Dans le cadre de la réflexion sur les marges d'amélioration de l'efficience du système éducatif, la BAD note que la question est bien sûr d'identifier les raisons du niveau insuffisant des indicateurs d'efficience. Une perspective commode serait de chercher des raisons au plan externe, dans les contraintes économiques, géographiques ou démographiques. Les informations disponibles suggèrent fortement que ces raisons ne sont pas empiriquement valides. C'est donc principalement au plan interne au système qu'il faut faire porter l'investigation. Au plan interne, trois pistes peuvent être explorées pour expliquer le niveau relativement faible de performance: - la première piste est relative au prix des facteurs, et singulièrement celui du travail qui est spécialement important dans la production des services éducatifs ; - la seconde piste concerne au sens large les paramètres des fonctions de production des services éducatifs dans les différents niveaux d'enseignement ; et - la troisième concerne la gestion du système, et en particulier la gestion pédagogique qui concerne la capacité du système à faire en sorte que les dispositions organisationnelles qui déterminent le fonctionnement des écoles et le travail des enseignants soient effectivement transformées en un meilleur niveau de résultats chez les élèves qui leur sont confiés. La première piste vise la maîtrise des coûts, et a un potentiel important dans la mesure où il est estimé que les salaires des enseignants dans l'enseignement général se situent très au-dessus (près du double) de la référence internationale pour des pays ayant le niveau de développement du Maroc. Cette analyse internationale gagnerait à être complétée par une analyse de nature nationale. Cela permettrait de déterminer dans quelle mesure le niveau actuel de rémunération des enseignants est une contrainte macroéconomique liée aux niveau des prix et à la compétitivité globale de l'économie du Maroc, ou bien une caractéristique sectorielle susceptible d'évoluer, en particulier dans la dynamique de développement économique du pays. Cela dit, dans le cadre du contexte salarial actuel, un espace de liberté existe toujours dans le cadre d'une utilisation plus intensive du temps des enseignants (via une augmentation du temps statutaire et/ou via une augmentation du taux d'utilisation de ce temps). Augmenter l'espérance de vie scolaire et améliorer la gestion pédagogique La seconde piste qui vise plutôt une augmentation de l'Espérance de Vie Scolaire, a également un certain potentiel mais celui-ci est sans doute plus limité. La réduction des redoublements est évidemment un levier possible, tout comme une certaine augmentation de la taille des classes et/ou une petite diminution du temps scolaire dans les programmes. En agissant de manière modérée, aucun de ces trois leviers n'est susceptible d'avoir un effet négatif sur les apprentissages ; cela dit mis en application ensemble, cela serait susceptible d'avoir un effet significatif sur l'efficience quantitative du système. On peut ainsi tabler qu'une réduction de 5 % des redoublements dans le primaire et de 10 % au collège et au secondaire, associée à une augmentation de 2 élèves par classe et une réduction d'une heure dans le programme du collège et du secondaire permettrait de porter la durée moyenne des scolarisations de 10,4 années à environ 12 années pour une même consommation budgétaire; un impact tout de même appréciable. Enfin, la troisième piste concerne la transformation des ressources disponibles au niveau de chaque école en apprentissages chez les élèves qui y sont scolarisés. Les analyses qui ont été conduites permettent d'établir que le système éducatif dispose des moyens nécessaires alors que les résultats ne sont pas suffisamment au rendez-vous. On peut donc anticiper que les questions de gestion pédagogique pourraient avoir un poids significatif, et qu'une amélioration sur ce plan pourrait avoir des effets positifs et significatifs sur le système, sans entraîner des coûts supplémentaires dans la production des services éducatifs. Améliorer la relation à l'emploi Les déséquilibres croissants entre le nombre de formés de l'enseignement supérieur et le nombre d'emplois disponibles correspondant à leur qualification, indiquent qu'il serait pertinent de mettre en place une formule de régulation des flux entre la fin du primaire et l'accès au supérieur. Une première question consiste ˆ identifier comment distribuer cette régulation entre les trois paliers possibles : fin de primaire, fin du secondaire collégial et fin du secondaire qualifiant. La régulation des flux dans l'accès au supérieur pouvant être difficile, il s'agirait davantage d'orientation que de sélection au niveau de l'entrée au supŽrieur (Sachant que les possibilités d'orientation à l'entrée de l'enseignement supérieur sont elles-mêmes dépendantes des contenus des enseignements suivis dans le secondaire qualifiant et doivent donc