En annonçant mercredi 4 juin une interdiction de voyager pour les ressortissants de 19 pays, Donald Trump fait resurgir les fantômes de ses premières années de présidence. Ce nouveau décret présidentiel, qui prendra effet le 9 juin, interdit l'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de 12 Etats, dont l'Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, le Congo, la Guinée équatoriale, l'Erythrée, Haïti, l'Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Parallèlement, il restreint partiellement l'accès aux citoyens du Burundi, de Cuba, du Laos, de la Sierra Leone, du Togo, du Turkménistan et du Venezuela. Ce "travel ban" massif, que l'exécutif américain justifie au nom de la "sécurité nationale", constitue la mesure la plus sévère adoptée par l'administration Trump depuis son retour à la Maison Blanche en janvier dernier. Selon le site d'information Politico, la décision était "en préparation depuis des mois" et s'inscrit dans une logique de durcissement de la politique migratoire, érigée en pilier central de la campagne républicaine. La liste des pays ciblés, disparate et géopolitiquement sensible, ravive le débat sur l'utilisation des arguments sécuritaires à des fins électorales. Pour la Maison Blanche, ces restrictions visent à "protéger les citoyens américains contre les menaces extérieures" en renforçant les contrôles aux frontières. "Ces Etats présentent des vulnérabilités systémiques en matière de sécurité et de renseignement", justifie l'administration, sans pour autant fournir de précisions détaillées sur les menaces alléguées. Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Plusieurs chancelleries ont dénoncé une mesure discriminatoire, tandis que des organisations de défense des droits de l'homme redoutent un retour aux pratiques stigmatisantes qui avaient marqué le premier mandat de Donald Trump. Lire aussi : Donald Trump écarte la possibilité d'une « paix immédiate » entre la Russie et l'Ukraine Ce nouveau décret rappelle inévitablement le premier "travel ban" de 2017, à l'époque dirigé principalement contre des pays à majorité musulmane. Cette mesure controversée avait déclenché une vague de contestations judiciaires et de mobilisations populaires, forçant l'administration à revoir sa copie à plusieurs reprises. Finalement, après un long bras de fer avec les tribunaux, une version plus restreinte avait été validée par la Cour suprême en 2018. La nouvelle décision de l'exécutif américain semble s'inspirer directement de ce précédent. Pourtant, les circonstances internationales ont évolué et la liste des pays visés ne se limite plus au seul critère religieux. La présence de nations comme Cuba et le Venezuela traduit une dimension géopolitique plus large, qui mêle préoccupations sécuritaires et calculs stratégiques, notamment dans la rivalité avec des Etats jugés "hostiles" par Washington. Un climat électoral sous tension Cette interdiction survient dans un contexte électoral incandescent, alors que Donald Trump tente de consolider sa base conservatrice en martelant son agenda sécuritaire. La rhétorique de la "forteresse assiégée" semble à nouveau mobilisée, à quelques mois de l'élection présidentielle, pour séduire un électorat sensible aux thématiques de l'immigration et de la protection des frontières. Reste à savoir si cette mesure sera à nouveau contestée devant les tribunaux américains. Les associations de défense des libertés civiles, qui avaient remporté plusieurs victoires en 2017, laissent déjà entendre qu'elles envisagent de nouvelles actions en justice pour dénoncer une décision jugée arbitraire et discriminatoire. En relançant le spectre des interdictions de voyage, Donald Trump confirme son inclination à gouverner par décrets-chocs, alimentant les divisions et les inquiétudes tant sur le plan intérieur qu'à l'échelle internationale. Cette nouvelle offensive contre les mobilités internationales pourrait, une fois de plus, polariser la société américaine et redéfinir les rapports de force diplomatiques à quelques mois d'une échéance électorale décisive.