Aux premières Assises nationales de l'intelligence artificielle, l'Agence de Développement du Digital a défendu une approche pragmatique et centrée sur le citoyen, où la donnée et la confiance deviennent les piliers d'une administration réinventée. En marge des premières Assises nationales de l'intelligence artificielle, tenues à l'Université Mohammed VI Polytechnique de Rabat sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l'Agence de Développement du Digital (ADD) a pris part à un débat sur l'avenir de l'administration publique à l'ère numérique. Cette rencontre d'envergure, organisée par le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, a réuni une pluralité d'acteurs – institutions publiques, experts technologiques, représentants de la société civile et partenaires internationaux – autour d'un objectif partagé : définir les contours d'une gouvernance de l'IA au service du développement et de l'intérêt général. C'est dans ce contexte qu'Amine El Mezouaghi, directeur général de l'ADD, est intervenu lors d'un panel consacré à l'une des questions les plus pressantes de l'agenda public : « Réformer l'administration : quelle feuille de route à l'ère de l'IA ? ». À ses côtés, figuraient plusieurs personnalités de premier plan, telles qu'Oliver Väärtnõu, PDG de la société estonienne Cybernetica, le procureur général du Roi près la Cour d'appel de Kénitra, Abdelkrim Chafi, l'inspecteur général du ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, Mohamed Ibrahimi, et le professeur Driss Kettani de l'Université Al Akhawayn. Lire aussi : Assises nationales : signature d'une série d'accords pour promouvoir l'IA au Maroc Dans son intervention, El Mezouaghi a posé les jalons d'une vision pragmatique et inclusive de l'intelligence artificielle dans les services publics. « L'IA ne doit pas être perçue comme une finalité en soi, mais comme un levier de réinvention de l'action publique », a-t-il affirmé, insistant sur le fait que la technologie doit servir des objectifs clairs de simplification, de proximité et d'équité. « Elle permet de repenser la manière dont l'Etat sert ses citoyens : plus simple, plus rapide, plus juste ». Pour le directeur général de l'ADD, l'enjeu fondamental n'est pas tant technologique que structurel et humain : il s'agit d'installer une nouvelle culture administrative, dans laquelle l'usage de l'IA répond à des besoins concrets, tout en étant porté par des principes de transparence, d'éthique et de responsabilité. La donnée, pierre angulaire de la transformation Au cœur de cette transformation numérique, El Mezouaghi place la qualité et la gouvernance de la donnée. Il insiste sur la nécessité de disposer de bases de données publiques organisées, fiables et interopérables. « La donnée constitue un socle stratégique. Elle doit être fiable, organisée, interopérable et respectueuse de l'éthique pour permettre aux solutions d'IA de déployer tout leur potentiel de manière utile et responsable ». Cette vision rejoint celle des meilleures pratiques internationales, notamment en matière de gouvernance algorithmique et de souveraineté numérique, où la maîtrise de la donnée devient une condition sine qua non d'une transition réussie. À l'heure où les risques liés à la surveillance algorithmique, aux biais décisionnels ou aux atteintes à la vie privée inquiètent de plus en plus les citoyens, l'ADD appelle à bâtir un cadre de confiance robuste. Pour cela, El Mezouaghi plaide pour une assise juridique et éthique solide, garantissant la protection effective des données personnelles, la transparence des systèmes automatisés, et la redevabilité de l'administration numérique. Cette exigence est d'autant plus cruciale dans un contexte où les services publics doivent gagner en légitimité et en efficacité, sans déshumaniser la relation avec les usagers. L'IA ne saurait être un prétexte à la déresponsabilisation, mais un outil au service d'une gouvernance augmentée. L'humain au cœur de la réforme Dans une administration marocaine encore marquée par de lourdeurs bureaucratiques et des disparités territoriales d'accès aux services publics, la réussite de l'intégration de l'IA repose avant tout sur la montée en compétences des agents publics. « L'intelligence artificielle ne remplace pas l'humain, elle le complète », a insisté le patron de l'ADD, appelant à une transformation progressive fondée sur la formation continue, l'expérimentation locale et la co-construction avec les parties prenantes du secteur public. Cette approche graduelle, loin des ruptures brutales, se veut réaliste et adaptée au rythme de transformation des institutions publiques marocaines. Elle intègre également une logique d'apprentissage collectif, de partage d'expérience et de pilotage agile. La participation active de l'ADD à ces Assises illustre la volonté des autorités marocaines de faire de l'intelligence artificielle un pilier stratégique de la réforme de l'administration. Ce virage, amorcé par l'adoption de politiques numériques ambitieuses, suppose désormais un saut qualitatif dans la conception, la régulation et le déploiement des technologies au sein de l'Etat.