Les retraités d'Altadis Maroc ne désespèrent pas. Après plus de six ans de bataille judiciaire pour défendre leurs droits sociaux, ils mènent depuis le 30 mars dernier un mouvement de protestation jalonné de sit-in et de manifestations devant le siège de l'ex-régie des tabacs à Casablanca. «Leur principale revendication est l'exécution du jugement de la Cour d'appel de Casablanca, ordonnant à Altadis Maroc le versement du coût d'abattement au profit du Régime collectif d'allocation des retraités (RCAR), ce qui permettra aux concernés de bénéficier d'une pension de retraite complète». Depuis juin 2009, date à laquelle la Cour d'appel de Casablanca a rendu son verdict définitif en faveur des plaignants, ces derniers attendent, avec impatience, l'exécution du jugement. En vain. Dix mois après, rien ne pointe à l'horizon. La grande surprise des retraités, c'est le communiqué publié dans la presse par le «cigaretier» en ce début d'avril. L'entreprise dit «n'avoir reçu aucune notification de sentence exécutoire et que l'affaire demeure toujours entre les mains de la Justice». Ce qui a provoqué la colère et l'indignation de l'Association des retraités qui répond par un autre communiqué pour «éclairer l'opinion publique» sur l'affaire qui les oppose à Altadis Maroc depuis 2004. L'association qualifie les déclarations de l'entreprise de «contre-vérités». Ce bras de fer entre Altadis Maroc et ses retraités, qui observent également aujourd'hui un énième sit-in, semble s'éterniser. L'affaire remonte à la veille de la privatisation de la Régie des Tabacs, plus précisément fin 2002. «La société a décidé d'externaliser la Caisse de retraite et le choix s'est porté sur le Régime collectif d'allocation des retraités. Le règlement de cette institution exige deux conditions sine qua non pour bénéficier de la pension de retraite à 100% sans abattement : la personne doit être âgée de 60 ans et cumuler 21 ans de service. Les employés qui sont âgés entre 40 et 60 ans, ayant le même cumul d'années de service en l'occurrence 21 ans, reçoivent une pension de retraite avec un abattement mensuel de 4,8%, au maximum 24%», explique Abdesslam Souidi, président de l'association des retraités «Départ volontaire» d'Altadis Maroc. Et de poursuivre : «Alors que le règlement de la caisse interne de la Régie des Tabacs soulignait que les employés ont droit à une pension de retraite complète sans abattement à partir de 21 ans de services sans condition d'âge. Pour permettre aux employés de la régie de sauvegarder leurs avantages et acquis sociaux, il a été décidé d'inclure dans la convention conclue avec le RCAR une clause qui stipule que pour faire bénéficier les employés d'une pension de retraite complète, l'employeur doit payer le coût de l'abattement». Après la privatisation de la Régie des Tabacs, Altadis prend les rênes de l'entreprise. Une opération de départ volontaire par conciliation a été lancée. Au total, 1.500 départs. Ce fut la surprise lors de la réception de leur première pension de retraite. «La pension n'est pas complète. On nous a assurés que nous allions conserver nos droits sociaux et nos avantages. Altadis Maroc devait payer ce coût de l'abattement. Chose qui n'a pas été faite», déplore Abdesslam Souidi. Les concernés engagent alors en 2004 une procédure judiciaire à l'issue de laquelle plus d'une centaine obtiennent gain de cause. D'autres attendent toujours les résultats de l'expertise. Par ailleurs, un autre point oppose les protestataires à leur ex-employeur. «Contrairement aux stipulations de la loi sur la privatisation, Altadis Maroc n'a pas fait bénéficier les employés et retraités de la société de la participation légale au capital social cédé. Leur principale revendication est l'exécution du jugement de la Cour d'appel de Casablanca, ordonnant à Altadis Maroc le versement du coût d'abattement. Ceci est également en totale contradiction avec les déclarations faites à la presse par le Président du directoire de la société avant et après la privatisation, dans lesquelles il s'est engagé notamment à préserver tous les acquis sociaux des ouvriers et des employés. Il a, en outre, affirmé que la loi sur la privatisation prévoit, pour les employés, une part pouvant aller jusqu'à 10%, comme participation au capital de la société. Cette participation peut leur permettre d'être représentés dans les instances de décision, tel que le Conseil de surveillance dont le parallèle dans les autres entreprises est le Conseil d'administration. Dans son communiqué, Altadis Maroc souligne que lors de l'opération de départ volontaire il a été décidé entre les deux parties des indemnités. Il est donc inacceptable, conclut l'entreprise, de revendiquer une participation au capital.