Le Royaume prévoit d'investir 319 milliards de dirhams (30 milliards d'euros) dans des projets d'hydrogène vert, en partenariat avec de grands acteurs mondiaux de l'énergie, tout en adoptant une approche prudente face aux incertitudes d'une demande encore embryonnaire. Le Maroc entend se positionner parmi les pionniers de l'hydrogène vert à l'échelle mondiale. Les autorités ont annoncé un plan d'investissement massif de 319 milliards de dirhams dans ce secteur émergent, avec pour ambition de faire du Royaume un hub énergétique régional et un fournisseur privilégié de l'Europe. Des discussions avancées sont menées avec plusieurs géants internationaux, parmi lesquels Acwa Power (Arabie saoudite), TAQA (Emirats arabes unis) et TotalEnergies (France). Le groupe marocain OCP, premier exportateur mondial d'engrais phosphatés, s'intéresse également de près à ce marché, voyant dans l'hydrogène et l'ammoniac verts un levier pour décarboner la production d'engrais. Les projets ciblent principalement les trois régions du sud du pays, où le gouvernement met à disposition un million d'hectares de terres, dont 300 000 dans une première phase. Des infrastructures structurantes accompagnent cette stratégie : ports adaptés au stockage et à l'exportation, nouveaux pipelines, usines de dessalement d'eau et vastes parcs solaires et éoliens. Toutefois, Rabat se garde de précipiter ses choix. Les investissements ne seront confirmés qu'une fois des contrats d'achat à long terme signés avec des clients internationaux. « L'objectif est d'éviter d'engager des milliards sans garanties solides sur la demande », expliquent des sources proches du dossier. À l'échelle mondiale, l'hydrogène vert reste un marché en construction. Le coût élevé des technologies, combiné à l'incertitude sur la demande, a entraîné une vague d'ajustements. Le nombre de projets annulés a bondi de 233 % en 2024, signe de la fragilité du secteur. Plusieurs groupes, à l'image de Masdar (Emirats arabes unis), réorientent même leurs investissements vers des filières plus sûres, comme l'intelligence artificielle, particulièrement énergivore. Pourtant, le Maroc mise sur ses atouts naturels – ensoleillement, potentiel éolien et proximité avec l'Europe – pour séduire les acheteurs. Bruxelles ambitionne d'importer dix millions de tonnes d'hydrogène vert d'ici 2030, une opportunité que Rabat espère capter en fournissant jusqu'à 4 % de la demande mondiale. Ce pari énergétique illustre la volonté du Royaume de diversifier ses sources de croissance, de réduire son empreinte carbone et de s'imposer comme un acteur incontournable de la transition énergétique internationale.