En moins d'une semaine, l'émissaire de Donald Trump a traversé Tunis, Tripoli, Benghazi, Alger et probablement Rabat (aujourd'hui ou demain ?). Plus qu'un simple déplacement diplomatique, ce marathon dessine les contours d'une stratégie américaine renouvelée en Afrique du Nord. Plus qu'une tournée, une démonstration : le Maghreb redevient un terrain stratégique majeur pour Washington. Et au centre de ce dispositif, le Maroc. Rabat, l'étape clé ? Le 29 juillet, Massad Boulos, conseiller spécial de Donald Trump pour l'Afrique et le Moyen-Orient, fera escale à Rabat après une étape à Alger selon des sources diplomatiques. Plus qu'un arrêt protocolaire, cette visite constituera l'un des moments clés d'une tournée express qui redéfinit les priorités américaines au Maghreb. Au Maroc, Washington tient à réaffirmer un message sans ambiguïté : le plan d'autonomie marocain pour le Sahara reste, selon les termes américains, la « seule solution sérieuse et réaliste ». Ce n'est pas qu'une déclaration diplomatique, mais la confirmation que le Royaume demeure le partenaire pivot des Etats-Unis dans la région, un allié stable et pro-américain capable de servir de passerelle stratégique vers le Sahel et l'Atlantique. Pour le Maroc, cette étape consolidera une alliance désormais bâtie sur trois piliers : diplomatie économique, coopération sécuritaire et reconnaissance politique. Alger-Rabat : la tentative de rouvrir un canal ? Le passage par Alger, rare pour un proche de Trump, n'a rien d'anodin. En reliant les deux capitales en l'espace de quelques heures, (si l'escale de Rabat est maintenue) Massad Boulos cherche certainement à réintroduire un dialogue indirect sur le Sahara et la stabilité régionale. Dans un contexte de tensions gelées, ce geste sonne comme un signal fort : Washington veut replacer Rabat et Alger dans une équation stratégique, indispensable à l'équilibre du Maghreb et à la sécurisation de l'arc sahélo-saharien. LIRE AUSSI : Trump rabaisse Macron : Quand la reconnaissance de la Palestine devient un bras de fer diplomatique Cette tentative intervient alors que l'ONU peine à relancer un processus crédible et que l'Europe, affaiblie par son retrait militaire du Sahel, laisse un espace d'influence grandissant. Les Etats-Unis semblent vouloir combler ce vide, et ce voyage en est la preuve la plus concrète. La Libye, charnière sécuritaire À Tripoli comme à Benghazi, Massad Boulos a choisi de parler aux deux camps rivaux. Une méthode directe pour un objectif clair : endiguer l'instabilité libyenne, source de menaces sécuritaires et de flux migratoires vers l'Europe. Pour Washington, la Libye n'est pas un simple dossier régional. C'est le pivot sécuritaire qui conditionne l'équilibre du Maghreb et du Sahel. Stabiliser ses institutions, c'est aussi verrouiller la Méditerranée centrale et réduire l'espace d'influence des réseaux russes et turcs. Le passage par les deux capitales libyennes traduit une approche pragmatique : dialoguer avec tous les acteurs pour contenir une crise dont les répercussions traversent les frontières et façonnent l'avenir de toute l'Afrique du Nord. Un Maghreb au cœur des rivalités mondiales Ce voyage dépasse largement la seule scène maghrébine. Derrière l'itinéraire de Boulos, c'est une bataille d'influence globale qui se dessine. La Chine tisse sa toile avec des investissements massifs en infrastructures dans le cadre des Routes de la soie. La Russie consolide ses réseaux sécuritaires et paramilitaires de la Libye au Sahel. L'Europe tente de maintenir sa présence, fragilisée par le retrait progressif de ses forces du Sud saharien. Mais les Etats-Unis, via Boulos, reviennent sur le terrain avec une diplomatie bilatérale, directe et résolument économique. Le Maghreb apparaît ainsi comme une zone charnière, à l'intersection de la Méditerranée, du Sahel et des routes atlantiques. Un espace où se joue désormais bien plus qu'un simple équilibre régional, un véritable bras de fer géopolitique mondial. La marque Boulos : le retour d'une diplomatie transactionnelle Homme d'affaires devenu émissaire, Massad Boulos incarne une méthode taillée à la mesure de Donald Trump : moins d'aide, plus de commerce ; moins de lourdeurs multilatérales, plus de deals bilatéraux. Cette approche trouve un écho particulier au Maroc, où la diplomatie économique est depuis des années un axe central. Le Royaume a fait du partenariat d'investissement et des alliances stratégiques un pilier de son action internationale, préférant les relations concrètes aux aides conditionnées. Faut-il rappeler que Massad Fares Boulos n'est pas un diplomate de carrière ? Né en 1971 à Kfaraakka, au Liban, cet homme d'affaires américano-libanais est aussi beau-père de Tiffany Trump. Proche du président américain, il a été nommé conseiller principal pour le Moyen-Orient en janvier 2025 avant de devenir Senior Advisor pour l'Afrique auprès du Département d'Etat, quelques mois plus tard. Trilingue, multiculturel, il possède plusieurs nationalités et une longue expérience du continent africain, forgée notamment au Nigeria. Un voyage, un avertissement Ce déplacement n'est certainement pas une simple tournée protocolaire. Il trace une ligne stratégique et redistribue les cartes de l'influence. En reliant Tunis, Tripoli, Alger et Rabat (?) en quelques jours, Massad Boulos fera plus que serrer des mains. Il repositionnera le Maroc comme pivot incontournable de la stabilisation du Nord de l'Afrique et de la compétition mondiale pour le continent. Pour le Maroc, ce voyage est autant une opportunité historique qu'un signal fort. Reste à en faire un levier stratégique, pas seulement un symbole. Car ce marathon maghrébin pourrait bien annoncer une nouvelle ère : celle où le Sahara, la Libye et la diplomatie économique américaine deviendront les clés de tout l'équilibre africain.