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Prix du pain : A qui profite la subvention ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 19 - 03 - 2013

Tandis que le débat bat son plein à propos de la réforme de la caisse de compensation, L'Observateur du Maroc s'est intéressé à la farine subventionnée (farine nationale pour les intimes) qui absorbe une partie des fonds de cette caisse. Où va cette farine qui coûte la bagatelle de 2,3 milliards de dirhams par an à l'Etat ? Profite-t-elle réellement aux pauvres auxquels elle est, en principe, destinée ? Qui tire les ficelles de ce marché très particulier ? Tant d'interrogations auxquelles répondent à travers ce dossier des professionnels, des officiels et des acteurs associatifs. Chacun d'eux défend son point de vue, son implication et sa vision d'un marché prospère certes, mais tellement sensible. Coup de projecteur.
Dossier préparé par Hayat Kamal Idrissi / Photos : Khalid Choury
Le pain…nu
2,3 milliards de dirhams, c'est le coût annuel de la subvention de la farine dite nationale. Ce chiffre a été dévoilé par Najib Boulif lors de l'une des séances des questions orales de la Chambre des représentants. Le ministre délégué en charge des Affaires Générales et de la gouvernance explique que cette subvention
« vise à préserver le pouvoir d'achat des citoyens ». Ce sont les mêmes propos qui sont souvent répétés dans la sphère gouvernementale. Toujours animée par cette volonté de stabilisation des prix qui menacent de flamber à cause des fluctuations des cours internationaux, l'équipe de Abdelillah Benkirane a injecté 46 milliards de dirhams en faveur du marché intérieur au titre de l'actuelle loi de Finances. Ce montant aurait été plus important s'il n'y avait pas eu une saison agricole relativement bonne. Et pour cause ! À fin juin 2012, près de 9,8 millions de quintaux de blé ont été collectés et ont permis de maintenir à un niveau convenable les stocks du pays durant les mois qui ont suivi. D'après les données de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL), près du 1/5 de cette quantité est engagé pour la fabrication des farines subventionnées.
Des efforts louables et des chiffres plutôt réconfortants qui devraient, en principe, rassurer les ménages démunis et les zones pauvres du Royaume. Ces derniers étant les principaux bénéficiaires de la farine subventionnée pourraient en effet s'en approvisionner au prix réglementaire de 2 DH le kilogramme. « Il n'en est rien ! On ne trouve cette farine au niveau des souks et sur le marché national que durant les journées de contrôle ! », s'insurge Dr Bouazza Kherrati, président de la FMDC (Fédération marocaine des droits du consommateur). «Destinée aux démunis, la farine subventionnée ne sort pas des moulins. Les circuits de distribution sont obscures et la font atterrir chez les boulangeries dites traditionnelles », dénonce l'acteur associatif.
L'informel pointé du doigt
Le président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc enfonce, lui aussi, le clou. Lahoussine Azaz confirme que le détournement de la farine nationale est une réalité. « Normalement, cette farine est destinée à l'utilisation domestique par des ménages démunis, mais elle est souvent détournée et commercialisée dans le marché noir à 3,30 DH le kilo », précise le patron des boulangers. Mais qui sont les meneurs de ce « marché noir » ? Azaz est formel. Pour lui, il ne fait aucun doute que ce sont les boulangeries opérant dans l'informel qui profitent de ce marché. « Ce ne sont même pas des professionnels. Ils sont mal équipés, font de la panification à la main ou au pied et utilise cette farine de mauvaise qualité en prétendant qu'elle est complète », proteste-t-il en niant toute utilisation de la farine nationale dans les boulangeries modernes. « Il nous est impossible de préparer du pain avec cette farine. D'une part, elle ne valorise pas nos produits. De l'autre, nous nous soucions pour notre réputation et visons la satisfaction de notre clientèle », insiste le président des boulangers.
Azaz remet donc en question la qualité de « la farine du peuple » dont la vocation sociale est essentielle. Kherrati confirme : « Cette farine est effectivement de très mauvaise qualité ». Un avis que ne partage pas Chakib Alj, président de la Fédération nationale des minoteries. Pour ce dernier, la farine subventionnée n'est pas de moindre qualité que celle libre. « Elle est certes moins blanche mais c'est dû à son taux d'extraction plus élevé », explique-t-il. Son principal argument : la farine de luxe (blanche) et celle nationale proviennent du même blé. « Si le taux d'extraction de la première ne dépasse pas les 65% celui de la deuxième arrive à 78% d'où cette couleur sombre », justifie-t-il. Une explication qui pousse à s'interroger sur la nature même de cette substance. Cette « petite » différence se limite-t-elle uniquement à la couleur ou atteint-elle la valeur nutritionnelle de la « farine des pauvres » ? Selon le patron des minotiers, il n'est pas question de remettre en cause l'apport et la valeur nutritionnelle de cette farine. De son point de vue, le seul bémol reste « l'utilisation moins facile et le manque de malléabilité de cette farine ». Des petits défauts dont s'accommodent ingénieusement les boulangeries de l'informel et en tirent même profit. D'après le président de la FMDC, cette couleur sombre constitue même un argument pour ces « arnaqueurs ». Ces derniers font passer leur marchandise pour du pain complet ou du pain d'orge. Le prix est ainsi révisé à la hausse et dépasse le tarif réglementaire du pain subventionné fixé à 1,20 DH.
