Les 1er et 2 juillet 2025, Rabat accueille un rendez-vous majeur pour l'avenir numérique du Royaume : les premières Assises nationales de l'intelligence artificielle (IA). Organisé par le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, cet événement se déroule à l'Université Mohammed VI Polytechnique, un haut lieu d'innovation et de recherche. Cette rencontre inédite réunit experts, décideurs, chercheurs, startups, acteurs publics et citoyens engagés, dans le but d'élaborer une stratégie nationale claire, éthique et responsable afin d'intégrer l'IA au service du développement durable, de la souveraineté numérique et de la modernisation du pays. Dans une allocution vidéo diffusée à cette occasion, le chef du gouvernement, M. Aziz Akhannouch, a souligné que la tenue de cet événement reflète une « volonté collective » de placer l'intelligence artificielle au cœur des politiques publiques. Il a notamment insisté sur la nécessité de « mettre en œuvre une stratégie nationale performante et éthique, au service d'un développement humain inclusif et durable ». À travers ces premières Assises, le Maroc réaffirme son ambition de faire de l'IA un levier stratégique au service du citoyen et de l'intérêt national. M. Aziz Akhannouch a rappelé que cette technologie doit s'inscrire dans une démarche éthique et inclusive, visant à bâtir un avenir numérique à la fois durable et équitable. Dans son allocution, Mme Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée auprès du chef du Gouvernement chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, a souligné que l'intelligence artificielle « n'est pas une technologie d'avenir, mais une réalité qui transforme dès aujourd'hui notre futur ». Elle a insisté sur la nécessité d'adopter une vision élargie dépassant l'aspect purement technique, pour considérer l'IA comme un catalyseur de transformation des administrations et des relations entre l'Etat et les citoyens. « L'intégration de l'IA à l'échelle stratégique nationale est une priorité afin d'assurer que ces technologies soient conformes à nos valeurs démocratiques et éthiques, et non de simples instruments de contrôle », a-t-elle ajouté. Le ministère perçoit dans l'intelligence artificielle un levier essentiel pour repenser les modes de réflexion publique, moderniser les outils décisionnels et restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions. Toutefois, il reconnaît les défis majeurs liés à cette transformation, notamment les risques de biais algorithmiques, le manque de mécanismes de responsabilité, la dématérialisation des centres de décision et les insuffisances en compétences numériques dans le secteur public. Pour répondre à ces enjeux, une loi encadrant la numérisation et garantissant une utilisation éthique de l'IA est en cours d'élaboration. Ce dispositif mettra l'accent sur la transparence algorithmique, le droit à l'explication et à l'opposition, ainsi que sur le respect de principes éthiques, réaffirmant ainsi la primauté de la conscience humaine dans la relation entre administration et citoyens à l'ère digitale. Un positionnement affirmé à l'échelle africaine et internationale Au-delà du cadre national, le Maroc s'engage activement dans la construction d'une intelligence artificielle africaine, respectueuse des valeurs culturelles du continent et ouverte à des partenariats responsables. Dans cette perspective, le Royaume contribue à l'élaboration des stratégies africaines au sein de l'Union africaine (UA) et soutient les initiatives internationales telles que la Déclaration de l'UNESCO sur l'éthique de l'intelligence artificielle. Cette posture s'accompagne d'une ambition forte de souveraineté technologique, afin d'éviter de demeurer un simple récepteur de solutions étrangères. Le Maroc vise à devenir un acteur de premier plan dans la définition de normes et de savoir-faire adaptés à ses réalités et à ses ambitions. Lire aussi : IA: Le Maroc ambitionne de mettre en œuvre une stratégie efficace au service d'un développement humain durable Plusieurs intervenants ont insisté sur l'impératif d'associer l'ensemble des parties prenantes – jeunes, entrepreneurs, chercheurs, société civile – à ce processus. Martin Tisné, directeur général de l'AI Collaborative, a mis en avant la nécessité d'un écosystème ouvert, fondé sur la collaboration et la responsabilité partagée entre pouvoirs publics, secteur privé et société civile. Le dialogue citoyen est apparu comme une priorité afin de définir collectivement une IA accessible à tous, et non confinée à une élite technocratique. Cette volonté d'équité s'inscrit pleinement dans les Objectifs de Développement Durable, que l'IA pourrait contribuer à atteindre à hauteur de 70 % selon certaines projections. Des perspectives concrètes pour l'économie et la société Sur le terrain, le Maroc a déjà engrangé des résultats probants, notamment dans le secteur des énergies renouvelables, où l'IA a permis d'améliorer de 40 % la performance des turbines éoliennes. Par ailleurs, le Royaume envisage de tirer parti de cette technologie à l'occasion de l'organisation de la Coupe du Monde 2030, afin de déployer des services interactifs innovants dans les secteurs du tourisme et de la sécurité. Dans le domaine de l'éducation, l'IA est envisagée comme un outil d'adaptation des parcours pédagogiques aux rythmes et besoins spécifiques des apprenants. En santé, elle ouvre la voie à une médecine personnalisée, améliorant diagnostics et traitements. Ces premières Assises nationales marquent une étape majeure dans la stratégie numérique marocaine. Elles témoignent de la volonté du Royaume de conjuguer innovation technologique, souveraineté, inclusion sociale et respect des valeurs démocratiques. Au cœur de cette dynamique, la conviction est forte : l'intelligence artificielle doit être un facteur d'émancipation et de progrès, et non un simple instrument de contrôle ou d'exclusion. Le Maroc entend ainsi bâtir un modèle d'IA responsable et humain, capable de faire rayonner le pays sur la scène internationale tout en répondant aux aspirations de sa population. « Si nous sommes conscients des immenses opportunités qu'offre l'intelligence artificielle, nous mesurons également les défis qu'elle impose, notamment en termes de souveraineté numérique, de justice sociale, de protection des données et d'éthique », a déclaré M. Aziz Akhannouch, en évoquant la stratégie Maroc Digital 2030. Pour cette feuille de route, le gouvernement prévoit un budget pouvant atteindre 11 milliards de dirhams afin de dynamiser l'économie numérique, stimuler l'emploi et soutenir les talents du numérique. « L'objectif est de former 100 000 jeunes aux métiers du numérique et de créer 240 000 emplois d'ici 2030 », a-t-il précisé. Par ailleurs, l'écosystème numérique national s'affirme comme un moteur de transformation profonde de l'économie et de la société, avec l'IA « comme levier stratégique clé ». Dans le secteur sanitaire, cette technologie participe déjà à « une révolution en améliorant le diagnostic précoce, en développant la prévention, en optimisant les traitements et en renforçant l'efficacité des systèmes », a conclu le chef de l'exécutif.