Le rythme des introductions à la Bourse de Casablanca s'est ralenti en 2008. Cette année, seules cinq nouvelles sociétés ont fait leur entrée. L'effet psychologique de la crise financière internationale d'un côté et la clôture, pour la première fois depuis 2003, de la Bourse de Casablanca sur un repli de 13,5% pour le MASI et de 13,4% pour le MADEX, en ont dissuadé plus d'un. Un flou et un malaise qui ont persisté en 2009 où le recrutement à la cote s'est soldé par un zéro pointé. Aucune entreprise n'a osé franchir le pas. Du fait que les crises sont cycliques, l'année 2010 représente la fin de la crise pour bon nombre de dirigeants et marque le début d'un nouveau cycle. «Les PME doivent se préparer, car la Bourse repartira», confie un spécialiste de la Bourse de Casablanca. Mais avant de se lancer dans l'aventure, il est nécessaire de bien préparer sa démarche. Les avantages d'une introduction Si l'une des raisons fréquemment invoquées par les dirigeants lors de leur arrivée en Bourse est leur souci de notoriété, l'introduction en Bourse est surtout un moyen de récupérer les capitaux nécessaires pour financer la croissance de leurs entreprises. Dans les situations de déséquilibre financier dues à des investissements démesurés ou trop lourds, elle permet de lever des fonds pour renforcer les capitaux propres et assainir le bilan. En effet, la désintermédiation du financement est une réalité à laquelle les PME n'échappent pas. «Les banques s'orientent de plus en plus vers les grands groupes industriels, d'où la nécessité pour les PME de disposer d'une source de financement alternative», affirme un professionnel du milieu. La cotation en Bourse permet aussi à l'entreprise de s'étendre ou de s'internationaliser. Les fonds levés peuvent, effectivement, servir à racheter d'autres entreprises nationales ou internationales. Dans un sens inverse, elle offre aux dirigeants la possibilité de faire entrer des partenaires importants au capital de la société. Les PME peuvent tirer d'autres profits de l'introduction en Bourse. Ainsi, la campagne de communication entraînée par la présence de leurs entreprises en Bourse peut rapidement être transformée en une opération publicitaire. Pour les entreprises soucieuses de fidéliser leurs compétences, l'introduction permet de motiver les ressources humaines, notamment à travers des actions cédées à des prix préférentiels au personnel, les stock-options. De la prise de décision à la cotation L'introduction en Bourse n'est pas toujours une partie de plaisir. Il est nécessaire de bien s'entourer afin de réussir cette opération dans les meilleures conditions, dans les meilleurs délais et avec les meilleurs coûts. La première étape du processus consiste en la préparation du dossier d'introduction. L'intermédiaire financier est l'interlocuteur privilégié des entreprises en phase de cotation. Le rôle de l'intermédiaire consiste à évaluer l'entreprise, à effectuer un toilettage juridique et à réaliser les aménagements comptables et fiscaux nécessaires. Il met également en place un calendrier indicatif de l'opération et propose une date pour la première cotation. Enfin, il détermine le prix de l'action et prépare la note d'information. Le commissaire aux comptes est également un interlocuteur qui occupe une place de choix dans le processus d'introduction, notamment par la certification des comptes sociaux des exercices antérieurs et la restructuration précédant la cotation. Une fois le dossier d'introduction prêt, deux entités entrent en scène pour sa validation. Il s'agit tout d'abord du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) qui se charge de l'instruction de l'introduction. Son visa est nécessaire pour la suite des événements. Pour rendre son verdict, l'autorité de contrôle du marché boursier doit approuver la note d'information. Cependant, cette approbation ne porte que sur la cohérence des informations communiquées par l'entreprise et non sur leur exactitude. La Bourse de Casablanca intervient dans ce processus à deux reprises. Avant l'obtention du visa, elle contribue au choix de la procédure de cotation, émet l'avis d'approbation et fixe le calendrier définitif de l'opération. Après l'introduction, la Bourse de Casablanca assure l'organisation de la cotation des titres et gère les opérations sur titres. Une fois le visa obtenu, l'intermédiaire financier désigne le syndicat de placement. Celui-ci est constitué d'un «chef de file» et des sociétés de Bourse et/ou banques d'affaires chargées de collecter les bulletins de souscription. L'introduction officielle (premier jour de cotation) peut alors avoir lieu. Coût et timing Le coût d'une introduction en Bourse varie en fonction de la taille de l'opération et du marché visé. Il faut d'abord procéder à une «due diligence» de la société, vérifier ses comptes et procéder à son évaluation. Une fois l'évaluation terminée, le montant et le pourcentage du capital à lever sont fixés. En général, les dirigeants évitent de dépasser les 30%, craignant de perdre le contrôle de leur entreprise au-delà de ce seuil, ce qui n'est pas forcément vrai. «Le coût global de l'opération se situe entre 3 et 5% du montant levé, pour des montants entre 20 et 100 millions de DH», nous