Un rapport sans concession a été ficelé par le Conseil économique, social et environnemental. Le document invite les régions à accélérer la cadence d'adoption des textes réglementaires pour lancer les Plans de développement régionaux. Face aux différends de prérogatives, il propose une Commission nationale d'orientation stratégique, de pilotage, d'accompagnement et surtout d'arbitrage. C'est un projet de rapport sur la régionalisation avancée fort intéressant qui a été adopté en fin de semaine dernière par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Bien qu'il arrive dans un contexte de tension sur le dossier du Sahara, le document ne cède pas d'un pouce sur cette approche scientifique et participative qui donne toute son authenticité aux travaux du Conseil. En mettant le doigt sur les imperfections et les retards constatés dans la mise en œuvre de la nouvelle régionalisation, le rapport n'a pas eu l'unanimité. C'est une crainte légitime motivée par l'approche des élections législatives qui risquent de détourner l'attention du gouvernement des vrais défis que les 12 régions rencontrent aujourd'hui. Cela, à plus forte raison que la plupart de ces régions n'ont pas encore adopté les textes réglementaires nécessaires à la mise en place des Plans de développement régionaux (PDR). Pourquoi donc ce retard ? Selon une source du CESE, il s'agit-là d'une inadéquation d'agenda à laquelle il faut remédier. En effet, les Conseils régionaux disposent d'un délai de 30 mois pour adopter les textes réglementaires et de seulement 12 mois pour la mise en place du PDR qui engage toute une région, pendant 5 ans. Une donne contradictoire, étant donné que les lois doivent précéder les PDR. C'est justement cela qui a poussé le CESE à proposer un raccourcissement de délai pour passer de 30 à 12 mois. Deuxième point d'achoppement, la déconcentration ne suit toujours pas le rythme de la décentralisation voulue par la Constitution et la loi 111.14 portant sur la région. La plupart des administrations et services extérieurs des ministères ont jalousement gardé beaucoup de prérogatives. Si cela continue, l'intégration des politiques publiques sectorielles par les régions en pâtira. Certes, l'on parle d'une charte de la déconcentration qui serait prête, mais elle n'est toujours pas dévoilée au grand public. Le troisième bémol mis en exergue par le CESE a trait au problème d'interprétation des textes liés aux prérogatives des différentes collectivités territoriales. Certes, le principe de subsidiarité, censé tracer les lignes de responsabilité entre régions et autres collectivités existe, mais il n'est pas à lui seul capable de régler les différends qui peuvent naître à ce propos. C'est la raison pour laquelle le rapport du CESE pousse vers l'instauration d'une Commission nationale d'orientation stratégique, de pilotage, d'accompagnement et surtout d'arbitrage. Une sorte de régulateur qui veillera au respect des périmètres d'intervention de chaque type de collectivité locale. Par ailleurs, le Conseil recommande d'encadrer, à travers un texte législatif dédié, les opérations de transfert des compétences partagées. Il s'agit également de valoriser la fonction publique territoriale en adoptant, le plutôt possible, un statut de la fonction publique locale. Enfin, facteur non-négligeable pour une bonne appropriation de la région par les Marocains comme territoire d'appartenance: la démocratie participative. À ce propos, les Conseils consultatifs et forums prévus par la loi ne connaissent pas encore une déclinaison réelle. Il n'est en effet pas suffisant d'inviter les acteurs locaux et représentants de la société civile à des débats saisonniers sans que cela ne se traduise par des décisions d'ordre public. Notre source au sein du CESE estime d'ailleurs que les régions doivent s'inspirer de la manière dont le CESE implique toutes les forces vives du pays pour sortir avec des conclusions probantes et acceptées par tous. Le CES français, par exemple, dispose d'antennes dans toutes les régions. Toutefois, la mise en place de salles dédiées et d'experts au profit des associations, des syndicats... peut aider les régions marocaines à mieux intégrer la composante participative. Préférence régionale pour les PME S'inspirant des modes de gestion modernes, le CESE a jugé essentiel de conduire, pour chacune des 12 régions du pays, un diagnostic précis de type SWOT. Ce dernier permet d'identifier les forces et les faiblesses, ainsi que les opportunités et les menaces pour la région. Plus encore, le Conseil suggère de s'inspirer du nouveau modèle de développement des provinces du Sud pour la préparation des Plans de développement régionaux. Idem pour leur opérationnalisation grâce à la mise en place des Agences régionales d'exécution de projets que chaque président de région attend avec impatience. Par ailleurs, et pour que les régions puissent contribuer à promouvoir un développement économique durable, le Conseil recommande d'élaborer une Charte de coopération économique régionale réunissant l'Etat, les collectivités territoriales, le secteur privé, les chambres professionnelles et les centrales syndicales. Il s'agit de développer des pôles de compétitivité régionaux, de mettre en place des mécanismes de préférence régionale pour les TPE et les PME locales et de développer des labels pour les produits de terroirs de chaque région en optimisant l'exploitation de leurs potentialités. L'économie verte, dans ce cadre, peut être considérée comme un secteur porteur et valorisant le potentiel en énergies renouvelables, tout en mettant en place des mécanismes destinés à économiser, protéger et à valoriser les ressources naturelles dans leur diversité.