être anticipées). C'est donc principalement aux deux autres paliers qu'il faudrait faire porter les actions. Enfin, quel que soit le choix sur le fractionnement de la régulation des flux entre les différents paliers du système, il sera important que sa mise en oeuvre éventuelle soit organisée d'une façon qui soit : - équitable (en particulier pour ne pas défavoriser les pauvres, les ruraux, et les filles), - socialement acceptable (ce qui implique sans doute que quelque chose soit fait pour ceux qui mettraient un terme à leurs études à ces paliers) et - économiquement efficace (ce qui suggère que des formules diversifiées de formation professionnelle courte, ciblées sur l'insertion dans les secteurs de l'économie formelle et informelle, pourraient être étudiées pour une certaine proportion des jeunes sortant du système à ces paliers, permettant ainsi d'envisager des gains dans la productivité du travail dans le secteur informel). Elaborer un dispositif de suivi de l'insertion des diplômés du supérieur Il pourrait être intéressant de façon complémentaire : - d'améliorer le suivi de l'insertion des formés de la formation professionnelle et produire les informations nécessaires à une meilleure régulation de l'offre de formation. Les rapports publiés par le MEFP privilégient des analyses comparatives selon les opérateurs, au détriment d'analyses selon les niveaux et les domaines de formation, qui permettraient d'appréhender l'efficacité relative des différentes formations offertes. - d'élaborer un dispositif de suivi de l'insertion des diplômés du supérieur, qui permettrait d'évaluer l'efficacité relative des différents dispositifs (universitaire, formation des cadres) selon le statut (public, privé), les domaines et filières de formation, selon le niveau et la qualité de l'insertion des diplômés. Chaque institution d'enseignement supérieur pourrait à cet égard développer des instruments qui lui sont propres, notamment en ligne avec le processus d'autonomisation des universités. Cela dit, l'administration centrale devrait disposer d'un outil de pilotage « macro » rendant compte des tendances nécessaires à la régulation de l'ensemble de l'offre d'enseignement supérieur. - d'examiner l'ampleur et l'efficacité des actions existantes tant pour faciliter l'insertion des individus dans l'emploi que pour agir sur l'amélioration de la productivité du travail et l'appui ˆ des dispositions économiques intensifiant le contenu en emplois des productions. Faciliter l'employabilité des sortants Dans la perspective de donner une place significative à l'emploi des formés, des actions engagées selon plusieurs modalités peuvent être observées : - des actions d'une certaine façon post-hoc caractérisées par une autonomie et une indépendance par rapport aux actions de formation; elles ont une fonction d'une certaine façon «réparatrice»; elles peuvent elles-mêmes être structurelles et anonymes et correspondre en fait à des éléments de politiques macroéconomique concernant la législation, les incitations globales ou la fiscalité; elles peuvent aussi être individuelles ou locales avec des actions d'une part pour aider les individus à trouver un emploi (subvention pour l'acquisition du matériel de référence/pour la création d'activité, ...), ou, d'autre part pour inciter des entreprises/des administrations pour qu'elles créent des emplois additionnels. - des actions concrètes intégrées au fonctionnement des établissements susceptibles de faciliter l'employabilité ultérieure des sortants. Ces actions peuvent concerner d'abord au sens large la qualité/pertinence des formations proposées; il peut ainsi s'agir d'une part des contenus de formation, des modalités de mise en oeuvre avec par exemple la participation de professionnels en tant que formateurs ou la réalisation de travaux réels de production. Il peut s'agir aussi de dispositions ciblées sur le secteur productif pour faciliter l'insertion des sortants; il peut ainsi s'agir d'alternance ou de stages, en cours de formation ou de stages post formation/modalités d'accompagnement du jeune dans la période d'insertion professionnelle. - des actions de l'ordre du pilotage externe des établissements. Il ne s'agit plus ici de mesures de nature «physique», comme celles citées aux deux points précédents. Il s'agit plutôt des incitations pour faire en sorte que les pourvoyeurs de services de formation, intègrent dans leur fonctionnement que s'il s'agit certes pour eux d'assurer des formations pertinentes et de qualité, il s'agit aussi, et de façon essentielle, que les formés qui sortent de leurs structures trouvent effectivement un emploi jugé raisonnablement en ligne avec la formation reçue. Dans cette perspective, on laisse au pourvoyeur de formation d'une certaine façon la responsabilité de trouver son créneau et surtout ses modalités de formation avec des dispositions de financement (ou de cofinancement) contractuelles liées à l'emploi des formés.