En prenant des mesures proactives décisives pour lutter contre le trafic illicite des biens culturels, le Maroc s'inscrit dans une dynamique internationale centrée sur l'efficacité des mesures aussi bien préventives que répressives. C'est ce qui ressort des interventions des spécialistes à la conférence internationale, organisée du 30 juin au 5 juillet par l'ICESCO à Rabat en collaboration avec l'Autorité générale des douanes du Qatar et la Bibliothèque nationale du Qatar. Qui se rappelle encore de la disparition en 1982 d'une statue en marbre de Bacchus, le dieu du vin dans la mythologie romaine, démontée et exhumée des allées de la ville romaine de Volubilis ? Malgré la mobilisation des autorités, la statue a disparu à jamais. En 2006, c'est la disparition d'une partie d'une mosaïque arrachée des dalles du même site qui défraie la chronique. Pourtant, Volubilis avait été classé au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 1997, au titre de site fondé vers le IIIe siècle avant l'ère chrétienne par une communauté maure traversée par plusieurs civilisations. C'est justement pour mettre fin à ces trafics odieux qu'une conférence internationale sur « le rôle des douanes dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels » a vu la participation de nombreux experts venus du monde entier qui se sont relayés avec les politiques du cru pour s'exprimer sur le sujet. Dans son intervention, le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, a ainsi mis en garde contre les atteintes systémiques portées au patrimoine immatériel de l'humanité par le biais du trafic illicite des biens culturels, qualifiant ce phénomène de «crime organisé contre notre mémoire commune.» Lire aussi | Bensaid inaugure le Pavillon du Maroc, invité d'honneur du Festival du Livre de Paris 2025 Prenant la parole lors de cette rencontre internationale consacrée au rôle des douanes dans la protection du patrimoine, en présence notamment du Président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), du Président du ministère public, de représentants de l'Isesco et de plusieurs diplomates, Mehdi Bensaïd a souligné que la lutte contre ce fléau exige une mobilisation collective, tant sur le plan législatif qu'opérationnel. «Lorsque nous évoquons le trafic illicite de biens culturels, il ne s'agit pas d'un simple commerce illégal. C'est une entreprise de saccage, un effacement méthodique de la mémoire des peuples», s'est insurgé le ministre, ajoutant que «ces objets ne sont pas de simples artefacts : ils sont les témoins vivants de civilisations successives, les dépositaires de récits pluriels, et les vecteurs d'un dialogue millénaire entre les cultures». Il a aussi rappelé que sous les orientations du Roi Mohammed VI, qui accorde une place singulière à la préservation du legs culturel, le Maroc dispose désormais d'un nouveau texte législatif encadrant la sauvegarde du patrimoine, accompagné d'un effort soutenu de documentation numérique des collections nationales. «Le travail d'inventaire constitue notre première ligne de défense contre le vol et le déplacement illicite», a-t-il précisé. Dans la foulée, le royaume s'est doté d'un arsenal de lois qui s'accompagne du renforcement des compétences judiciaires et policières, avec un accent particulier sur la coopération internationale. Ce qui a permis la restitution de biens culturels à Rabat grâce à des collaborations fructueuses avec des Etats amis, tels que les Etats-Unis ou le Chili. Pour sa part, le ministre de la Justice a renchéri, précisant que « le royaume a ratifié l'ensemble des conventions internationales visant la protection des biens culturels, dans le cadre de son engagement à accompagner les évolutions internationales en la matière ». Abdellatif Ouahbi a ajouté que le Maroc veille à harmoniser sa législation avec le cadre juridique international dans ce domaine et la développer afin de répondre aux défis actuels, tout en renforçant les capacités de ses instances chargées de l'application de la loi pour combattre le trafic illicite des biens culturels, identifier les auteurs de ces crimes et réduire l'impunité. Lire aussi | Signature à Genève d'un protocole d'accord entre le Maroc et l'OMPI pour la protection juridique du patrimoine culturel marocain Ce trafic est l'une des activités criminelles les plus dangereuses ayant pris de l'ampleur ces dernières années de par le monde, a-t-il rappelé, notant que les initiatives adoptées par la communauté internationale en la matière (accords multilatéraux, bilatéraux ...), constituent un cadre légal important pour la mise en place de mesures de protection et d'harmonisation des législations nationales. À cela s'ajoutent, d'après Abdellatif Ouahbi, de nombreux mécanismes et outils, tels la base de données de l'UNESCO sur les législations nationales relatives au patrimoine culturel « NatLaws», le Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels de l'UNESCO, le Conseil international des musées (ICOM) et la base de données d'Interpol sur les œuvres d'art volées. Pour tarir les circuits de revente, rien de mieux que la circulation de l'information et Bensaïd a fortement plaidé pour une surveillance accrue des marchés parallèles et des ventes aux enchères suspectes, un appui technique aux pays fragilisés par la guerre, le recours aux technologies telles que l'intelligence artificielle et les chaînes de blocs pour authentifier les objets, et enfin, un ancrage plus profond de la culture patrimoniale dans l'éducation. Cela dit, malgré les temps sombres que nous vivons, émerge un constat majeur, radicalement neuf dans toute l'histoire de l'humanité : Toutes les civilisations reconnaissent l'importance des vestiges du passé comme signe d'identité, et trouvent naturel et même sain que chaque peuple défende ainsi sa mémoire. Ce qui fait dire à Bensaid que «Les nations qui perdent leur mémoire perdent aussi leur boussole. Protéger notre patrimoine, c'est refuser l'amnésie collective, et garantir que nos enfants puissent un jour entendre la voix des pierres et des manuscrits».