changer de cap. Pour rester pragmatique, on ne peut pas demander à un pays de freiner sa croissance, de diviser par deux son PIB au profit du reste de la planète. Pourtant, il existe des études qui démontrent l'écart flagrant entre le mode de consommation d'un citoyen issu d'un pays en voie de développement et celui de citoyens de pays industrialisés. Ce qui permet de déduire l'impact écologique de ces citoyens. Maintenant, la question à se poser est : comment harmoniser la croissance mondiale, adapter la consommation des ressources en fonction des besoins des uns et des autres ? C'est la principale source de divergence qui a fait que le sommet de Copenhague n'a pas rempli tous ses objectifs. Les pays occidentaux polluent l'atmosphère depuis la révolution industrielle, tandis que ceux en développement ont de plus en plus besoin de ressources naturelles. Même avec l'instauration du principe de pollueur payeur, il demeure difficile de calculer cette taxe. Est-il légitime de pénaliser les pays occidentaux en raison de leur pollution «historique» ou d'imputer cette taxe aux pays en développement ? Le développement durable n'est pas encore à l'ordre du jour pour de nombreux pays, car leur priorité est d'assurer leur équilibre économique quel qu'en soit le prix. Partant de ce constat, les solutions en faveur de l'environnement ne sont envisageables que s'il y a une réelle concertation au niveau mondial. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons garantir la survie de notre planète et, donc, la nôtre.