confie une source qui a requis l'anonymat. La démarche d'introduction suit un cheminement assez «classique». «Entre les premiers contacts et l'introduction effective en Bourse, l'opération peut s'étaler sur douze à dix-huit mois», affirme un professionnel de la place. Ce délai est fonction du niveau d'organisation de la PME. Il est donc important de choisir le bon moment. Les dirigeants doivent garder un œil sur le marché et sur les acteurs qui viennent d'opérer une introduction et qui présentent des similitudes avec l'entreprise ou l'activité (secteur, taille...). La valorisation de ces entreprises et les échanges opérés sur le marché sont des éléments à prendre en considération. Cependant, s'il est important de choisir la bonne fenêtre de tir, «attendre le timing «parfait» peut s'avérer négatif», previent un autre professionnel de la place. Car, à trop attendre, on peut passer à côté d'opportunités qui ne se présentent que très rarement. Une des règles qui s'imposent à toute société désirant faire face aux challenges de la cotation est de maintenir la transparence dans ses comptes, ses résultats et sa communication. Le timing s'imposera de fait. Comparti-mentation Le marché boursier au Maroc est différent de ceux des autres pays. En France, «Alternext» est dédié aux PME structurées, alors que «le marché libre» est réservé aux PME les plus risquées. La Tunisie dispose d'un vrai marché pour la PME. «Au Maroc, il existe des compartiments mais pas un marché distinct», rapporte un habitué de la place casablancaise. Les PME marocaines peuvent s'introduire en Bourse de trois manières différentes. L'accès au marché principal est réservé aux grandes entreprises. Les critères d'éligibilité exigent de l'entreprise de disposer de capitaux propres de l'ordre de 50 millions de DH au minimum. L'entreprise est également admise sur le marché principal si le nombre de titres émis est de 250.000 actions au minimum et que le montant à émettre est supérieur ou égal à 75 millions de DH. Le marché développement concerne les entreprises de taille moyenne. Celles-ci doivent réaliser un chiffre d'affaires de plus de 50 millions de DH et justifier de deux exercices certifiés pour pouvoir y accéder. Concernant ce «marché», les entreprises moyennes doivent émettre 100.000 actions au moins pour une valeur minimale de 25 millions de DH. Le marché croissance permet, quant à lui, à un nombre important d'entreprises de lever des fonds et de passer ainsi à la vitesse supérieure. L'admission de ces entreprises est conditionnée par l'émission d'un minimum de 30.000 actions pour un montant de 10 millions de DH au minimum. L'introduction et l'inscription à l'un des trois marchés d'actions ne sont toutefois pas définitives. Il existe des conditions de séjour pour chaque compartiment et l'entreprise peut changer de marché à n'importe quel moment, à condition de remplir un certain nombre de critères. Ces entreprises l'ont fait ! Présente à la cote depuis 2001, IB Maroc a connu un parcours assez particulier en bourse. Sur les deux dernières années, le cours est resté assez stable, jusqu'en août 2008, où il a amorcé une tendance baissière qui a atteint son niveau le plus bas en début mars 2009. Après ce passage à vide, la valeur a repris le chemin de la hausse. Une progression qui s'est poursuivie jusqu'en octobre dernier, avant de renouer avec la baisse. Le titre a connu ses plus gros pics d'échanges lors des séances du 15 juin et du 27 octobre dernier. IB Maroc réussit à accroître ses ventes à l'export, notamment en Algérie où elle a également pu racheter des parts dans une société de la place. L'entreprise a également pu doper ses ventes à destination de la Mauritanie et du Sénégal. Pour sa part, Involys a rejoint la cote le 14 décembre 2006. Durant les deux dernières années, l'évolution du cours a été marquée par une baisse progressive jusqu'à la mi-janvier 2009, où le titre a recommencé à prendre des couleurs. Lentement, mais sûrement, l'action Involys a renoué avec le trend haussier, en même temps que les transactions sur la valeur augmentaient régulièrement. Un énorme pic a été atteint lors de la séance du 13 novembre dernier. Selon les analystes, Involys avait en ce temps la bénéficié de l'engouement pour les valeurs TIC, notamment après la fusion Matel PC Market et Distrisoft. Involys, qui s'est spécialisée en ingénierie informatique et électronique, a profité de la vague d'informatisation des administrations publiques. «L'explosion» de la demande de l'Etat n'a pas empêché des résultats déficitaires de se faufiler. Quant à Dari Couspate, elle s'est introduite à la cote en 2005. Son cours a connu une relative stagnation pendant les deux dernières années de cotation. Néanmoins, la hausse a commencé à se profiler à partir de fin novembre dernier. En revanche, le titre a connu des périodes de transactions régulières, avec des pics souvent enregistrés durant les derniers mois de l'année. Dari Couspate a surfé sur la vague du couscous tout en démontrant une grande maîtrise des coûts. Elle a également su tirer profit de la baisse des prix du blé au niveau international. Consacrée par le prix de la responsabilité sociale pour la gouvernance d'entreprise, la société multiplie les exploits.