Qualité douteuse
Bonne farine, riche en nutriments, produite du même blé que celle de luxe… Ces propos qui se veulent rassurants ne convainquent pas les habitants de Takatarte, l'un des cinq villages de la commune de Toubkal qui abrite plus de 500 familles démunies pour la plupart. Cette zone pauvre juchée à 2.000 m d'altitude sur le Haut Atlas est une bonne destination de la farine subventionnée. Les habitants en bénéficient donc à tour de rôle. « Une fois par mois, la moitié des bénéficiaires profitent de 50 kg chacun. L'autre moitié attend le mois d'après », nous explique Ibrahim Iguiouaz, président de l'Association Takatart pour le développement rural. Un système qui semblait bien rôdé jusqu'au jour où les habitants commencent à recevoir une « farine infecte ». « Nous avons eu droit à une farine à la couleur douteuse que nous payons pourtant à 2 DH le kilo. Elle contenait une sorte de cendres et dégageait une odeur désagréable à la cuisson », témoigne l'acteur associatif. Après avoir manifesté leur colère devant la commune de Toubkal, les habitants scandalisés ont été calmés par les autorités locales avec la promesse d'enquêter sur le sujet… « 4 mois après, toujours rien. Nous avons décidé alors de faire appel aux services d'un laboratoire à Marrakech pour effectuer des analyses sur des échantillons de cette farine. Nous attendons actuellement les résultats », souligne Abdelah Hafid de l'Association Takatart.
Courageux, les acteurs associatifs de ce village comptent mener une fronde contre un trafic qui profite à tout le monde sauf aux véritables concernés. Au delà de la production, c'est le système de distribution qui est pointé du doigt par nos interlocuteurs.
« Cette farine atterrit par miracle dans les boulangeries de l'informel dont le nombre ne cesse de croître. A titre d'exemple, à Kénitra, certains moulins chargent des camions de farine nationale. Mais ces véhicules se garent juste un peu plus loin et reviennent le soir pour la décharger de là où ils l'ont prise », dénonce Dr Kherrati. Des manœuvres qui, selon ce consumériste, servent à détourner cette farine vers le marché noir. Des accusations que Chakib Alj conteste vivement. Il assure que les minotiers négocient actuellement leur désengagement de la distribution de cette « farine à problème ». Le directeur exécutif de la Fédération nationale des minoteries, Abdellatif Izzem, va plus loin. Il estime que depuis 1988, cette distribution constitue « un fardeau pour le secteur ». Ainsi, les minotiers ne veulent plus se charger de cette mission ingrate, trop excédés par les accusations portées à leur encontre de toutes parts. Pour un meilleur ciblage, Izzem invite l'Etat à réviser sa stratégie en instaurant des relais institutionnels. Cette mesure serait un bon moyen pour réduire l'intervention des grossistes et pour s'assurer que la farine nationale arrive à destination… La bonne destination s'entend, c'est-à-dire chez les ménages qui ont besoin d'être aidés par l'Etat.
« Le pain est libre »
En affirmant que « le pain est libre », Lahoussine Azaz, président des boulangers veut dire que le prix de cette denrée essentielle n'est pas régulé par l'Etat. Citant « un accord de modération » datant de 2002, il insiste sur le droit des boulangers à augmenter, au besoin, le prix du pain. « Il suffit d'en informer les autorités concernées »,
insiste-t-il. Un droit que Dr Kherrati de la FMDC conteste tout en dénonçant l'avidité de certains boulangers. D'après lui, ces derniers trichent dans le poids du pain pour améliorer leurs marges bénéficiaires. « En effet, le pain rond sensé être vendu à 1,20 DH doit peser 200g. Or, il est mis sur le marché à des poids bien inférieurs variant entre 150 et 170g seulement. De ce fait, les Marocains achètent réellement leur pain entre 1,40 et 1,50 DH », explique ce défendeur des consommateurs. Un argumentaire qu'Azaz balaie d'un revers de la main. « Ce poids de 200g dit réglementaire n'est plus en vigueur. Il est dépassé largement par les événements. Aujourd'hui, les prix des autres intrants du pain ont triplé. Et le prix du pain ne dépend pas uniquement de la farine mais des autres ingrédients également », se défend-il en se disant tout de même soucieux de la paix sociale. Mais cette paix est-elle conciliable avec la libération des prix et en particulier celle des denrées alimentaires de première nécessite ? C'est là toute la question qui reste posée.
Chère compensation
La réforme de la caisse de compensation est un sujet épineux. Les derniers bruits qui ont couru sur une éventuelle annulation des subventions des prix des aliments de première nécessité, dont la farine, ont provoqué une véritable onde de choc. Si les uns estiment que cette caisse doit disparaître et qu'elle a trop longtemps plombé le budget de l'Etat sans pour autant profiter aux bonnes personnes, d'autres estiment que c'est une soupape nécessaire en ces temps de grande sensibilité sociale. Le triste souvenir de « La révolte de la koumera » (1981) reste présent dans tous les esprits. Le gouvernement Benkirane osera-t-il toucher au pain des pauvres et à celui de ceux qui s'en enrichissent ? D'après les dernières déclarations du premier ministre, il n'en est pas question…pour l'instant.


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